Vacances : Le camping, c’est l’hébergement qui a le plus progressé, pas l’emplacement nu…

Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air avec Christophe Béchu, ministre de la Transitions écologique. Ph. FNHPA.

Président de la Fédération de l’hôtellerie de plein air, Nicolas Dayot explique les raisons de ce succès, y compris l’attrait pour le mobile-home qui, selon lui, ne fera pas disparaître l’emplacement nu même si celui-ci a été déjà sérieusement cannibalisé, comme le défend le gérant d’un camping à l’origine d’une pétition déjà noircie par plus de 37 500 campeurs.

La vie en plein air, la convivialité, les animations… Avec 3 % de croissance annuelle, l’hôtellerie de plein air et les campings sont montés en gamme. Comment vont-elles, ces structures au nombre de 7 500 dans l’Hexagone  ? Un peu en trompe-l’oeil, si l’on écoute Nicolas Dayot, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air. “C’est un secteur qui, de l’extérieur, donne l’impression d’être dynamique dans la mesure où en 2023 l’activité a progressé par rapport à 2022. Nous sommes le mode d’hébergement touristique qui a le plus progressé. Nous réalisons 141 millions de nuitées (+ 4 %), portées surtout par le retour de la clientèle étrangère. Les touristes français représentaient 80 % des nuitées pendant la crise du covid et actuellement 70 % de Français. Au total, notre clientèle, en France, c’est 30 % d’Européens et 70 % de Français.” Et : “Janvier et février ont été dynamiques du point de vue des réservations ; en revanche, depuis le mois de mars, cela se tasse un peu. Cela va se jouer pas mal à la dernière minute.”

Progression de la clientèle étrangère

Nicolas Dayot, président de la fédération de l’hôtellerie de plein air, dans un camping. Ph FNHPA

“On n’a pas encore retrouvé notre niveau habituel de clientèle étrangère. La dynamique des réservations est moins forte que l’année dernière, notamment à cause d’une baisse du pouvoir d’achat. La clientèle étrangère, elle, progresse sensiblement entre 7 % et 8 %.” En cette fin de vacances scolaires de Pâques, ajoute-t-il, “on n’est pas très bien. C’est dû d’abord au calendrier : cette année, le week-end de Pâques était en mars alors qu’en 2023 il était le 9 avril, une date plus avancées. Ils le sont moins qu’il y a 30 ans, mais les gens, qui réservent de plus en plus à la dernière minute, restent météo dépendants et comme dans une bonne partie du pays. Et le printemps n’a pas été beau… En revanche, dans le Sud il y a un phénomène de balancier : notre hôtellerie de plein air y est davantage dynamique qu’en 2023. Du coup, la région Paca est en hausse et Normandie est à peine au niveau de l’an passé. Quant à l’Occitanie, la 2e région avec le plus de campings et d’hôtellerie de plein air en France après l’Aquitaine, c’est moins morose.”

La prochaine saison estivale s’annonce “contrastée

Pour autant, le mois d’avril affiche une baisse de 20 % cette année. “Certes, c’est seulement 5 % à 6 % de la fréquentation annuelle contre 40 % au mois d’août. Mais pour l’été prochain, les prévisions sont assez contrastées, dû au contexte actuel de crises et de la météo mais on devrait faire au moins aussi bien qu’en 2023. C’est aussi très contrasté d’un territoire à un autre. Et même entre deux campings qui se ressemblent et même à l’intérieur d’un même camping, certains hébergements premium, plébiscités l’an passé, ils sont moins demandés ; et les emplacements tentes et caravanes progressent, eux, plus vite que les locations de mobil-homes et de chalets. C’est lié donc au retour des étrangers qui préfèrent davantage d’emplacements libres que les Français. Et aussi lié aux Français qui recherchent de bons prix : et l’imbattable, cela reste l’emplacement libre.”

Le mobile-home affiche des “prix imbattables”

Ph. FNHPA

Nicolas Dayot insiste : “Le prix ramené à la personne est très intéressant. Une chambre d’hôtel, c’est pour deux personnes et, éventuellement, une troisième avec un lit d’appoint. Quand on compare avec la taille moyenne d’un emplacement de camping qui accueille en général six personnes max et un mobile-home qui accueille, aussi, six personnes, plus un canapé convertible, on est entre 20 € et 30 € par nuit et par personne et dans le haut de gamme.” Faut quand même trouver au moins 1 000 € la semaine sur le littoral… ! “On le trouve dans un trois étoiles un mobil home de base à 700 € ou 800 €, pour quatre personnes, même en août. Alors, pas forcément dans un camping avec le toboggan super top mais dans un emplacement géographique pas trop mal”, certifie-t-il. Certes, encore, mais toute une frange de la population n’a pas les moyens de se payer une semaine en mobil home à ce tarif-là.

