Les beaux jours vont bientôt arriver et avec eux les méduses si mal aimées…! Comme nous l’explique dans sa chronique Renaud Dupuy de la Grandrive. Le directeur du milieu marin d’Agde, de l’Aire marine protégée de la côte agathoise et président du Réseau international des gestionnaires d’aires marines protégées nous décrypte le mode de vie de ces étonnants animaux.
Histoires de méduses d’Occitanie… et d’ailleurs… Voilà 650 millions d’années que ces animaux surprenants sont apparus sur terre, bien avant les dinosaures, requins et mammifères marins. Des fossiles découverts en Australie ou au Canada en Colombie britannique, en témoignent. Et elles sont toujours parmi nous ! C’est l’une des espèces qui a survécu à toutes les avanies, à toutes les extinctions de masse que la Terre a connues et elle a colonisé pour longtemps nos océans et nos côtes… On compte une cinquantaine d’espèces en Méditerranée et plusieurs milliers au niveau mondial.
Sensibles à la météo et à la tramontane
L’été dernier, les méduses avaient déserté la côte languedocienne. L’une des spécialistes mondiales, océanographe à l’institut d’océanologie, à Marseille, Delphine Thibault, s’en est expliqué dans Dis-Leur ICI. C’était notamment dû à la météo et à la présence ou non de mistral et de tramontane. elles sont en attente d’un courant favorable pour revenir essaimer sur nos côtes. Ce sont des animaux mal aimés, complexes, malgré le fait qu’ils sont composés de 96 % d’eau, ne possédant ni cerveau, ni poumon ni coeur mais avec un système nerveux simple et, pour certains, des yeux très développés. Ils sont présents dans toutes les mers du globe.
Chaque jour à 400 mètres ou 600 mètres de fond…

Planctoniques, elles évoluent principalement dans la veine des courants. Elles n’ont pas la capacité à aller à contre-courant ou là où elles veulent mais elles ne sont pas immobiles. Avec les méduses mauves de Méditerranée, par exemple, chaque jour, elles vont à 400 mètres ou 600 mètres de fond. Elles nagent, donc. Et tous les jours. Elles s’y régénèrent, dépensant aussi moins d’énergie au fond de la Méditerranée qui propose une température constante de 13 degrés ou 14 degrés. Elles s’y nourrissent de plancton dans la journée. Plutôt que de rester dans des eaux trop chaudes.
Essentielles à la chaîne alimentaire
Ces derniers temps, à la faveur de coups de mer, les voici sur les plages abandonnées, parmi coquillages et crustacés, mais bientôt plus visibles en mer dès les beaux jours arrivés ! Elles sont des milliers d’espèces à avoir colonisé le monde de la mer et des océans, du bord de mer (et même de lacs et étangs) jusqu’aux plus grandes profondeurs, 6 000 mètres ! Elles sont toutes essentielles aux équilibres des écosystèmes marins et au bon fonctionnement de la chaîne alimentaire marine.
C’est quoi une méduse ?

Mais au fait, c’est quoi exactement une méduse ? Quand on les évoque on pense forcément à un corps gélatineux, un peu rond ou oblong, avec des tentacules. Elles sont aussi pourvues d’un estomac, d’une bouche et respirent via leur ombrelle. Mais dans leur cycle naturel elles peuvent aussi constituer un polype vivant sur le fond, ressemblant à des grosses anémones, voire du corail. Ce qui est bien normal car elles font partie du même groupe, les cnidaires.
Si l’estomac, placé au-dessus de l’ombrelle, est très souvent de forme plus ou moins ronde, il a une allure de croix pour l’espèce dénommée méduse de Croix de Saint-Georges (en référence au drapeau de l’Angleterre), donc rouge. Les chercheurs travaillant sur cette espèce trouvée à plus de 800 mètres de profondeur au large du Japon estiment que ce rouge vif permettrait de rendre sa nourriture bioluminescente invisible à ses prédateurs.
De très nombreuses espèces en Méditerranée
On peut dénombrer de nombreux types de méduses : Scyphoméduses, Séméostomes, Rhizostomes, Hydroméduses, Limnoméduses, Leptoméduses, Anthoméduses, Stauroméduses, Cuboméduses…
Les méduses de Méditerranée constituent un assemblage unique d’espèces de cnidaires pélagiques présentes dans le bassin de la mer Méditerranée.
On peut compter une vingtaine d’espèces, plus des cuboméduses et des hydroméduses. Parmi les plus connues, la méduse pélagie Pelagia noctiluca, la méduse violette, à l’ombrelle bleue et rose qui est la plus urticante, la méduse rayonnée Chrysaora hysoscella, la méduse aurélie Aurelia aurita., la méduse chou-fleur Rhizostoma pulmo, la cyanée bleue ou méduse chevelue Cyanea lamarckii.
Moins de poissons lune, de tortues marines, d’oiseaux marins, de baleines et de dauphins, leurs principaux prédateurs, déséquilibrent l’écosystème marin et favorisent leur présence accrue”
Alors, sont-elles vraiment plus nombreuses qu’avant ? Les récentes observations de par le monde et dans notre région semblent aller dans ce sens. Certes nous sommes loin de tout connaître de ces animaux mais les blooms – phénomène indiquant plus de méduses et plus fréquemment – seraient liés au changement climatique, à la surpêche et à la pollution des eaux.

