Succès de Phot’Aubrac : “La photo est un prétexte, ce festival est fait de rencontres…”

Photo de Alain Ernoult "Sixième extinction", invité d'honneur de Phot'Aubrac 2021.

Du 16 au 19 septembre se tient, aux confins de la Lozère et de l’Aveyron, la 19e édition de Phot’Aubrac, le rendez-vous des passionnés de photos sur le plateau de l’Aubrac. Des dizaines de milliers de personnes sont attendues. Une réussite due à “l’atmosphère” à nulle autre pareille ; où l’on déambule de ferme en ferme et où l’on peut casse-croûter avec les photographes amateurs ou professionnels. Incontournable !

Tout part d’une rencontre. Jean-Pierre Montiel raconte : “Il y a quelques années, en 2010, alors que je travaillais aux Rencontres photographiques d’Arles, je suis venu en Aubrac réaliser des portraits photos d’agriculteurs.” On l’a un peu pris pour un hurluberlu de la ville avec un caprice d’intello un peu illuminé. Mais, finalement, l’âme qu’avait perdue Arles – “on est passé des années de bonne franquette à un festival élitiste“- Jean-Pierre Montiel l’a insufflée sur ce magnifique plateau de l’Aubrac via Phot’Aubrac qu’il préside.

Une quinzaine de lieux dans et autour de Nasbinals

Les agriculteurs se sont appropriés le festival. Photo : Jean-Pierre Montiel

Les photos choisies sont exposées dans une quinzaine de lieux dans et autour de Nasbinals (l’épicentre), Aubrac, Marchastel, Saint-Urcize, Laguiole, soit un territoire à cheval sur la Lozère, l’Aveyron et le Cantal. Quelque 60 expositions photographiques dans des lieux uniques et emblématiques inaccessibles au public en temps normal, “y compris dans des endroits insolites comme des fermes ou des exploitations agricoles”, souligne le trésorier François Puech. On s’y promène à pied, à vélo… L’entrée est gratuite. “Il y a de plus en plus de fidèles qui cochent cet événement mi-septembre sur leur agenda. Parallèlement, les habitants, notamment les agriculteurs, se sont emparés de ce festival. Ça en est même la force vive…”

“Ce festival n’aurait pas lieu sans ces agriculteurs”

Jean-Pierre Monteil rapporte : “Sur le Plateau, on me répétait : “Jean-Pierre, on n’a besoin de rien sur l’Aubrac ! Et je répondais mais si !” Ses portraits d’agriculteurs en hiver ont été très appréciés ; les agriculteurs, jadis invisibles, lui ont ouvert leurs fermes et leurs granges pour exposer ces grands formats. Un lien s’est tissé. “Une communion”, dit-il. “Ce festival n’aurait pas lieu sans ces agriculteurs”, répète le président Montiel qui a repris en 2012 Phot’Aubrac, créé il y a dix-neuf ans.

“L’image doit parler d’elle-même ; elle n’a pas besoin d’explication”

On se promène, on casse-croûte… Photo : Jean-Pierre Montiel

L’Aubrac est le paradis, notamment automnal, des photographes de tous niveaux. La patte Montiel ? La photo doit se suffire à elle-même. Elle n’est en rien conceptuelle. “Mon approche vient de mon métier de photo-reporter : l’image doit parler d’elle-même ; elle n’a pas besoin d’explication.” Et de convenir : “La photo, c’est un prétexte ; ce festival est fait de rencontres : on peut casse-croûter en déambulant dans les rues de Nasbinals ou d’un patelin alentour ; pique-niquer avec des photographes présents qui sont très accessibles ; leur poser des questions en direct, etc.”

Kyriakos Kaziras, Alain Ernoult…

Sous titré Élément Terre, qui met l’accent sur les espèces en péril, l’effondrement de la biodiversité, la faune en sursis, Phot’Aubrac 2021 sera marquée, pour cette 19e édition sera par la présence de grands noms. Kyriakos Kaziras nous fera plonger au cœur de la savane avec son époustouflant Elephant Dream, place du foirail à Nasbinals. Alain Ernoult présentera, lui, La Sixième extinction, à Laguiole ; Jean-Marie Séveno ou Jean-Philippe Borg nous plongeront dans l’animalisme, courant qui s’appuie sur les avancées éthologiques pour défendre le droit des animaux.

Et même une exposition de nus

Dans les fermes… Photo : Jean-Pierre Montiel

Il y a aussi les photojournalistes et grands reporters à la croisée des chemins ou les photographes purement humanistes qui ici et ailleurs mettent en avant les résistants, ceux qui savent vivre avec la Terre. Et puis les paysagistes… qui captent la magie pure, les miracles et et la poésie ordinaire. “Phot’Aubrac accueillera cette année (et certainement pour la suite) même des expositions de nus, qui célèbrent… la beauté”, souligne Jean-Pierre Montiel.

Plus de 30 000 visiteurs en quatre jours

Images Singulières à Sète, Visa pour l’image à Perpignan, les Rencontres, à Arles… La réussite – plus de 30 000 visiteurs sur quatre jours sur l’Aubrac ! – le place dans le peloton de tête des festivals de photo… Mais pourquoi, à l’ère de la vidéo, la photo attire toujours autant de monde ? “La photo, ce doit être accessible ; simple”, réfléchit Jean-Pierre Montiel de Phot’Aubrac qui travaille sur le festival au moins… 16 mois sur 12… par an et qui rend hommage à une centaine de bénévoles.

“C’est blindé !”

La photographie en déambulant. Photo : Jean-Pierre Montiel

“Et puis, ajoute-t-il, ici, il y a une atmosphère. Les photographes, mêmes quand ils sont des pointures comme les deux parrains de cette édition qui vendent 8 000 € la photo chez Christies, restent tout à fait accessibles. S’ils ne l’étaient pas, ils ne seraient pas accueillis ici. Il n’y a qu’à constater : on reçoit plus de 30 000 personnes qui viennent de partout. Hôtels, gîtes, etc. c’est blindé ! On commence à avoir des grandes marques qui s’intéressent au festival, mais on s’en fout.”

Pour Dominique Quet, 34 ans de photojournalisme, il y a de plus en plus de festivals de photos mais de moins en moins de photoreporters. Un paradoxe…

Olivier SCHLAMA

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