Montpellier : Face au fléau de l’obésité, des chirurgiens apportent une réponse massive

Plus de huit millions de Français souffrent d’obésité (17 % de la population). Ce qui entraîne quelque 50 000 opérations dont 350 à 400 rien qu’à Montpellier. Pour répondre à une demande croissante, le Sétois et chef de la chirurgie digestive au CHU de Montpellier, vient de créer un pool avec deux établissements privés et un mutualiste. Une première qui va démultiplier les possibilités.

“L’obésité touche 17 % de la population française adulte (enquête OBEPI Roche menée par la Ligue nationale contre l’obésité en 2020). Et près d’un Français sur deux est en situation de surpoids et/ou d’obésité”, alerte la Ligue contre l’obésité, en 2021. Et 2 % en obésité massive (IMC supérieur à 40). “En Europe, la France se classe dans le milieu de tableau de l’ensemble des pays de l’Union”, précise David Nocca, chef de service de chirurgie digestive au CHU de Montpellier. On en encore loin des USA qui comptent, eux, 50 % d’obèses, mais l’obésité ne cesse de progresser dans notre pays.

Les femmes sont les plus touchées, mais forte progression chez les hommes

Une tendance inédite se dessine, alors que la prévalence des personnes en surpoids recule (30,3 %, – 2 points), celle des personnes en situation d’obésité – quand l’IMC, l’indice de masse corporelle, est supérieur ou égal à 30 – continue d’augmenter, elle a gagné deux points en huit ans (soit 13 % de hausse) et elle a doublé depuis 1997. Les résultats de celle-ci révèlent que désormais 17 % de la population française, souffre d’obésité, soit plus de 8 millions de Français, dont 2 % sont en situation d’obésité massive soit plus d’un million de personnes. “Un chiffre en forte hausse, par rapport à l’étude ObÉpi-Roche de 2012 (15 % de la population soit 6 922 215 individus). Si les femmes sont toujours plus touchées que les hommes c’est auprès de ces derniers que les progressions sont les plus fortes notamment sur l’obésité massive : elle a été multipliée par trois en 8 ans (passant de 0,6 % à 1,8 %)”.

Mieux organiser la prise en charge

“Le constat est le même aujourd’hui, souligne le professeur David Nocca. Le chirurgien, spécialiste mondial, vient de réussir un tour de force : réunir sous la même “bannière” plusieurs établissements de santé pour mieux répondre à la demande croissante d’interventions chirurgicales, notamment des réductions de l’estomac. Le Sétois a été l’une des chevilles ouvrières du projet Montpellier Obesity International Institute qui a nécessité il y a quelques jours la signature d’une convention cadre.

Le but ? Mieux organiser la prise en charge coordonnée des patients sur le territoire Montpelliérain sous l’égide de David Nocca et du CHU de Montpellier en collaboration avec la clinique Beau Soleil, la clinique Saint Jean et le GCS Aurores Méditerranée. “C’est une collaboration originale et c’est sans. doute une première entre du public, du privé et un établissement mutualiste”, souligne David Nocca, chef de service de chirurgie digestive au CHU Montpellier.

“Au CHU, on est débordés par les demandes…”

Avant le covid, quelque 50 000 personnes étaient opérées chaque année en France, dont 350 à 400 par an à Montpellier. “Cela fait plusieurs années que nous travaillons à mutualiser les forces. Au CHU, on est, par exemple, débordés par les demandes. Et on a finalement peu de places. Au vu de la conjoncture sanitaire – pendant le covid, on a annulé pas mal d’interventions – et le manque de personnels chronique, on a eu le nez creux en imaginant le besoin d’autres sites opératoires autres que celui du CHU. C’est chose faite. L’équipe du CHU va exporter son expérience sur deux autres sites, la clinique Beau Soleil ; on va aller former et aller voir des équipes sur place et y augmenter leur activité.” Et réduire les files d’attente de parfois plusieurs mois.

Par ailleurs, ce partenariat s’appelle Montpellier Obesity International Institute, avec le mot international dedans parce que nous avons développé une technique vraiment innovante et qui explose au niveau international. Nous avons chaque mois des demandes de chirurgiens étrangers pour venir chez nous. Nous avons un team assez large au niveau international incluant une équipe de Sidney (Australie) ; Rome (Italie) ; Barcelone (Espagne) ; Buenos aires (Brésil) ; Haïfa (Israël), etc. qui vont collaborer dans une structure de recherche que nous allons mettre en place l’année prochaine.”

Sept ans pour réaliser ce projet de collaboration

Le chirurgien David Nocca au bloc opératoire. DR.