Les classes populaires choisissent leurs dates, comme début août à 400 € la semaine pour quatre personnes avec l’électricité pour une tente, une caravane, un van ou un camping car”

Quel est le profil-type du campeur ? “Nous avons fait réaliser une étude chez Opinion Way il y a quelques mois. Les classes populaires et moyennes sont très présentes chez nous. Pour ce qui concerne les tentes et caravanes, les emplacements libres représentaient 45 % de la fréquentation en 2023. Donc 55 % les mobile-homes et les chalets. Les classes populaires qui ont peu de moyens ne partent pas chaque année en vacances. Mais quand elles partent avec, parfois, une aide de la Caf et elles ne sont que 90 000 familles, soit 500 000 personnes dans ce cas-là sur 27 millions de personnes que nous accueillons chaque année. Mais la majorité ne touchent pas d’aides diverses. Dans ce cas-là, ils choisissent leurs dates – début août à 400 € la semaine pour quatre personnes avec l’électricité pour une tente, une caravane, un van ou un camping car.”

Il reste des campings très simples, du style années 1980, sans trop de mobile-homes avec des toilettes à l’ancienne, je ne serais pas étonné qu’il y en ait de pas trop onéreux…”

Il prend quelques exemples : “Pour pousser mémé dans les orties, en emplacement nu, dans un camping municipal (une et deux étoiles), en Bretagne, près du Cap Fréhel, pour un emplacement à tomber par terre, c’est 6 € par personne et par nuit, début août !” Et pour lui, on peut trouver la même chose dans le Sud : “À l’Espiguette, confie-t-il, il existe des possibilités pas trop chères non plus. Après il reste des campings très simples, du style années 1980, sans trop de mobile-homes avec des toilettes à l’ancienne, je ne serais pas étonné qu’il y en ait de pas trop onéreux.”

Il convient quand même que ces campings municipaux ou voisins représentent “qu’une toute petite partie de la fréquentations nationale des campings. La fréquentation se fait surtout dans les trois et quatre étoiles. En tente, on est entre 12 € ou 13 € par nuit et par personne, début août, avec piscine ! C’est un rapport qualité-prix extraordinaire.”

Une pétition pour “sauver les emplacements nus”

Olivier Lemercier, patron de camping, à L’Iscle de Prelles, près de Briançon, a lancé une pétition, Sauvons le vrai Camping.

Les campings ont la côte. Alors que les hôtels perdent un peu du terrain, les vacances au plein air progressent, eux, de 3 % par an depuis 2022, comme l’Insee le montre dans une étude. Les campings récupèrent aussi la clientèle des clubs et résidences de vacances qui perdent plusieurs points. L’attractivité croissante des campings est aussi due à une segmentation très étudiée : il y en a, par exemple, pour la clientèle urbaine riche qui choisissent lodges, des Huttopia, etc.

Justement, Olivier Lemercier, patron de camping, à L’Iscle de Prelles, près de Briançon, a lancé une pétition, Sauvons le vrai Camping sur la disparition des emplacements nus. Elle a déjà recueilli plus de 37 500 signatures. Pour dénoncer toujours plus de mobile-homes (environ la moitié des emplacements contre 30 % en 2011) qui offrent une rentabilité rêvée : environ 10 000 € par an. À 25 000 € l’unité, le mobile-home est amorti en une poignée de saisons. Ce secteur attire investisseurs et entrepreneurs (lire ci-dessous) et le dossier que Dis-Leur a publié ICI. Ce patron pétitionnaire réclame une réglementation pour limiter le nombre de maisonnettes par camping et ne plus accorder certains avantages (comme la TVA réduite) à ceux qui ne proposent plus que des hébergements locatifs.

“De moins en moins de campeurs, de plus en plus de vacanciers”

Olivier Lemercier (“Je n’ai qu’un tiers de mobile-home dans mon camping”, rétorque-t-il), précise : “Je respecte le travail de la Fédération de l’hôtellerie de plein air sur l’eau, l’emploi , etc. Mais Nicolas Dayot est dans l’incantation. Les chiffres sont têtus qui émanent de la Fédé : chaque année, le mobile-home progresse de 3 %. En comptant les hébergements insolites (yourtes, cabanes dans les arbres, etc.) il s’est vendu en 2022 quelque 30 000 emplacements locatifs. C’est pourquoi, nous avons lancé cette pétition. On a de moins en moins de campeurs et de plus en plus de vacanciers.”

