Pyrénées-Orientales : “Rechercher davantage de touristes de proximité…”

Le port de Collioures et la Côte Vermeille, l'atout-mer des P.-O. ! Photo D.-R.

Le bilan “en demi-teinte” de la saison dans un département qui propose mer et montagne met une pièce de plus vers un tourisme plus responsable et de proximité, comme l’explique Aude Vivès, vice-présidente du département, à la tête de l’Agence de développement touristique. De son côté, Brice Sannac, président de l’UMIH, milite pour les courts séjours.

Laboratoire avancé des conséquences du changement climatique, les Pyrénées-Orientales sont au coeur d’une “nécessaire adaptation du modèle du tourisme et des loisirs”. Contextes local, national et international s’y cumulent. Guerres, inflation record, hausse du coût de l’énergie, et sans oublier la crise climatique majeure avec une sécheresse historique, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. C’est un département très observé.

Baisse particulièrement forte dans l’hôtellerie

Le département des Pyrénées-Orientales cumule toutes ces avanies… L’Agence de développement touristique (ADT) a tiré le bilan d’une “saison estivale en retrait avec une très haute saison écourtée 28 juillet au 26 août”. Elle a enregistré une baisse globale de 4 % sur l’ensemble des nuitées en juin, juillet, août et septembre avec “une baisse particulièrement forte dans l’hôtellerie, les locations meublées-gîtes de France, la restauration” et une “baisse globalement légère dans l’hôtellerie de plein air avec des disparités sur le territoire entre le littoral et le reste du département. La Montagne Catalane tire son épingle du jeu”. En 2022, le nombre de nuitées dépassait 30 millions dont vingt-cinq millions entre juin et septembre.

“Un secteur transversal qui touche 90 % des emplois”

Aude Vivès, Vice-Présidente du Département en charge de l’attractivité, du tourisme et des loisirs, participe à tous les ateliers. Photo DR

Dans les Pyrénées-Orientales dont le tourisme est la première économie avec 1 milliard d’euros de consommation par an et 10 000 emplois directs et bien davantage en emplois indirects, car “le tourisme est un secteur transversal qui touche peut-être 90 % des emplois, hors Ehpad”, précise Aude Vivès, vice-présidente du département et présidente de l’ADT. Une ADT qui conclut à un bilan de saison en demi-teinte avec “une fréquentation en baisse globale avec des disparités, un panier moyen en baisse dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration et des réservations de dernière minute de plus en plus nombreuses et même durant le séjour. Avec des arbitrages budgétaires des visiteurs avec un impact sur la durée de séjour en baisse mais également les excursions…” Brice Sannac, président de l’UMIH 66, évoque une part majeure de quelque “40 % du tourisme dans le PIB départemental”.

“Rechercher essentiellement un tourisme de proximité, voire d’ultra-proximité”

Il n’y a pas que des Espagnols, Allemands et Britanniques sur ce territoire. “Il nous faut réfléchir ensemble à une transition du tourisme et des loisirs. Et rechercher essentiellement un tourisme de proximité, plaide Aude Vivès, élue du canton de Prades. Voire d’ultra-proximité. Sur ce sujet s’opère une convergence et une transformation. Ce sont ces touristes qui ne sont pas comptabilisés représentent entre 25 % et 30 % de la fréquentation, en constante augmentation. Cela se ressent aussi parce que la mobilité soit de plus ne plus chère ; la conscience écologique se fait de plus en plus jour et pousse de plus en plus de gens à profiter d’un dépaysement sans les kilomètres. Les P.-O. proposent un environnement extrêmement riche ; à chaque fois que j’en pars, je me dit pourquoi être partie…? C’est une tendance qui va être de plus en plus forte.”

Le visiteur extérieur ne doit pas être ressenti comme un envahisseur ; qui viendrait prendre une ressource que nous n’avons pas ou que nous n’avons plus. Il faut un juste équilibre”

L’ADT confirme être en train de réfléchir à une nouvelle stratégie départementale du tourisme. Vice-présidente du département des Pyrénées-Orientales et à la tête de l’ADT, Aude Vivès ajoute : “Nous ne quantifions pas non plus dans notre bilan les activités de loisirs, parfois proposées à l’année. Une entrée à Oniria, par exemple, l’aquarium à Canet-en-Roussillon, n’est pas différenciée que vous soyez un habitant ou un touriste. Il faut que l’on puisse “travailler” nos habitants en tant qu’usagers mais aussi ambassadeurs. Le visiteur extérieur ne doit pas être ressenti comme un envahisseur ; qui viendrait prendre une ressource que nous n’avons pas ou que nous n’avons plus. Il faut un juste équilibre et ne pas opposer habitants et touristes comme il ne faut pas opposer la filière touristique et les filières agricole ou industrielle.”