La raréfaction de leurs prédateurs par la pêche (surtout ceux qui mangent la même chose qu’elles), l’augmentation de la température de l’eau qui favorise leur reproduction, la pollution qui rend les eaux plus turbides, pour le dire simplement un dérèglement de la vie marine, participe de leur présence accentuée et en nombre. Moins de poissons lune, de tortues marines, d’oiseaux marins, de baleines et de dauphins, leurs principaux prédateurs, déséquilibrent l’écosystème marin et favorisent leur présence accrue.
Pour autant il y a toujours eu des échouages sur les plages dans notre région, notamment en automne et au printemps pour les véllèles. Dans ce cas, c’est la météo qui est aussi en cause : les précipitations des versants hauts amènent des nutriments dans les cours d’eau qui se déversent en mer et servent de nourriture aux méduses. Cela peut être aussi le plancton du large qui est ramené à la côte par vents et vagues pour servir alors de festin aux méduses dont c’est le plat préféré.
De vrais services rendus à la société : par exemple plusieurs travaux scientifiques dans le domaine de la médecine – récompensant d’ailleurs deuxPprix Nobel en 1913 et 2008 – ont permis de mieux comprendre les fortes réactions allergiques (l’anaphylaxie) et de fabriquer un marqueur moléculaire bioluminescent.
Des animaux vraiment singuliers !
D’abord elles font partie des rares espèces qui n’ont pas de cerveau ! Ce qui ne les empêche pas d’être hyperadaptées à leur environnement marin – elles en ont eu le temps depuis 650 millions d’années ! Elles sont ainsi sensibles à la lumière, à la chimie de l’eau de mer, et à ce qui bouge en mer par vibration, tout cela étant détecté grâce à leurs organes sensoriels. Plus curieux encore, il y aurait des méduses immortelles ! Par exemple, la méduse Immortal, Turritopsis dohrnii, est connue pour son potentiel de régénération et peut théoriquement vivre indéfiniment en retournant à un stade juvénile après avoir atteint la maturité sexuelle !

Étonnant aussi : une fois blessée ou coupée en plusieurs fragments, une méduse peut se transformer en autant de méduses et parfois, pour certaines espèces comme Clytia, en seulement quelques heures. Cette régénération est due à des mécanismes cellulaires et moléculaires.
Plus terre à terre, ce sont des animaux particuliers qui inspirent aussi… les coupes de cheveux des femmes. La jellyfish cut ou coupe méduse étant très à la mode aujourd’hui : deux longueurs de cheveux avec une première qui s’arrête au niveau des pommettes ou du lobe des oreilles et une seconde beaucoup plus longue.
Un mets souvent recherché et dégusté
La pêche et la consommation de méduses ont augmenté au cours des dernières décennies, notamment en Asie. Les prises annuelles mondiales dépassent les 500 000 tonnes, soit plus que celles des nombreuses pêcheries comme celle du homard.
15 pays de l’Asie du Sud-Est (dont la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Japon, la Malaisie et les Philippines) possèdent des pêcheries à méduses pour la consommation humaine.
En Méditerranée, les méduses se retrouvent parfois dans une soupe de fruits de mer, typique du bassin méditerranéen, mais pour les chefs, les possibilités de recettes sont presque infinies. On peut la découper en tranches et l’ajouter à une salade, par exemple. Les méduses contiennent des acides gras polyinsaturés et oméga-3 qui aident à réduire le mauvais cholestérol notamment. Elles ont également des teneurs faibles en calories et en glucides.
La méduse est vendue sous trois formes différentes, le plus souvent séchée. Il faut alors la couper en lanières avec des ciseaux et la blanchir deux minutes avant de la réhydrater. Il est possible également de les trouver en saumure avec une longue préparation, le temps de les dessaler et les blanchir.
Voici une petite recette de salade de méduse avec les ingrédients suivants :
– méduse
– concombre
– carotte
– poivron rouge
– ail
– citron jaune
– nuoc-mam ou nam-pla
– huile de sésame
– sucre de palme (cassonade à défaut)
– piment rouge frais
– ciboulette thaïe
Et quand elles piquent, que faire ?

La championne des piqûres, le plus souvent estivales, c’est la Pélagie ! Dans ce cas, il faut beaucoup rincer avec l’eau de mer (pas à l’eau douce : la différence de salinité libère le venin des cellules !). Surtout pas de glace ; ne pas frotter pour éviter la propagation du venin ; ne as appliquer d’emplâtre de sable qui peut déclencher des réaction rien qu’avec le poids. On peut toutefois enlever délicatement les filaments collés en grattant tout doucement la zone avec quelque chose de rigide. Ensuite il faut bien sûr désinfecter mais – contrairement à ce qui est souvent dit – ne pas uriner ou mettre de l’alcool sur la plaie, ou poser de garrot. Enfin, vivantes dans l’eau ou mortes sur la plage, il ne faut pas les toucher, comme d’ailleurs en général tout animal mort sur une plage. Appliquer du vinaigre est une bonne solution. On peut aussi rincer à une eau à 40 ° pendant 40 minutes, au moyen d’un robinet d’eau chaude dans un bar de plage, par exemple.
De la science participative pour mieux les connaître
Aujourd’hui il est facile de partager ses observations de la nature en général et des méduses en particulier. Ainsi avec Meduseo ou Meduse Acri des informations quotidiennes sont répertoriées sur la présence de méduses grâce à ces outils participatifs. Parfois c’est une “science participative extrême” qui permet de recueillir des informations singulières. Ainsi avec des sous-marins de loisir, véhicules maniables pouvant accueillir un pilote et six passagers équipés de sondes et de caméras sophistiquées, permettant aux passagers de prendre des photos ou des vidéos. Voilà comment une méduse fantôme Stygiomedusa gigantea a été observée sur l’île Rongé, en Antarctique.
Renaud DUPUY DE LA GRANDRIVE et O.SC.
À lire également sur Dis-Leur !
Méditerranée : Pourquoi les méduses ont disparu cet été de nos côtes pour… mieux y revenir
Pêche : “Pour une exploitation durable, on a besoin d’une agroécologie de la mer… !”