De quoi étendre la collaboration initiée depuis quinze ans entre son équipe pluridisciplinaire et celle de Philippe Lefebvre du service Endocrinologie-Diabète du CHU de Montpellier aux équipes, de Thomas Gautier de la Clinique Saint-Jean, de Bérangère Coestier de la Clinique Beau Soleil et de Lisa Gaffino de la Clinique Ster (GCS Aurore) dans le but d’améliorer la prise en charge médico-chirurgicale des patients atteints d’obésité sévère ou morbide. “Nous avons mis sept ans à réaliser ce projet qui a été compliqué à mettre en place parce qu’il y a des barrières à faire tomber mais nous avons eu la chance d’avoir comme directeur d’hôpital un visionnaire, Thomas Le Ludec, qui a signé avant de partir.”

“La fracture territoriale se voit sur la carte de l’obésité…”

Car, comme le souligne la Ligue contre l’obésité, “la fracture territoriale se voit aussi sur la carte de l’obésité (…) qui touche de façon particulièrement inégale nos concitoyens selon leur région. L’île-de-France (14,2 %), mais aussi les régions du Sud et de l’Ouest du pays sont relativement épargnées alors que les régions du Nord et de l’Est sont nettement plus touchées (22,1 % dans les Hauts-de-France). La Normandie (19,8 %) la région Grand-Est (20,2 %) et les Haut-de-France (22,1 %) sont parmi les plus touchées par l’obésité et, en même temps, parmi les plus pauvres de France. Ainsi, une coupure assez nette apparaît entre le Nord et le Sud du pays, et, plus particulièrement, entre la diagonale Ouest-Sud et Nord-Est.On distingue alors deux groupes de régions très diversement touchées par l’obésité”.

L’obésité ignore l’âge et la justice sociale

L’obésité, une maladie qui ignore l’âge, l’égalité et la justice sociale. L’obésité, en France, est de 9,2 % chez les 18-24 ans, de 13,8 % chez les 25- 34 ans, de 16,7 % chez les 35-44 ans, de 18,4 % chez les 45-54 ans, de 19,9 % chez les 55-64 ans et de 19,2 % chez les 65 ans et plus. Avec une alarme sur les jeunes adultes : la part de personnes en situation d’obésité a augmenté de 3,6 points chez les 18-24 ans en huit ans. Ce n’est pas tout. Pour la première fois, on connaît les chiffres de l’obésité pédiatrique en France.

Toujours selon la Ligue contre l’obésité, 34 % des enfants de 2 à 7 ans et 21 % des enfants/jeunes de 8 ans à 17 ans sont en situation de surpoids ou d’obésité. Des chiffres élevés. Parmi les 8 ans17 ans en situation d’obésité, les jeunes garçons sont presque deux fois plus nombreux (62 %) que les jeunes filles (38 %). On observe aussi dans cette population une surreprésentation nette des jeunes issus de catégories populaires et inactives (chômeurs, femmes/hommes au foyer) : 75% des 8-17 ans en surcharge pondérale sont issus de ces catégories, soit 9 points de plus que dans la population générale.

“Le meilleur traitement, c’est la prévention”

David Nocca explique que le message de santé doit d’abord aller à la prévention de l’obésité et tout faire pour éviter l’opération : “C’est le but de la Ligue contre l’obésité que j’ai fondée en 2014. Le meilleur traitement, c’est la prévention. D’ailleurs, nous allons développer des actions avec la ville de Montpellier dans ce sens. C’est comme le cancer : Val d’Aurelle opère mais fait aussi beaucoup de prévention.”

Le spécialiste ajoute : “L’obésité, c’est moins “charitable” que le cancer ; les gens se disent que c’est faute à pas de chance. L’obésité, les mêmes disent : “ben, il n’ont qu’à pas manger et faire du sport”. Mais ce n’est pas si simple que ça. Ce sont des parcours de vie difficiles dans la majorité des cas avec des causes psychologiques majeures ; des accidents de vie ; des agressions sexuelles qui peuvent en être à l’origine, etc. Et ce n’est pas parce que l’on va couper un estomac que tout est réglé chez le patient. Nous avons d’ailleurs des équipes pluridisciplinaires larges qui incluent des anesthésistes, des endocrinologues, des psychologues, psychothérapeutes, psychiatres…”, souligne Dabid Nocca, depuis l’aéroport. Le Sétois a rendez-vous avec la présidente de la société américaine de chirurgie bariatique.

Olivier SCHLAMA

À lire aussi sur Dis-Leur !

Santé : Exploitation des données personnelles, un “scandale d’Etat”

Santé : Avec 15 000 covid longs, l’Occitanie se dote d’un parcours de soins inédit en France

Déserts médicaux : En Occitanie, le pari déjà réussi des centres de santé