Livre : Cent mots pour en épuiser le plus beau : patrimoine

Saint-Guilhem-le-Désert, février 2021. Photo : Olivier SCHLAMA

C’est une première et elle est réussie. Le “Que Sais-je” de Guy Sallavuard, baptisé Les 100 Mots du Patrimoine, est parfait pour s’aérer, découvrir sa région en donnant à méditer !

Quelque 135 000 caractères : c’est beaucoup mais c’est peu de pages : 127 pages. Derrière ce grand chiffre se cache un petit livre passionnant de 128 pages, baptisé les 100 Mots du Patrimoine, publié dans la fameuse collection Que Sais-Je. Et avec lequel on peut partir nez au vent pour aller découvrir les trésors de notre patrimoine, y compris régional. Que l’on soit néophyte, érudit, chercheur, voire artisan ou simplement curieux, avec cet ouvrage qui tient dans la main, on peut baguenauder intelligent. Alors, oui, il y a un ordre arbitraire de – seulement – cent mots auxquels il offre une définition personnelle et parfois recontextualisée. Mais lesquels…!

Héritage : bien commun, transmission…

Ouvrez cet exercice de concision incroyable à l’entrée “héritage”, par exemple. Point de définition notariale complexe. On y lit des mots associés comme bien commun, transmission… L’auteur y donne une définition “audacieuse”. Cet ouvrage est une porte ouverte vers la culture. Vice-président des Maisons paysannes de France, Guy Sallavuard a été directeur des relations institutionnelles et référent pour l’éthique et le bénévolat de la Fondation du patrimoine, dont Dis-Leur vous a déjà parlé.

Il est également ingénieur chimiste et docteur ès sciences physiques. Il dit, un rien jubilatoire : “C’est vrai, ces mots, c’est mon choix ! La moitié, disons s’imposaient d’eux-mêmes ; c’est un corps central incontournable et l’autre moitié sont plus… périphériques.” Voire mêmes à première lecture des intrus. Comme… “procrastiner” !

“A chacun son métier et les vaches seront bien gardées…”

On ne résiste pas à ultracrépidarianisme. Ce mot de 20 lettres révèle, tout ce que nous vivons depuis 15 mois : les “toutologues, spécialistes de généralités” qui parlent abondamment de ce qu’ils ne maîtrisent pas. La crise du covid en a vu passer des tonnes sur les plateaux TV, une poussée de fièvre inédite… On peut leur opposer l’expression populaire sensée : “À chacun son métier et les vaches seront bien gardées…” Là où Guy Sallavuard apporte une plus-value salvatrice c’est qu’il y ajoute une dimension patrimoniale, donc. “La lecture erronée du bâti ancien vu comme un obstacle à la modernité et à la transition énergétique, les atteintes faites au patrimoine naturel et les revisites de l’histoire sont autant de champs goûtés des ultracrépidariens, comme le sont aussi ceux des énergies renouvelables, de l’aménagement du territoire rural et… de la restauration des cathédrales…”

Abbé Grégoire, Mérimée, Violet-le-Duc…

Tout aussi sérieusement, l’auteur ajoute que ce livre est aussi un surligneur. “Il faut faire confiance aux professionnels du patrimoine (…) La législation française est très élaborée ; elle est une référence pour pas mal de pays. C’est celle de l’Abbé Grégoire, Mérimée, Violet-le-Duc…” Mais il n’y a pas que cet aspect dans ce livre. Il y a donc des mots importants dans ce corpus arbitraire mais passionnant. Le mot vol par exemple n’y est pas par hasard. Il y en a plein dans les édifices de nos campagnes qui ne sont pas protégés ! On ne vole pas seulement la Joconde dérobée le 21 août 1911 par l’un de ses gardiens ! L’idée de départ était de faire un ouvrage documentaire pour les vacances. Il y a plein d’entrées…”

“Les vols d’objets d’art alimentent un marché bien au-delà de l’activité “glamour” menée par d’élégants faussaires…”

À propos du mot vol, notez cette définition : “(…) Ces objets, restés proches de leurs lieux de conception, de construction ou de fabrication, dans les décors pour lesquels ils ont été commandés et conçus, constituent des proies faciles faute de surveillance suffisante et de législations plus répressives.” Il ajoute : “Les vols d’objets d’art alimentent un marché bien au-delà de l’activité “glamour” menée par d’élégants faussaires. Ils constituent une délinquance commanditée par des réseaux criminels internationaux associés au grand banditisme et aux trafics de drogues et d’armes.”

Fort Brecou, à Agde. Photo : Renaud Dupuy de la Grandrive.

On trouve des mots et des sens dans “association” ou “bénévolat” ; dans “cadole” (petit édifice agricole en bois en Beaujolais et sud de la Bourgogne) ; on y trouve aussi le “crowdfunding” ou le sociofiancement. Dont vous découvrirez les précurseurs étonnants aux USA et à Barcelone… Dans ce grand petit livre on y (ré)apprend ce qu’est le landmark trust, fondation de charité britannique, fondée sur le modèle du “remploi” des édifices historiques… Un chapitre est consacré au “littoral” où “les phares comme les forts portent la mémoire d’arts et de métiers dépassés par de nouvelles technologies (…) Ils se retrouvent, au travers de leurs restaurations et de l’adhésion populaire, dans un même destin patrimonial et historique”.

Dans une même litanie, on pioche “mémoire”, “métamorphose”, “métiers du patrimoine”, et même les “moulins à vent” et autres éoliennes… Finissons avec le mot-concept de beau : “Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient à son propriétaire, sa beauté est à tout le monde”, écrivait Victor Hugo.

Olivier SCHLAMA

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