L’itinéraire de Mèze, qui sera inauguré le 23 mai, est le seul dans une lagune, le seul qui parle de patrimoine. Son succès devrait égaler ceux du Cap d’Agde et de Banyuls, en Méditerranée. Gratuits, faciles d’accès, ces outils de promotion et de préservation du milieu sont plébiscités.
Ce n’est pas Paris Plage qui, cet été, proposera trois sites à la baignade dans la Seine, du 5 juillet au 31 août. Mais, de Mèze à Banyuls en passant par Palavas et le Cap d’Agde, ce sera autrement… mieux ! D’autant plus que dans ces communes touristiques languedociennes et catalane, on peut s’y rafraichir en s’instruisant via d’instructifs sentiers sous-marins. Du tourisme pas bête, au rythme de sa brasse, coulée ou non. Du slow tourisme, sauce méditerranéenne.
La lagune et ses écosystèmes vous appartiennent

On espère un jour observer la même version, follement artistique, déjà adoptée à Lanzarote (Canaries), avec son incroyable musée sous-marin, le premier du genre en Europe. On espère un jour admirer, autour du Bassin de Thau, à Sète ou au Racou, les oeuvres du successeur prosélyte d’un César Manrique, celui qui, artiste, ami de Wharhol et Rothko, a imaginé son art-nature comme à Jameos Del Agua visant à nous réconcilier avec notre environnement. Anti-tourisme de masse, donc. Pourra-t-on, un jour, admirer des oeuvres immergées ? Qui sait… D’ici-là, on peut déjà coincer sa bulle (à texte) à Mèze. Dans les tout prochains jours, avec un masque et un tuba, la lagune et ses écosystèmes vous appartiennent.
Grandes nacres, dorades, loups…
À 15 mètres de la plage du Taurus, les herbiers, les grandes nacres (qui n’existe que dans l’étang de Thau comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI), dorades, loups, milieux sableux, hyppocampes, spirographes (poissons), etc., n’auront plus de secret pour vous… Ces petits poissons de roche, blennies, non plus. Des zoostères, itou, qui sont d’incroyables nurseries. Le sentier est composé de cinq panneaux avec des visuels recto et verso, accrochés sous des bouées auxquelles le visiteur peut s’accrocher et observer tranquillement autour de lui et ce qui est écrit sur les panneaux. Trois d’entre eux sont réservés à la biodiversité marine, deux sont davantage tournés vers les métiers de la mer ; l’un évoquant les capechades typiques (nasses) et l’autre la conchyliculture.
“Donner envie aux gens de protéger ce milieu qui est un milieu partagé”

En accès libre, en autonomie, ce sentier sous-marin, à Mèze, est le premier et l’unique créé dans une lagune, proche de la zone de baignade surveillée. Il en existe d’autres, à Palavas, Cap d’Agde ou Banyuls mais tous trois sont en Méditerranée. Sur la plage de Mèze, deux panneaux explicatifs vont accueillir, sous peu, le visiteur.
“Ce sentier sous-marin est un outil de promotion de notre bel étang de Thau permettant de découvrir sa richesse et de donner envie aux gens de protéger ce milieu qui est un milieu partagé ; d’évoquer aussi ce qui est très important pour nous : les métiers de la mer. D’en comprendre tout l’intérêt”, explique Marie-Hélène Pelain, élue chargée du projet qui sera inauguré le 23 mai, à Mèze, pendant les fêtes de la Nature. Le 21 mai, une expo à la salle du Temps Libre, au Taurus, présentera l’essentiel de ce sentier sous-marin désormais ouvert jusqu’à la première semaine d’octobre (1).
“Outil touristique et de promotion de la biodiversité”

À terre, grâce à un QR Code proposé sur un panneau, “on pourra aller plus loin, avoir davantage d’information et on aura aussi des plaquettes permettant aux gens qui sont dans l’eau ou en dehors de garder un souvenir et/ou l’utiliser ailleurs”.
Marie-Hélène Pelain ajoute : “C’est un outil touristique et de promotion de la biodiversité de l’étang, y compris auprès des habitants. C’est un projet que nous avons depuis quelques années. Le Syndicat mixte du Bassin de Thau travaillait aussi sur le sujet et cherchait un lieu d’implantation.” Il en a coûté 40 000 €, dont 40 % de l’Europe, 30 % de la Région Occitanie. La commune a pris le restant en charge. Pour l’instant, il n’est pas prévu de créer d’autres sentiers sous-marins dans le Bassin de Thau, “mais, peut-être que celui-ci va-t-il permettre d’en donner l’idée à d’autres…” Pas de circuit à terre, non plus pour prolonger l’expérience. “On est encore en réflexion…”
Mèze, “premier sentier sous-marin qui parle aussi de patrimoine culturel”