Camping les Grottes à Niaux (Ariège). Photo : Olivier SCHLAMA

Ce gérant qui est entré dans la profession il y a seulement trois ans, après une carrière dans la pub, ajoute que 67 gérants ont rejoint le collectif Sauvons le Camping qu’il a créé pour échanger avec des professionnels. “C’est peu mais c’est pas mal considérant qu’il est difficile pour un gérant d’adhérer à notre collectif pour ne pas se mettre la Fédé, qui est très puissante, à dos mais nous avons des personnalités comme Philippe Bossanne, créateur d’Huttopia qui est une référence. Et puis beaucoup nous disent qu’ils sont d’accord avec nous mais ne veulent pas signer…”

Le mot camping, “ça n’a de valeur que pour le référencement sur les moteurs de recherche…”

Olivier Lemercier revendique en outre : “Nous n’avons rien contre la montée en gamme. Moi-même j’ai investi dans une protection de piscine. Tout le monde est là pour faire du bizness. Mais on a une responsabilité sociale de maintenir les emplacements nus. C’est le sens de la lettre ouverte que j’ai envoyée à Olivia Grégoire, ministre du Tourisme en lui expliquant que c’est le moyen de partir en vacances le moins cher. Et que le jour où il n’y en aura plus, les plus modestes ne pourront plus partir. Sans parler de la clientèle étrangère qui occupent traditionnellement en France un tiers des emplacements nus. S’ils ne peuvent plus en occuper, ils iront en Italie, Grèce ou Croatie qui en ont encore. On est soutenus par les Fédérations de cyclisme et de randonnée qui défendent comme nous un tourisme itinérant. Un bout de carré vert et des toilettes communes, c’est ça le camping de base. Hier soir, sur Linkedin, j’ai eu une discussion surréaliste avec un gérant comme moi. J’ai fini par poser la seule question qui vaille : “Pourquoi tu t’accroches au mot camping?” Il m’a répondu : “Ça n’a de valeur que pour le référencement sur les moteurs de recherche…”

“On n’est plus en phase de fortes implantations ; on est en phase de remplacement de mobile-homes qui ont 15 ans”

Camping des Grottes de Niaux, en Ariège. En pleine nature… Ph. Olivier SCHLAMA

Olivier Dayot contre-attaque : “Il est vrai que le nombre d’emplacements a baissé depuis quinze ans : il fallait bien mettre les mobile-homes quelque part… On n’a pas compris la polémique qui vient d’un collègue qui a, d’ailleurs, une majorité de mobile-homes dans son camping… J’ai longtemps parlé avec lui mais impossible de le convaincre qu’il fait fausse route. Il a lancé une pétition pour dire qu’il faut sauver l’emplacement nu en arguant du fait que tous les ans on fabrique 20 000 mobile-homes et donc autant d’emplacements nus qui disparaissent. C’est faux : certes, en 2000, il y avait peu de mobile-homes et de chalets. Mais on n’est plus en phase de fortes implantations ; on est en phase de remplacement de mobile-homes qui ont 15 ans ; il est vrai que 20 000 mobile-homes sortent des usines mais pas pour occuper 20 000 emplacements nus. Le marché est à maturité.

2 000 campings ont disparu en 25 ans

La seconde cause qui fait que nous avons perdu 20 000 emplacements nus, “c’est la disparition de 2 000 campings en France en 25 ans, principalement des municipaux et des tout petites structures qui n’avaient justement que des emplacements nus. Ceux-ci qui représentent quand même 80 000 lits touristiques. Toute cette évolution n’est pas dû à 100 % par l’implantation de mobile-homes dans les trois ou quatre étoiles”.

Conclusion, dit-il, “selon les chiffres de l’Insee, la fréquentation des emplacements nus a légèrement baissé en nombre de nuitées en quinze ans mais quasiment pas car les emplacements nus ont un taux de rendement très supérieurs par rapport à l’époque. L’emplacement nu marche encore très bien – notamment auprès des touristes étrangers – parce qu’il y a encore beaucoup de campeurs. On arrive à en louer : 51 % des emplacements en France sont nus”. Quelle sera la tendance dans dix ans ? “Bien malin celui qui le sait. Les campings ont la volonté stratégique de garder les “nus” ; ils ne veulent pas mettre tous les oeufs dans le même panier et cette année, on le voit bien avec le retour des étrangers ; heureusement que nous avons des emplacements nus quand les mobile-homes se louent moins bien pour des questions de pouvoir d’achat”.

