Bouge ton Coq vise 2 000 points de vente : Les épiceries associatives raniment les villages

La Sétoise Lise Valette, bénévole à la coop Singulière, l'une des épiceries associatives référentes pour Monépi. Photo : Olivier SCHLAMA

Elles sont une alternative aux grandes surfaces et luttent contre la désertification rurale : grâce à une campagne de dons, l’association nationale Sauvons les Associations a lancé avec celle des maires ruraux et la société Monépi, Bouge Ton Coq. Le but : aider à la création de 2 000 épiceries à but non lucratif en France, dont six existent déjà en Occitanie et neuf sont en cours de création avec un potentiel de 25 à moyen terme.

“Sur 650 habitants, nous avons déjà reçu 120 adhésions…” À Mazeres-sur-Salat en Haute-Garonne, à deux pas de l’Ariège, le projet d’épicerie associative, qui sera baptisée l’Epicerie Citoyenne, suscite un appétit d’ogre dans le village qui n’en avait plus. À tel point que le collectif qui le porte ne veut pas divulguer une date d’ouverture de peur d’être assailli !

Partenariat avec les maires ruraux de France

Déjà à la manoeuvre pour d’autres précédentes opérations – hier, une souscription pour 250 petits commerces en grande difficulté pendant le premier confinement, demain ce sera peut-être une opération dans les mobilités en zone rurale –  Bouge ton Coq se bat pour la ruralité. Elle est portée par une association nationale : Sauvons les Associations. Lancée en janvier, avec le concours de l’Association des maires ruraux de France, l’opération Bouge ton Coq est originale. Elle vient subventionner, grâce à des dons qu’elle récolte, le lancement d’épiceries associatives partout en France. De quoi doper les ouvertures. Le concept, déjà à l’oeuvre depuis plusieurs années, a été imaginé par la société Monépi.

L’idée c’est aussi d’apporter du mieux vivre ensemble ; pour que les gens se parlent, fassent des choses ensemble”

Des centres-bourg abandonnés, des rideaux rouillés tirés… Le besoin de petits commerces est criant partout dans le monde rural. La moindre surface alimentaire est hors de portée d’une partie de la population non motorisée et retraitée. Un membre du collectif explique les raisons profondes qui ont présidé à ce projet : “L’idée, c’est de mieux se nourrir avec des produits de qualité en circuits courts et à des tarifs peu élevés car l’épicerie associative n’applique aucune marge. C’est aussi d’apporter du mieux vivre ensemble ; pour que les gens se parlent, fassent des choses ensemble.”

Faire venir des familles avec enfants

L’épicerie associative est le nouveau point d’appui d’une ruralité résiliente. Elle a un réel impact écolo en faisant économiser des trajets carbonés. Elle est aussi hyper-accessible et les denrées proposées sont en grande majorité produites en circuits très courts, dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres. Entre mille autres vertus, l’épicerie associative, qui s’adresse également à une population pauvre – 55 % de paient pas d’impôt à Mazeres-sur-Salat – s’ajoute aussi une intéressante dynamique démographique : “Il y a une dizaine de terrains à vendre et on aimerait bien qu’ils soient achetés par des familles avec enfants. Le village s’en porterait mieux et on ne nous menacerait pas tous les quatre matins d’une fermeture de l’école…”, ajoute cette membre du collectif.

Aider à la création de deux mille épiceries associatives

Dans chaque épicerie associative, pas de salarié. Chaque adhérent donne deux heures de son temps chaque mois pour la faire tourner et éviter ainsi de devoir embaucher. La plupart du temps, la mairie, ravie, prête le local. Pour se lancer, le collectif choisit un logiciel libre couteau suisse : Monépi, très facile d’utilisation, qui gère aussi bien les commandes que le planning des bénévoles, dont les promoteurs les ont mis en relation, très opportunément, avec le réseau associatif Bouge Ton Coq avec qui ils mènent une opération d’envergure : aider à la création de quelque deux mille épiceries associatives partout en France.

Le local de l’Épicerie Citoyenne à Mazères est prêté par la mairie mais les premières dépenses et le démarrage ont eu besoin d’un coup de pouce financier. C’est là qu’intervient Bouge ton Coq qui vient de donner 1 100 euros au collectif de Mazères “pour constituer notre stock de denrées non périssables”. Sur 100 € récoltés, l’association Sauvons les Associations en reverse au moins 55 € à l’épicerie qui se crée, 20 % va au fonctionnement de Sauvons et 25 % à Monépi. “Monépi n’est pas qu’un outil”, précise Martine Loiseau, ex-présidente de la Coop Singulière, à Sète, qui est la plus grosse structure à l’utiliser en France. Et qui simplifie beaucoup la vie des adhérents…”

Un besoin de 15 000 à 20 000 épiceries

“Il existe déjà 70 épiceries associatives sur ce modèle en France, explique Corentin Emery, qui gère le mouvement. Nous avons lancé depuis notre site une campagne de dons. Nous recevons aussi des subventions des collectivités. Nous espérons réunir 4 M€ cette année pour aider 2 000 épiceries associatives à se créer sur tout le territoire national. Nous estimons le besoin à 15 000 à 20 000 épiceries en France ce qui correspond à la moitié des 40 000 communes classées en zone de revitalisation commerciale en ruralité qui en sont dépourvues et à partir desquelles les habitants sont obligés en moyenne à effectuer 24 km aller-retour pour acheter des biens de première nécessité dans… une grande surface.” Cela a aussi un autre avantage de réimplanter une épicerie associative : cela a un effet d’entrainement sur l’ouverture d’autres commerces dans le village.