Guillaume Salmon, directeur de projets chez Biotope, bureau d’études mézois qui a conçu ces panneaux de vulgarisation scientifique, explique que, “le but de la ville de Mèze est de proposer une activité touristique gratuite et accessible à tous et intéressante dans le milieu naturel. Mèze est assez investie dans la protection de l’environnement, la biodiversité”. Il pointe : “À ma connaissance, c’est le premier sentier sous-marin qui parle aussi de patrimoine culturel : la conchyliculture et la pêche. Il y a des panneaux qui expliquent cela. Il y a aussi une table conchylicole de démonstration permettant aux touristes-plongeurs de s’en approcher – c’est interdit pour les tables professionnelles – elle est adaptée ; avec des cordes d’élevage suspendues. Et de comprendre le cycle de l’huître.” Biotope n’a pas pour l’instant d’autres projets de sentiers sous-marins. “On aimerait en faire d’autres, possiblement à l’étranger aussi”, conclut Guillaume Salmon.
Cap d’Agde : avec ou sans moniteur naturaliste
Ce sentier sous-marin devrait faire un tabac. C’est déjà le cas au Cap d’Agde. Au cœur de l’Aire marine protégée de la côte agathoise gérée par la commune, au pied des falaises volcaniques millénaires du Cap, en partant de la petite plage de sable blond dite la Plagette, le “sentier soum”, comme on le surnomme ici, c’est une découverte facile en palmes masque tuba des petits fonds rocheux et sableux méditerranéens, et dans seulement quelques mètres d’eau, qui vous mènera jusqu’au Rocher de la Rascasse, à 200 mètres du rivage (tel. uniquement l’été : 06 79 46 78 31).

La visite est possible de trois façons : “Soit en étant accompagné par un moniteur naturaliste qui connaît bien la biodiversité marine méditerranéenne, par petits groupes de huit personnes maximum, dès huit ans, auxquels sont fournis le matériel nécessaire pour profiter de la balade aquatique : palmes, masque, tuba et même petite combinaison de plongée. Dans ce cas, une petite participation financière est demandée (15 € par personne, 12 € par personne pour les groupes)”, précise Renaud Dupuy de la Grandrive, directeur du milieu marin d’Agde.
Sars, dorades, blennies, labres, rougets et bien d’autres invertébrés que l’œil du moniteur vous montrera

