Découverte : Requin-taureau, ne cédez pas au délit de sale gueule

Le requin taureau, pas forcément le plus engageant des interlocuteurs, mais une mine scientifique d'ecception, à découvrir à l'Aquarium Oniria de Canet-e-Roussillon. photo ONIRIA

“Nous avons énormément de choses à apprendre des requins. C’est pourquoi, nous avons non seulement développé notre aquarium avec trois espèces différentes dans le bassin des requins, dont ces prestigieux requins taureau, mais aussi mis en place une collaboration à long terme avec le plus grand expert international du comportement des requins, le professeur Eric Clua”, précise Patrick Masanet, directeur scientifique et technique d’Oniria.

Espèce emblématique, très prisé des connaisseurs comme des amateurs du monde marin, le requin taureau est un must des aquariums au niveau mondial. “Son apparence féroce et sa taille imposante vont apporter une nouvelle dimension à la visite de l’Aquarium Oniria de Canet-en-Roussillon”, assurent les équipes de l’aquarium.

Deux “grands bébés” plutôt terrifiants

Ces deux nouveaux squales, de leur nom scientifique Carcharias taurus, intègrent le plus grand bassin d’Oniria et rejoignent les requins gris et pointes-noires déjà présents. “Nos équipes ont déjà choisi leurs prénoms : Diablesse pour la femelle et Féroce pour le mâle. Agés de 2 et 4 ans, ces deux « grands bébés » qui mesurent pour l’une pas loin de 1,60 m et pour le second 2,10 m pourront atteindre jusqu’à 3,5 m de longueur et sont dotés d’une espérance de vie de 25 à 40 ans en moyenne.”

Doté d’un corps massif et trapu, d’un museau court et conique, avec trois rangées de dents pointues et protubérantes et de cinq fentes branchiales, la couleur du requin taureau est d’un brun grisâtre, avec un ventre blanc et des flancs souvent tachetés. Cette espèce impressionnante possède une bonne partie de ses dents fines et aiguisées très apparentes, proéminentes par rapport à sa mâchoire.

Mais la dimension “spectacle” de ces animaux ne doit pas faire oublier la dimension scientifique de l’opération. En effet, le requin est une espèce classée “prioritaire” par le World Wide Fund For Nature. Le WWF rappelle que “si le requin fait peur et fascine tout à la fois. Aujourd’hui, massacré par les hommes, ce mal-aimé risque de disparaître.”

Dans le grand aquarium d’Oniria… Photo ONIRIA

Les requins “sont présents dans tous les océans, les eaux tropicales chaudes, les mers tempérées et les mers polaires, près de la surface, mais également à des centaines de mètres de profondeur, près des côtes, ou en pleine mer. Cette vaste répartition est le résultat d’une longue évolution qui s’explique par la parfaite adaptation de chaque espèce à sa “niche écologique” (…) Pourtant, aujourd’hui ils sont menacés par une pêche excessive…”

Ils font peur, mais c’est eux qui sont en danger

“…Selon la liste rouge mondiale des espèces menacées dressée par l’Union internationale pour la conservation de la nature, environ 60 % des requins pélagiques sont actuellement en danger d’extinction. Un bien mauvais présage pour les océans car la disparition de ces prédateurs-clés qui trônent tout en haut de la chaîne alimentaire aurait de lourdes conséquences pour les écosystèmes marins.”

Ainsi, comme l’a souligné le professeur Eric Clua (vétérinaire, directeur de recherches et expert en écologie comportementale des requins) lors de l’arrivée de ces deux spécimens à Onirira : “Les grands aquariums jouent un rôle clé dans la défense des espèces en danger comme les requins taureau, d’où l’intérêt de les conserver, de les observer et de tenter de les multiplier par des programmes de reproduction comme l’ambitionne Oniria.”

Il précise : “Les requins taureau choisis en milieu naturel sont une source extraordinaire d’informations pour l’Homme. Par exemple, ils sont capables de reproduire leur propre ADN et les femelles peuvent féconder sans intervention du mâle. Grâce à des programmes de recherche non invasives, ils peuvent nous en apprendre énormément et devenir de vraies sources de jouvence.”

Préparer à Oniria de futures interventions en milieu naturel

Requi taureau, un nouvel arrivant très remarqué à l’Aquarium Oniria de Canet-en-Roussillon. Photo ONIRIA

A Oniria, la présence de plusieurs espèces de requins (taureau, gris et pointes-noires) doit favoriser “une étude génétique précise de ces populations grâce à des procédés non invasifs et va servir d’entraînement pour les mêmes expériences dans le milieu naturel.” Le partenariat mené avec leprofesseur Clua est “d’un grand intérêt pour l’Aquarium Oniria, afin de valoriser son potentiel biologique, de poursuivre ses objectifs de programmes de reproduction et de développer ses recherches en milieu naturel, grâce aux données accumulées”, nous précise-t-on.

Comme chaque été, la peur irrationnelle des requins s’est invitée sur les côtes françaises. Le nombre d’observation de leur présence contribuant à alimenter les fantasmes. “Il est possible que dans les prochaines années, grâce aux mesures d’interdiction de pêche visant à protéger les requins, ainsi qu’à une bonne reconstitution des stocks de thon en Méditerranée, il y ait de plus en plus de grands requins blancs et de requins bleus”, reconnaîssait récemment Éric Clua dans les colonnes de Ouest-France.

Pour rassurer le public, il est quand même nécessaire de faire savoir que sur la planète entière, 5 à 8 attaques mortelles causées par les requins sont relevées chaque année. Ce chiffre est à mettre en balance avec les attaques mortelles causées par d’autres animaux : 500 décès liés aux attaques pour les hippopotames, 500 pour
les attaques de crocodiles, entre 25 000 et 30 000 chez les chiens domestiques. Le plus impactant reste le moustique, vecteur de la malaria, qui cause quant à lui chaque année la mort de plus de 800 000 personnes.

Alors souhaitons la bienvenue, sans arrière-pensée, à ces deux requins taureau qui viennent enrichir le potentiel spectaculaire et scientifique de l’Aquarium Oniria en ect été 2023.

Philippe MOURET

(*) Directeur de recherche en biologie marine, consacré également par une palme d’or au Festival mondial de l’image sous-marine, cet expert en écologie comportementale des requins est mandaté dans de nombreux pays pour étudier les attaques de requins, que ce soit en Australie, à l’île de La Réunion, en Nouvelle Calédonie, ou encore à Saint Martin. Son expérience est considérable sur toutes les espèces de requins, des plus impressionnants aux plus craints, du requin taureau au grand requin blanc, en passant par le requin tigre, le requin bouledogue, et le longimane. C’est pour cette raison qu’Oniria s’est engagé dans une mission de collaboration avec cet éminent professeur chargé d’étudier les comportements des squales potentiellement traçables grâce à leur génétique. En effet, le laboratoire du CRIOBE (Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de la Biodiversité et de l’Environnement) est capable de séquencer les gênes des requins et de tracer une carte d’identification de ces spécimens.

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