“Gérer les flux, préserver ce qui fait notre attractivité”

Le sommet du Canigou… Le Grand Site sait prendre de la hauteur. Photo Guilhem CODINA.

Aude Vivès est aussi concentrée sur le surtourisme. Pas question d’avoir des sites surfréquentés ou menacés par des flux trop importants, dit-elle. “Nous voulons faire le contraire ; nous voulons gérer les flux ; préserver ce qui fait notre attractivité.” Comme cela est déjà le cas pour accéder à la magnifique baie de Paulille dotée d’emplacements de stationnement limité. Idem aux Bouillouses, près des Angles,“l’on a jugulé la problématiques avec des parkings qui permettent ensuite de partir jusqu’au lac et non plus d’y aller directement en voiture”.

“De la même façon, au Canigou, le Syndicat mixte y travaille depuis 20 ans. Il s’agit de faire passer le message de ne pas être focalisé sur le pic, de ne pas y aller de manière frénétique mais déverser toute la fréquentation sur tout le piémont ; de faire le tour du Canigou comme on le fait du Mont-Blanc en passant de refuge en refuge ; de développer des écosystèmes au bas du Canigou. On ne peut plus se rendre au sommet en voiture ; on peut le faire avec ses deux jambes mais aussi avec des vélos électriques. On est dans la préservation, pas l’interdiction.

“Le service du midi disparait dans les restaurants…”

Brice Sannac, président de l’UMIH 66. DR.

De son côté, Brice Sannac, président de l’Umih, Union des métiers des industries de l’hôtellerie des Pyrénées-Orientales, dit : “Cette année, il y a eu plusieurs saisons dans la saison” qui, entre “démarrage poussif” dû aux arrêtés préfectoraux de restriction et autres difficultés, a bien repris de mi-juillet à fin septembre portée par une météo clémente et le Championnat du Monde de rugby mais avec des trous d’air récurrents comme le “service du midi dans les restaurants qui disparaît peu à peu ; et avec un service du soir qui ne suffit pas à réaliser son chiffre d’affaires et à faire face aux charges et à l’inflation de plus en plus importantes”. Au final, “on enregistre une fréquentation hôtelière en retrait de 3 % mais au même niveau qu’en 2019. Quant à la restauration, la baisse est très forte de l’ordre de – 20 % à – 30 % en fonction des secteurs.”

“Être très réactif commercialement”

Le littoral. Photo DR

Cette année a marqué les esprits, y compris dans la volonté de trouver un nouveau cap. Brice Sannac parle de “réflexion de fond” à avoir. “Notre département a besoin de s’acheter une image, appuie Brice Sannac ; il doit investir dans une identité propre. Il faut créer un outil numérique qui sache s’adresser aux habitants comme aux touristes ; on y trouverait tout dans sa poche : de la location de bouée à la carte des sentiers de randonnée. Il faut aussi exploiter de la “data” : si l’on se rend compte par l’analyse des réservations que pour le mois de mais 2024, par exemple, elles sont en baisse de 30 %, il faut pouvoir être très réactif commercialement et proposer des promotions.”

Partenariats, courts séjours et train de nuit

Brice Sannac, lui-même à la tête d’un restaurant et d’un hôtel à Collioure – et qui en construit un second –  défend les courts séjours et précise que l’on “peut aussi avoir des partenariats intéressants avec Voyages SNCF pour le train et Transavia pour l’avion. Il faut muscler nos commercialisations. Nous avons la chance d’avoir l’un des rares trains de nuit partant de Paris : il faut être en capacité de proposer une offre, un package, dès le jeudi soir. Tous nos hôtels ont la fibre optique ; on peut imaginer que des Parisiens seraient intéressés pour prendre le train de nuit le jeudi soir et télétravailler tout en profitant ensuite du week-end sur place. Je ne crois pas au TGV qui ne fait que gagner 25 minutes. Je crois davantage à ceux qui passent plus de temps sur place…”

Olivier SCHLAMA

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