Seconde solution : de manière libre et gratuite en suivant les cinq bouées-stations écologiques qui jalonnent le sentier avec des panneaux immergés présentant milieux naturels faune et flore marines du coin, et sur lesquels on peut se reposer grâce à une main courante. Soit, enfin, en louant du matériel sur place, à l’accueil en bénéficiant de quelques conseils. Le sentier est libre d’accès tous les jours et de façon sécurisée car un poste de secours surveille la plage. Pour la visite guidée c’est du mardi au samedi.
L’animation éco-touristique guidée démarre par une inscription à l’accueil – un petit local sur la plage avec des informations écologiques sur le site – ou par téléphone, puis c’est la distribution du matériel de plongée suivie par un briefing à la fois technique et de présentation des richesses à découvrir, avant de s’immerger pour une petite heure suivant la température de l’eau !
Ici c’est l’occasion de voir de près quelques herbiers de Posidonies – ces plantes sous-marines typiquement méditerranéennes -, des petits fonds rocheux, des fonds sableux bien ridés, et bien sûr des poissons, petits et grands, des sars aux dorades en passant par les blennies, labres et rougets et bien d’autres invertébrés que l’œil du moniteur vous montrera.
Le sentier sous-marin du Cap d’Agde a fait peau neuve
Plus original le sentier sous-marin du Cap d’Agde a fait peau neuve à l’été 2024. Une reconstitution partielle de l’épave antique agathoise, dite de la Baie de l’Amitié datant du 1er siècle de notre ère a ainsi été immergée sur le parcours du sentier sous-marin du Cap d’Agde ! Installée dans cinq mètres d’eau, à la dernière bouée du sentier, elle est facilement accessible en palmes masque tuba et permet de découvrir la structure en bois et le mobilier archéologique factice mais conforme à l’original (amphores, vaisselle, jas d’ancre…)
En lien avec le musée de l’Ephèbe
Une opération qui permet aussi de faire le lien avec le Musée d’archéologie sous-marine de l’Ephèbe au Cap d’Agde, partenaire de ce projet et dans lequel l’épave antique originale est exposée. Aujourd’hui le “sentier soum” permet donc de véhiculer auprès du grand public des messages à la fois sur la protection de l’environnement marin (au sein d’une aire marine protégée) et la protection du patrimoine maritime, notamment archéologique.
Interface avec animations, clubs de plongée, et magasins spécialisés
À l’heure où la ville d’Agde et l’office du tourisme Cap d’Agde relancent une réflexion sur le tourisme, nature, culture et sport notamment, le sentier est aussi une interface avec des animations littorale (pieds dans l’eau), les clubs de plongée (baptêmes, exploration de sites naturels et artificiels – village de récifs 3D plongée) et les magasins de plongée du Cap d’Agde. Ouvert du 15 juin au 15 septembre, c’est chaque année plus de 1 000 personnes qui bénéficient de la visite guidée – grand public et centres aérés et de jeunes compris – et plus de 10 000 personnes qui le pratiquent librement. Un succès avéré depuis de nombreuses années au Cap d’Agde puisque c’est au Cap d’Agde que le premier sentier sous-marin de la région Occitanie a été créé ici en 1995, sur un autre site à proximité. C’était même le deuxième en France après celui de Port-Cros.
Banyuls : 35 000 visiteurs sous-marins l’été

À Banyuls, le sentier sous-marin se situe, lui, en lisière de la réserve marine, entre Cerbère et Banyuls, à la baie de Peyrefite, presque collé à une falaise qui se dessine sous la surface (2). Ce qui lui permet d’offrir au regard… médusé, une richesse du milieu incroyable. Ce sentier connaît lui aussi un immense succès avec 35 000 visiteurs en été. En libre accès, sous la surveillance des pompiers, on peut y louer le matériel nécessaire : palme, masque, tuba (pour tout renseignement : 06 08 35 20 52, du 14 juin au 15 septembre). Créé en 2000, il mesure 250 mètres de long et 50 mètres de large. Et propose une profondeur de six mètres, tout de même. C’est une activité plébiscitée dans ce secteur des Pyrénées-Orientales. Son concept : cinq bouées pour cinq milieux différents à expliciter, où l’on se laisse surprendre par faune et flore abondantes : sars, dorades, muges, algues, herbiers de Posidonies. “On a même un petit poisson protégé, le Labre Vert”, souligne le directeur de la réserve.
Louez le “tuba FM” pour des commentaires sous l’eau !

Au fur et à mesure de votre progression, le sentier sous-marin vous amène à suivre l’érosion de la falaise qui devient sous-marine : une faille devenue “couloir de vie” pour des prédateurs emblématiques comme le denti ou le loup ; un tombant et tout son écosystème…
“C’est un super outil de sensibilisation qui permet de comprendre “l’effet réserve marine” : quand les visiteurs vont ensuite dans une crique non protégée, ils voient la différence : il y a moins d’espèces, moins de densité et de richesse. Là, pas besoin de grands discours. C’est une manière douce d’éducation à l’environnement. Ce sentier démontre l’effet positif du slow tourisme et il ouvre la porte à d’autres activités comme les baptêmes de plongée…”, prolonge Frédéric Cadène qui avait aidé à pousser l’idée d’un autre sentier sous-marin, à Argelès, aujourd’hui en pause. Et pour 7 €, vous pourrez en plus du masque-palme-tuba, louer le nec plus ultra : le “tuba FM”. Par un ingénieux système, la voix enregistrée d’un guide vous parviendra jusqu’à vos oreilles pourtant immergées, via les dents et l’oreille interne !
Olivier SCHLAMA
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(1) Pour tout renseignement, envoyez un mail à environnement@ville-meze.fr ou contact@ville-meze.fr.
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(2) Prendre la nationale sur 6 kilomètres en direction de Cerbère et suivre les panneaux indiquant le sentier sous-marin.
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