Avec ses chansons festives et joyeuses, le groupe, qui a été cofondé par le Sétois Fred Rollat, guitariste et compositeur du groupe, fête son quart de siècle et sort son 9e album.
Il n’a plus l’accent… chantant de Sète mais il en a gardé toute la chaleur. Fred Rollat trouve merveilleuse l’idée que son groupe, Karpatt, se produise un jour à Sète, à l’occasion de la Saint-Louis, après avoir eu la “chance” de se produire au Théâtre de la Mer à deux reprises ! Pourquoi pas ! Leur concert cet été à Villeneuve-les-Maguelone, à quelques encablures, n’a-t-il pas été des plus explosifs ?
Car le musicien-compositeur de 57 ans, né en Ile Singulière, a sans doute gardé de ses primes années au bord de la Méditerranée, ce parfum si intense du métissage italo-hispanico-pied-noir qui donne toute sa couleur, atypique, à la ville de Brassens. Sur les traces du poète, modestement, il a créé ce groupe, Karpatt, un peu, là aussi, en référence à l’appel du voyage qu’il n’a de cesse d’assouvir et dont il rapporte émotions, musicalités et vérités.
Une chanson construite avec des phrases d’internautes-fans mises bout à bout
Évasion, exotisme mais aussi le côté joyeux, éclairant. “Nos albums sont des carnets de voyage”, définit-il. Et même un voyage peut être… immobile, intérieur, comme l’illustre le dernier opus, En Escale, où quelques chansons s’attardent sur cette période si psychologiquement particulière du covid, comme 1,2,3 Soleil ou Entre les Doigts. Cette dernière ayant été réalisée avec le concours, à travers les réseaux sociaux, du public, des fans du groupe !
De cette expérience immersive, il dit : “Pendant le covid, je m’imposais un exercice : écrire une chanson par jour ; la chanter devant les gens via les réseaux sociaux. C’est ce qui m’a maintenu à flots. J’en ai gardé quatre qui sont dans le dernier album. J’avais été marqué par des gens qui avaient couru un marathon sur leur balcon ; un autre qui avait fabriqué une maison de ses mains et d’autres choses tout aussi incroyables. Et d’autres plus dures comme le quotidien des infirmières, etc. J’ai ainsi lancé un message sur Facebook pour demander aux publics de me dire en une phrase leur confinement. J’ai eu un retour bien plus important que ce que j’imaginais : 600 réponses et j’ai eu donc des phrases comme cela que j’ai mises bout à bout. C’est ce qui a fait le contenu de cette chanson Entre les Doigts. Il y a des trucs super joyeux, super intenses, créatifs… Et d’autres qui vivent des choses dramatiques, des pertes…”
“Des anecdotes me servent de trame aux chansons”
Hormis cette expérience originale, Fred Rollat part souvent “d’une anecdote d’un retour de voyage que l’on m’a racontée. Par exemple, un couple qui, au Chili, va tout d’un coup, subit une rafle. Le mari a été embarqué de nuit et sa femme a passé tout le reste de sa vie à attendre dans sa salle à manger, pensant qu’il pouvait revenir un jour… Ça me donne ainsi une trame de chanson”.
Élaboré en 1996, le premier album sort en 1998. Depuis vingt-cinq ans, Karpatt – en référence à l’origine aux secrètes et riches montagnes des Carpates qui abritent une musique si joyeuse… – écument la planète. Ses “chansons du voyage” fleurent bon le swing gitan, la joie manouche. C’est festif. Solaire. Y’ a aussi un brin de musette, parfois. De jolies mélodies s’appuyant sur des paroles qui se connectent autant à l’intime qu’à la foule. Gaëtan Lerat, Hervé Jégousso et Jessy Adjaoud : deux guitaristes, un contrebassiste et un percutionniste. Et donc Fred Rollat (compositeur et guitariste) qui n’écarte pas l’idée d’un cousinage musical avec les VRP ou les Négresses Vertes.