10 000 maires ruraux mobilisés

Photo : Olivier SCHLAMA

L’Association des maires ruraux de France joue le jeu à fond et mobilise régulièrement au moins 10 000 élus ruraux, déjà actifs, et qui connaissent l’enjeu de la proximité. Ce projet les dope. Avoir une volonté de création d’épicerie associative est aussi important pour une petite commune et aider à son lancement est très important : cela permet aussi de le lancer sainement, sans qu’il y ait des histoires de prêts d’argent capables de tuer le projet. Jean-Jacques Marty est le maire de Saint-Ferreol, président l’association des maires ruraux de l’Aude et vice-président national de cette association d’élus très actifs.

Pas facile de trouver de l’argent localement

Il dit : “Bouge Ton Coq, c’est une bonne solution. Les maires qui l’ont expérimentée en sont contents. Il n’y a pas grand-chose pour aider dans cette tranche-là, de petits projets mais qui sont très importants. Certes, on pourrait se dire qu’une telle épicerie a besoin de peu d’argent au démarrage et qu’il est facile de le trouver localement. Ce n’est pas vrai. Vous savez les banques ne financent pas les fonds de roulement. Elles prêtent, oui, mais à un taux de 17 % en crédit revolving, ce qui peut rapidement enfoncer davantage le commerçant… Ce dispositif ne se substitue pas non plus aux autres dispositifs mis en place par la Région ou les intercommunalités.” Il comble un vide.

Cela libère aussi les communes qui veulent aider mais qui n’en n’ont pas les moyens. Ou qui ne peuvent pas facilement débloquer une situation. “Pas facile de trouver 3 000 € : une commune ne peut pas prêter de l’argent ou en donner à un privé. Et si elle en trouve le moyen, on peut lui reprocher du favoritisme par rapport à d’éventuels autres commerces. C’est compliqué…” Jean-Jacques Marty n’a pas eu besoin de Bouge ton Coq mais d’un autre dispositif. “J’ai recouru à l’association 1 000 cafés qui salarie le gérant du café-restaurant de la commune…”

Gros impacts positifs pour la vie du village

Bouge Ton Coq a favorisé le lancement de nombreux projets d’épiceries associatives en Occitanie (1). “Quelque 60 % des communes de moins de 3 500 habitants n’ont pas de commerces. Il fallait faire quelque chose. Sauvons les Associations est un opérateur d’essaimage qui offre une stratégie de développement et permet de donner un coup d’accélérateur aux projets d’épiceries associatives.”

Quel impact sur la vie du village ? Isabelle O’Neill, par ailleurs journaliste à la Radio Présence à Toulouse, qui représente Bouge Ton Coq pour l’Occitanie, ajoute qu’une épicerie associative qui ouvre “c’est un nouveau marché local estimé à 11 000 € de revenus en plus pour les producteurs la première année ; cela un impact écologique avec 14 095 kg de CO2 évités et même un impact solidaire : elle a calculé qu’un client de l’épicerie économisait 48,75 € en moyenne chaque année, l’épicerie ne faisant pas de marge”. Et les chiffres grimpent au-delà de trois ans d’existence.

On peut entrevoir la création d’au moins deux épiceries associatives par département, soit 25 points de vente associatifs pour l’Occitanie”

Isabelle O’Neill

Isabelle O’Neill précise qu’en Occitanie, “nous venons d’intégrer la plateforme de crownfunding Wiseed”. Cette société est basée à Toulouse, et dont Dis-Leur vous a déjà parlé parce quelle organise une vaste collecte au niveau régional avec la Région Occitanie. “On peut entrevoir à moyen terme la création d’au moins deux épiceries associatives par département. Ce qui fait environ 25 points de vente associatifs pour toute la région. Avec un potentiel de 150 épiceries en Occitanie à terme”. Corentin Emery complète : “Effectivement, nous lançons sur l’Occitanie spécifiquement un appel à la générosité, aux dons pour pouvoir récolter 50 000 €”

“On sent que les choses évoluent. Il y a un besoin de faire ensemble”, résume Christophe Brochot, l’un des deux créateurs avec son frère Emmanuel, de Sauvons les Associations. Certes, ils sont d’origine auvergnate et ont donc des racines rurales fortes mais, surtout, après avoir vendu leur société, dit-il, “nous voulions faire quelque chose qui ait du sens, qui serve l’intérêt général…” La ruralité, grande cause nationale !

Olivier SCHLAMA

  • (1) Six épiceries associatives existent actuellement sur le territoire régional dont deux en milieu rural (dans un village de moins de 3 500 habitants : L’Epi Gourmand’Ici à Jû-Belloc (Gers) ; L’Epi de Bardigues (Tarn-et-Garonne).
  • Et neuf épiceries rurales sont en cours de création en Occitanie : Cox (342 hab.), Nailloux, (3 700 hab.), Mazères-sur-Salat (582 habitants), Montgiscard (2 222 hab.), Marquevave, Haute-Garonne (997 hab.), Aucun, Hautes-Pyrénées (252 hab.), Caumont, Tarn-et-Garonne (328 hab.), Gourdon (Lot) (4 300 hab.), Boulternere (Pyrénées-Orientales) (927 hab.)

La ruralité, c’est sur Dis-Leur !