Centenaire Brassens : La belle histoire de Fred Karato, “Monsieur Sète mille volts”

Fred Karato. Photo : Olivier SCHLAMA

Dis-Leur dresse le portrait du Sétois virtuose, le premier à avoir revisité Brassens avec des rythmes musicaux inattendus et avoir su marier musiques électroniques, saxo, DJ… Également producteur, Fred Karato, 45 ans, revient dans la région avec un spectacle 100 ans ! Brassens à Vias et Sète, entre autres.

Il ne quitte son immarcescible sourire que pour déguster un Monaco bien frais, “ce que je n’avais pas fait depuis longtemps !” Attablé à la terrasse du café de la Pointe-Courte, à Sète, Fred Karato, 45 ans, savoure aussi in petto son fabuleux destin. Il se confie non loin du Quai Brassens, du nom du poète Sétois qui a toujours accompagné sa carrière de son ombre bienfaitrice.

“Montrer que je pouvais réussir…”

Le virtuose dit : “Si j’ai voulu réussir ce n’est pas pour ressembler à Brassens ; à vouloir croire que Paris m’attendait, comme tout bon artiste sétois qui m’a précédé dans la capitale l’a espéré… C’est davantage pour montrer que je pouvais réussir…” Sans avoir à être premier de la classe pour laquelle toutefois il organise, gamin, régulièrement, la fête de l’école. “On m’aimait bien pour ça”, sourit-il. Volontaire, Fred Karato l’est avec un souffle de vie rare.

“Une envie de scène par-dessus tout…”

Fred Karato. Photo : Olivier SCHLAMA

“Il a une patate incroyable”, réagit Christophe Casanave, son ami qui, comme lui, vit à Paris et de son art, dont Dis-Leur vous a parlé. “C’est monsieur Sète mille volts ! Avec une énergie débordante. C’est quelqu’un qui a une envie de scène par dessus tout… Rien n’est négatif chez lui”, ajoute Casanave qui sera aussi d’un spectacle monté par Fred Karato à Bobino dans quelques mois.

Le saxo d’une main, la gestuelle de l’autre…

Silhouette épaissie par “la pratique sportive, de la muscu, notamment”, précise Fred Karato, cet homme a assez de musique en soi pour faire danser la vie. Le Sétois est surnommé crazy sax depuis qu’il a inventé un style où sa prestation, survoltée, est toujours remarquable sur le dance floor, avec des mimiques et une gestuelle qui suivent les ondes de son instrument. Le saxo d’une main, des gestes de l’autre. Un son à nul autre pareil qui sort des entrailles de son sax… Ses passages sous les sunlights des boîtes de nuit branchées de Paris, Ibiza, Marrakech ou de toutes les destinations VIP ensoleillées dans les années 2 000, lui ont ouvert définitivement les portes de la renommée. Sa plus belle collaboration ? “Avec Manu Dibango pour une compilation en faveur d’un traitement de la maldie ebola”, dit-il spontanément.

Spectacle original dans le cadre du Centenaire

Fred Karato, photo : Fred Goudon.

Il l’avoue : “Je me suis un peu calmé sur scène”. Mais le saxo blanc est toujours à portée de fête, en bandoulière. Fred Karato est aussi devenu producteur. L’une des dernières productions est un spectacle musical original qui entre dans le cadre du Centenaire Brassens et qu’il interprète avec d’autres sur les scènes de la région à l’occasion du centenaire du poète natif de Sète dont c’est aussi les quarante ans de sa mort. Karato, celui qui n’avait pas de bonnes notes à l’école a pu compter sur ses propres notes sur les portées musicales pour réussir sa vie…

Dans un logement du père de Brassens

Tout commence par une géographie prémonitoire : “Ma famille, immigrée d’Italie pour le travail d’un village nommé Noci dans les Pouilles (dont je parle le patois, d’ailleurs), et moi habitions quand je suis né dans un studio appartenant au père de Brassens, rue Henri-Barbusse. Comme lui, mon propre père était maçon.” Le père de Fred Quarato – comme son nom s’écrivait avant de briller en haut de l’affiche -, jouait de la batterie en amateur dans des groupes de la région.

Fred Karato a ensuite habité l’Ile de Thau où il eut comme voisin de palier le gardien du musée Paul-Valéry, Claude Catanzano, surnommé le brassentiste tellement il était passionné du poète. Ensuite, il fait la connaissance au conservatoire du petit neveu de Brassens, Bruno Granier, avec qui il a répété les premiers morceaux de jazz dans le salon de la maison de Brassens. “Il joue d’ailleurs dans mon premier album Brassens en Jazz… Claude et Bruno ont été de bons conseils à mes débuts… mon disque préféré, c’est les Géants du Jazz par Brassens. Mon inspiration.”

Aux arènes de Lutèce, à Paris, DR.