Tentes, vans… : “On ne veut surtout pas se couper de ce marché : il est dynamique !”

Le président de la Fédération de l’hôtellerie de plein air va plus loin.Le marché de la caravane en France ne marche pas ; il n’y a que les Anglais et les Allemands qui en achètent. En France, en revanche, le marché des campings-cars est le second marché européen ; nous avons même, en France, le leader européen de leur fabrication. Les vans ; les tentes de toits (qui réinventent la traditionnelle tente au sol, Ndlr), ça marche très bien aussi. Décathlon ne communique pas sur le nombre de tentes vendues mais on sait que c’est très dynamique et que cela se compte en millions au cours des dernières années. On ne veut surtout pas se couper de ce marché : il est dynamique !”

“On part trois ou quatre jours ou deux week-ends. Et pour cela il faut un emplacement nus”

Pétanque, vacances. Ariège. Ph. Olivier SCHLAMA

Et dans un camping, où tous les styles sont bien partagés, “c’est très important pour maintenir l’esprit camping. C’est une ambiance à nulle autre pareille”. D’autant que le pouvoir d’achat est en baisse. “On a davantage de difficultés à louer certains mobile-homes ; augmentation de la location d’emplacements nus ; mais aussi raccourcissement de la durée moyenne de séjour : les touristes ne prennent pas obligatoirement une semaine entière de vacances. On part trois ou quatre jours ou deux week-ends. Et pour cela il faut un emplacement nus ; en mobile-home, c’est au minimum la semaine. En 2023, les activités annexes des campings avaient été touchées (restauration, etc.). Je pense que cela va être identique cette année.

“Le but c’est de réduire la consommation d’eau dans tous les campings de France”

Sécheresse ? Économies d’eau ? “L’année dernière, nous avions pris des engagements auprès du préfet des P.-O., département le plus touché pour réduire de 30 % la consommation d’eau dans les campings de ce département. L’engagement a été tenu. Cette année, une charte a été signée avec le préfet. Et nous avons signé avec l’Agence de l’Eau Méditerranée-Corse un appel à manifestation d’intérêt pour tester de gros travaux à mettre en place dans les campings et notamment dans le “66”. On a aussi proposé à Christophe Béchu, le ministre de l’Environnement, un plan d’actions national. Le but c’est de réduire la consommation d’eau dans tous les campings de France. On est partis sur toutes les solutions qui existent sur le marché. On les a agglomérées et on demande aux Agences de l’Eau de réfléchir à nous aider financièrement. L’idée c’est d’avoir un plan pour la France entière. Une douche il y a 10 ans, c’était 14 litres d’eau par minute, aujourd’hui, une douche performante, qui emploie des systèmes innovants, c’est trois litres d’eau par minute. On est très actifs sur cette question de l’eau.”

Le marché est colossal : plus de trois milliards d’euros par an dont un quart est réalisé par la région Occitanie

Mobile-homes et chalets se multiplient. Ph Olivier SCHLAMA

C’est un marché en pleine croissance qui attire les investisseurs. 50 000 personnes y travaillent, dont 10 000 en Occitanie, et le secteur aura besoin de 10 000 bras supplémentaires à court terme. L’hôtellerie de plein air cumule tous les enjeux de nos territoires. On compte 89 % d’indépendants de ce secteur parmi les 7 500 campings de l’Hexagone. Les 11 % restants, détenus par de grands groupes, représentent quand même 26 % des emplacements et les deux-tiers du chiffre d’affaires du secteur. Et ce n’est pas fini. Le marché est colossal : un peu plus de trois milliards d’euros par an dont un quart est réalisé par la région Occitanie. Trois milliards et demi d’euros, plus de trois fois plus qu’il y a vingt ans avec 800 M€ en 2000…!

L’hôtellerie de plein air, ce sont 50 000 contrats salariés, signés pour le coeur de la saison estivale, dont 40 000 en CDD et 10 000 en CDI. L’Occitanie (21 % des nuitées) pèse pour quelque 20 % de ces salariés. Soit 10 000 salariés. C’est aussi 23 % des trois milliards d’euros de chiffre d’affaires. Enfin, ce marché compte cinq segments : les campings associatifs ; les campings municipaux – qui plaisent de moins en moins, on en compte 1 400 – ; les indépendants non regroupés sous la bannière d’une chaîne commerciale ; les indépendants avec “chapeau commercial” comme Yellow Village ; et des groupes intégrés qui possèdent des campings. Ce sont ces derniers qui ne sont que 11 %.

Olivier SCHLAMA

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