“Chansons de voyage”
Il y ajoute les Ogres de Barback ou la Rue Ketanou ou encore Debout sur le Zinc “avec lesquels nous avons fait beaucoup de choses. La Rue Ketanou, ce sont des gens tellement humains dans leurs chansons et leur façon d’être que la rencontre artistique est facile...” Et : “Si ces groupes ont pu défricher un nouveau style de musique, c’est bien ! Et si, nous, à notre petite échelle, on peut inspirer d’autres formations qui ont envie de faire des voyages et qui pensent que l’indépendance, c’est jouable, c’est bien aussi ! On en est la preuve.” Quel est le message de Karpatt ? Fred Rollat inspire : “Déjà, quand je fais une chanson, j’ai envie d’être moi-même satisfait. Et si après cela peut être un prétexte pour se rencontrer… C’est là le propos : la rencontre, aller vers les gens. En Bretagne, en Vendée ; en Occitanie ; à l’autre bout du monde. On a ainsi un laisser-passer via l’émotion qui accélère tellement les choses…”
De cette ambiance sympa entre potes, petit à petit, j’ai amené des textes ; on s’appelait déjà Karpatt. Une vie de nomades dans les Carpates avec des instruments dans les roulottes nous fascinait”
Au départ, le groupe se forme au lycée puis se muscle musicalement en répétant et jouant des reprises. “On faisait les fêtes de la musique. Pour cela, on se retrouvait une fois par semaine, le soir, dans un petit studio, dans le XIIIe arrondissement de Paris, comme plein de musiciens le font. On répétait des chansons que l’on aimait bien dans un répertoire un peu rock, à l’époque. De cette ambiance sympa entre potes, petit à petit, j’ai amené des textes ; on s’appelait déjà Karpatt. Une vie de nomades dans les Carpates avec des instruments dans les roulottes nous intriguait. Nous fascinait.”
De l’énergie. De l’envie. La France qu’ils sillonnent “pour ne rien gagner juste se faire connaître. Mais, là, pas de problème. C’était déjà un vrai plaisir de rencontrer le public à chaque fois”, dit Fred Rollat qui a suivi le conservatoire d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). “On ne commençait pas tout de suite l’instrument à l’époque ; fallait apprendre le solfège d’abord ; faire la chorale… Et au bout de deux ou trois ans, j’ai commencé la guitare classique”, confieFred Rollat.
“On a eu la chance de faire des tournées à l’étranger et cela nous a pas mal inspirés”
L’Europe de l’Est, c’était l’acmé musical du groupe à l’origine qui aimait produire swing manouche et musicalités tsiganes, “parfaits pour jouer dans la rue, les cafés…” Il y a même eu des sonorités tirant vers le reggae, latino… “On ne s’est jamais interdit d’aller vers des univers, quels qu’ils soient. Ce qui a fait que nous sommes plus volontiers allés vers le “latin”, ce sont les voyages. On a eu la chance de faire des tournées à l’étranger et cela nous a pas mal inspirés.” Partir à l’étranger, découvrir d’autres musiques, cela s’est fait un peu par hasard.
“Tout est parti d’un concert à Berlin…”
Il explique : “Tout est parti d’un concert à Berlin il y a quelques années ; il y avait des gens là-bas qui chantaient dans des Alliances françaises qui, en nous entendant, se sont dit que ce serait bien que l’on nous entende chez eux. De ce voyage-là, il y a eu une tournée dans les Pays Baltes. Ensuite, on a poursuivi : le Kazakstan, l’Indonésie… ça a rayonné, rebondi… On a aussi donné des concerts en Amérique centrale. Cela nous a nourri ; cela nous a donné des choses à raconter. Et de nouvelles couleurs musicales.” Aujourd’hui, les Karpatt aiment à dire qu’ils revendiquent “une musique du voyage. Dans le dernier album, par exemple, il y a certes des couleurs latines mais aussi une chanson qui raconte Aung Sans Suu Kyi“, femme d’Etat en Birmanie, figure de l’action non violente.
En mars 2022, deux groupes de musiques sétois, dont Kartpatt, organisaient même un concert de soutien à l’Ukraine, à Paris, comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI.
“Le dimanche matin, écouter Brassens était un rituel immuable…”
Le prochain album sera teinté d’Afrique noire, une première. “Nous avons un projet au Congo-Brazzaville. On va se régaler de jouer avec des musiciens là-bas et de faire un album avec eux, musique et textes”, confie encore Fred Rollat.
Dans la famille du cofondateur de Karpatt – dont Alain, le papa, fut directeur adjoint du Monde et actuel chroniqueur littéraire pour Dis-Leur !, on n’écoutait pas de manouche. “C’était Brassens. Le Forestier. Ferré. Ferrat. Le dimanche matin, écouter ces chanteurs était un rituel immuable dans la salle à manger. Jeune adulte, j’avais une envie de fête ; c’est là où les airs gipsy qu’on entendait ; à Sète, ça fait partie de la culture locale…” Un sacré voyage !
Olivier SCHLAMA
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