À Sète, pour moi, il n’y avait que le foot et la musique pour espérer faire quelque chose”

Les parents de Fred Karato aimaient la musique. Le jeune Fred se berce, jeune, de standards US, ceux qui claquent, ceux, clinquants et craquants des bands de cuivres américains. Ceux qui font bouillir la joie outre-atlantique, celle des années 1940-1950. Le jeune Fred était de ce point de vue à rebours de ce que les jeunes écoutaient à l’époque. Mais lui n’écoute d’abord que cette petite musique en lui qu’il aimerait accorder avec son caractère survitaminé.

Or, pour faire sa place dans la vie, “à Sète, pour moi, il n’y avait que le foot et la musique pour espérer faire quelque chose”, dit-il. Il choisit la musique et le saxo, un cuivre, pour pouvoir jouer avec son père. Avant cela, Fred Karato excelle dans la lecture et l’interprétation musicales et sort des conservatoires de Sète et Perpignan avec un titre de premier prix.

Quatre ans dans les orchestres de l’armée

Karato et Nelson Monfort. DR.

Comment convertir tout cela par une vie de musicien professionnel ? “Je voulais entrer dans la Garde républicaine et y devenir soliste… Si, si…!” Mais pour 2 centimètres en moins que la taille minimale requise, on lui interdit ce rêve. Qu’à cela ne tienne, ce sera un chemin de traverse qui l’emmène à jouer de la musique militaire en s’engageant dans l’armée. “J’ai devancé l’appel à 17 ans et demi”. Béziers, Perpignan, Bayonne – une caserne d’où il sort caporal chef et “70 sauts en parachute” à son compteur ! Et une ville parfaite pour parfaire son penchant à enflammer la nuit ! Une idée ne l’a pas toutefois pas quitté pendant ces quatre ans dans les orchestres de l’armée : faire un disque revisitant Brassens en version Jazz. Ce qu’il fera, grâce à une détermination sans failles, beaucoup de travail, et de “la chance”, fait-il accroire.

Un disque pour les 15 ans de la mort de Brassens

Le saxophoniste s’était déjà produit pour les 15 ans de la mort de Brassens. Son six titres sur Brassens en Jazz, en 1996, tombe à point nommé. “La maison de disques Concorde me dit alors banco !” C’est l’époque de ses premières émissions de TV ; ses premiers articles élogieux dans la presse. Deux ans après, il concocte un Brassens à Cuba, avec des rythmes salsa et merengue ; Brassens et les Trompettes de la Renommée avec les Enjoliveurs. Que des trouvailles ! “J’ai toujours fait cela en informant les descendants de Brassens”, explique-t-il. Il y aura même une version ska !

Boîtes de nuit : “Le premier à l’époque à faire ça…”

Dès 2002, Fred Karato prend le virage des musiques électroniques, mêlant saxo, percussions, DJ… “J’ai été à l’époque le premier en France à faire ça…!”, confie-t-il. Les boîtes de nuits se réveillent ! Tony Gomez et Jean Roch deviennent des acolytes partenaires incontournables de la nuit, de l’Etoile où se presse le Tout-Paris au VIP Room à Saint-Tropez. Les discothèques ? Faire les tournées des vingt plus grandes boîtes fréquentées par la jeunesse de notre pays, une idée de génie à l’époque où d’ailleurs, habile, il en profite pour construire son carnet d’adresses. Courchevel, Miami, Shanghai… Le soliste frappe un grand coup.

Eric Collado remplace Nelson Monfort

Plus récemment, Fred Karato a pu mesurer que sa côte de popularité n’a pas variée. Quand il s’est associé au journaliste TV policé et anglophone Nelson Monfort. Amoureux de Sète, Nelson fut son “maître de cérémonie” pour son spectacle Brassens en Fête. Ce sera l’humoriste Eric Collado qui lui succède pour son spectacle 100 ans ! Brassens à travers toute la France qui commence le 27 juin à Vias. Et le 10 août au Théâtre de la Mer, à Sète.

Il savoure la réouverture des lieux culturels

Parallèlement, Fred Karato ne s’oublie pas. Et joue aussi pour lui. Il n’y a rien à jeter dans Saxo Loco, Atomic Sax voire la reprise de la pub pour les bas Dim… Karato, c’est un son. Désormais, il produit des spectacles et savoure à sa juste valeur la reprise des activités culturelles “après 14 mois d’arrêt !”, covid oblige. C’est un producteur qui a du nez et du souffle. “J’ai même produit le premier festival du rire à Sète !”, rappelle-t-il.

Fred Karato et Manu Dibango. DR

Fred Karato aime le sport – surtout le foot- et la politique, sans doute qu’un père communiste, décédé il y a dix ans, et jadis distribuant l’Huma, a joué. Il lit beaucoup de magazines. “J’ai joué pour les maires successifs de Sète, Liberti et Commeinhes. Ça ne m’a posé aucun problème”. Mais, celui qui s’est engagé contre l’embargo en Irak, décidé en 1990, avoue aussi que le RN n’est pas sa tasse de thé, même s’il ne veut pas aller au-delà pour parler de convictions politiques. “Je suis un musicien. Je n’ai jamais été engagé politiquement.”

Fred Karato, cet “artisan de la musique”, ne finira pas son Monaco : la mousse attendra patiemment son retour en “tierce” promise.

Olivier SCHLAMA

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