Découverte à Toulouse : La graisse brune, un espoir dans la lutte contre l’obésité

Dominique Langin. Ph. DR

Une équipe de scientifiques toulousains fonde quelque espoir sur ce tissu spécifique qui ne stocke pas mais brûle la graisse. Son apport est essentiel dans le mécanisme mobilisé. “Baisser la température des bâtiments, s‘acclimater à une température plus basse est un moyen de réactivation de cette graisse”, professe Dominique Langin qui a dirigé cette équipe.

L’obésité prend de plus en plus de place dans notre société. Mais pourra-t-on, demain  lui en donner moins dans nos corps ? Sans donner de faux espoirs, une découverte importante vient d’être validée. Une équipe de scientifiques toulousains et canadiens, menée par Dominique Langin, professeur des universités, praticien hospitalier à l’université Toulouse III Paul Sabatier et chercheur au sein de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC, Inserm/UT3), a étudié les processus qui sont à l’origine de cette faculté. Leurs travaux, financés notamment par le Conseil européen de la recherche (ERC), ont été publiés dans Cell Metabolism le 15 novembre.

La graisse blanche stocke, la brune brûle les graisses

Le corps humain, pour fonctionner, puise son énergie dans les graisses qui sont stockées dans les tissus adipeux blancs ou bruns. Ces derniers, minoritaires dans notre organisme, ont la capacité de produire de la chaleur en consommant les graisses et ainsi réguler notre température corporelle.

“Il y a deux sortes de graisses, professe Dominique Langin ; l’une, blanche, connue par le commun des mortels et qui véhicule une image négative ; qui peut s’accumuler au cours de l’âge et dont l’excès conduit à l’obésité et à toutes sortes de maladies cardio-vasculaires, diabète, etc. Elle a une fonction essentielle dans l’organisme, cette graisse blanche comme stocker de l’énergie. C’est son excès qui est néfaste.” Et puis, il y a “la graisse brune – c’est sa couleur – dont la fonction est de les brûler, les graisses.”

Nouveau-né, marmottes… L’utilité de la graisse brune

Aditya Romansa, Unsplash

L’homme a donc la “capacité de transformer cette graisse en chaleur. Cette graisse a évolué chez les mammifères pour fabriquer de la chaleur sans en passer par le frisson, pose Dominique Langin. Le nouveau-né, qui est à 37 degrés dans le ventre de sa mère, quand il en sort, c’est le choc thermique. Comme il n’est pas capable de frissonner, c’est sa graisse brune qui va lui permettre de maintenir sa température. Autre exemple, chez les marmottes dont la température corporelle descend l’hiver à 6 degrés et qui, au printemps, voit son cerveau réactiver le tissu adipeux brun qui va brûler ces graisses-là pour faire remonter la température. Chez l’homme, cette graisse persiste mais en très petites quantités, au niveau du cou, en profondeur, près des vertèbres aussi.”

Il faut absolument un stockage et une mobilisation des graisses à l’intérieur des cellules. C’est le plus que nous apportons scientifiquement à ce que l’on savait déjà”

Dominique Langin poursuit sa démonstration : “Il y a avait un débat scientifique, depuis plusieurs années, pour comprendre d’où venaient les graisses blanches qui étaient brûlées dans les graisses brunes. Ce qui les différencie c’est le nombre “d’usines” à brûler. La question était de savoir si les graisses brûlées sont à l’intérieur  de la cellule ou en dehors. Ça change complètement la façon dont on peut activer ce tissu et dont il fonctionne. C’est désormais résolu, grâce à des modèles de souris dans lesquels on avait fait en sorte qu’il n’y ait plus de capacité à mobiliser les graisses stockées. On a pu montrer chez ces souris qu’elles ne font plus de la chaleur. De maintenir leur température corporelle.” 

Et d’en conclure : “Ce qui veut dire qu’il y ait absolument un stockage et une mobilisation des graisses à l’intérieur des cellules. C’est important de le comprendre. C’est le plus que nous apportons scientifiquement à ce que l’on savait déjà. Ce que l’on voudrait, c’est qu’une fois mobilisé le tissu adipeux blanc, quand il se balade dans le sang, qu’il entre dans les cellules brunes et il qu’il soit brûlé. Et on maigrit. C’est notre espoir.”

“Avoir des molécules, pour réactiver des cellules de graisses brunes dormantes, cela pourrait être une stratégie”

Towfiqu Barbhuiya, Unsplash.

La graisse brune, est-elle, au vue de cela, future alliée dans la lutte contre l’obésité ? “On s’interroge. Cette quantité de tissu adipeux brun ne représente chez l’adulte que quelques pourcents de notre masse de graisse – cette graisse brune diminue avec l’âge -, la vaste majorité étant constituée de tissu adipeux blanc. Mais leur capacité à brûler des graisses blanches est très élevée. Il faut comprendre comment elle fonctionne et comment on va pouvoir la réactiver. Et pour pouvoir la réactiver, il faut comprendre comment elle fonctionne. Nos travaux s’inscrivent dans le mécanisme de transformation des graisses. Si on avait tout compris, on aurait déjà des médicaments…” Il ajoute : “Je ne pense pas que les agences de régulation, françaises et internationales, n’iront pas jusque-là parce qu’il y aura sans doute des moyens peut-être moins coûteux de le faire. En revanche, d’avoir des molécules, des médicaments, pour réactiver des cellules de graisses brunes dormantes, cela pourrait être une stratégie.” 

Le tissu adipeux brun des souris n’exprimant pas les enzymes ATGL et HSL (panel de gauche) est plus chargé en graisses que celui des souris exprimant ATGL et HSL (à droite).
Ph : I2MC, 2024.

“Une piste pour brûler des graisses et perdre du poids”

“Ces résultats montrent que la dégradation des graisses du tissu adipeux brun est requise pour la production de chaleur par ce tissu”, dit conclut Etienne Mouisel, maitre de conférences à l’université de Toulouse III – Paul Sabatier. Développer des molécules qui permettent d’activer cette voie est une “piste pour brûler les graisses et permettre une perte de poids, une perspective d’intérêt pour lutter contre l’obésité et ses complications”.

Les personnes qui vont dans l’eau froide réactivent leur graisse brune. Baisser la température des bâtiments ; s’acclimater à une température plus basse est un moyen de réactivation de cette graisse”

“Quand l’intérêt pour cette graisse brune s’est ravivé en 2009, reprend Dominique Langin, on a eu la validation qu’il y en avait toujours chez l’adulte (jusque-là, on pensait qu’il n’y en avait plus) ; ce serait juste devenu un élément de compréhension pour les zoologistes pour les marmottes et autres animaux. Mais en réexaminant l’imagerie de cancers, des scientifiques y ont vu des signaux de pompage de sucre plus importants dans des localisations qui n’avaient rien à voir avec la tumeur : la graisse brune.”

“C’est ce qui a permis de mettre la graisse brune en évidence chez l’adulte. L’un des scientifiques qui travaillaient là dessus, qui était aux Pays-Bas, est un spécialiste de la régulation de la température corporelle. Mais aussi des bâtiments. L’exposition au froid est un moyen de réactiver la graisse brune : les personnes qui vont dans l’eau froide réactivent leur graisse brune. Baisser la température des bâtiments ; s’acclimater à une température plus basse est un moyen de réactivation de cette graisse.” Vive la précarité énergétique !

Olivier SCHLAMA

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