Pyrénées : Des sociologues cherchent un avenir touristique pour le Puigmal et le massif

La station du Puigmal. Ph. Cécilia Claeys.

Une étude sociologique, qui s’adresse à tous ceux qui ont mis le pied au moins une fois au Puigmal, se propose de « prendre le pouls” des aspirations des habitants et des touristes. L’enquête se sert du cas emblématique d’une station “qui ouvre une année, qui ferme l’autre” pour poser la question de l’avenir des stations de ski dans un contexte de réchauffement climatique et de sécheresse.

C’est inédit, à l’instar de la période de changement climatique et d’incertitude économique que nous vivons. “Avez-vous un sentiment d’attachement au site du Puigmal ?” ; “Au cours de ces 15 dernières années, avez-vous pratiqué au moins une fois les activités suivantes ?” ; “À quelle saison vous y êtes allés” ; “Avec-vous vu des animaux ?” ; “Avez-vous entendu parler de la création d’une station Rossignol quatre saisons…?” ; “Pourquoi la station de ski a-t-elle fermé ?”. Il y a aussi, entre autres, dans ce questionnaire à retrouver ICI des interrogations sur la viabilité et l’opportunité de garder ce modèle de station de ski.

Le questionnaire s’adresse à tous ceux qui ont posé au moins une fois le pied au Puigmal dans leur vie

Les étudiants en sociologie de l’Université de Perpignan au Puigmal. Ph. DR

Ce sont des sociologues en devenir de l’Université de Perpignan qui ont conçu ce questionnaire sur la fréquentation et l’avenir du Puigmal. Une zone géographique qui comprend les sommets du Puigmal-d’Err et du Puigmal de Serre ainsi que les versants français et espagnols jusqu’en lisière supérieure des villages d’Err, de Valcébollère et de Nuria. Il s’adresse à tous, dès lors que vous y avez mis un pied au moins une fois. Même les stations les plus protégées par leur charisme, leur histoire et leur notoriété comme Font-Romeu mais bien d’autres villages-stations auront sans doute des enseignements à tirer de cette étude supervisée par la sociologue Cécilia Claeys, en poste à l’Université de Perpignan.

Les acteurs du territoire intéressés

Jadis spécialisée dans l’étude de nos rapports avec le moustique puis, durant cinq dans les Alpes, elle a travaillé sur les enjeux de transition des territoires de montagne. Et depuis deux ans, à Perpignan, avec un thème de prédilection : les stations de ski, sans doute précurseures de ce qui pourrait advenir à un plus grand nombre, “qui ouvrent, qui ferment ; qui ferment, qui ouvrent… J’avais ainsi travaillé sur une station dans les Alpes dans la même situation que le Puigmal, Céüse. Quand je suis arrivée dans les Pyrénées-Orientales, les acteurs du territoire avaient repéré mes travaux et m’ont demandé de lancer une étude”.

“Notre questionnement porte vraiment sur l’avenir de l’ensemble du massif”

Cécilia Claeys, sociologue. Ph. DR

La sociologue précise : “Le but, c’est de faire une enquête sociologique à la fois auprès des décideurs, des associatifs, des acteurs économiques pour comprendre le rapport qu’ils ont à ce territoire ; à l’environnement ; leurs contraintes politiques, économiques… Tout cela, dans un contexte de réchauffement climatique où les stations sous soumises à un enneigement décroissant.”

Cécilia Claeys fait remarquer : “Il y a aussi un contexte économique avec des situations d’endettement des stations de ski. Celle du Puigmal est particulièrement endettée. Et même quand elle est fermée, comme aujourd’hui, la municipalité doit payer la dette qu’elle a…” Et poursuit : “On s’intéresse beaucoup à la station du Puigmal mais notre questionnement porte vraiment sur l’avenir de l’ensemble du massif. Plusieurs acteurs du territoire m’ont tendue une perche comme le parc naturel régional des Pyrénées-Catalanes et les derniers repreneurs de la station.”

“Il y a deux positions extrêmes : ceux qui veulent rouvrir la station et ceux qui veulent tout démonter”

“L’enjeu, c’est que, autour de cette station, il y a des controverses sur le devenir de cette station ? Pour le moment, il y a deux positions extrêmes : des acteurs qui se disent attachés à l’héritage de cette station, qui souhaitent qu’elle rouvre et qu’elle reste une station de ski alpin sur le modèle classique ; et d’autres qui ont une posture très naturaliste qui, eux, rêvent de tout démonter et de faire de ce site un espace naturel protégé. Entre ces deux positions, il y a toute une diversité de points de vue entre des personnes qui voudraient, par exemple, ne démonter qu’une partie des remontées.”

Il s’agit, définit encore Cécilia Claeys, “de prendre le pouls auprès des acteurs du territoire et des visiteurs du site ce à quoi ils aspirent. D’où ce questionnaire où l’on donne la possibilité aux enquêtés de se positionner sur cette échelle”. Dès la semaine prochaine, ce questionnaire sera distribué, une fois traduit, aux Catalans du Sud “qui fréquentaient beaucoup le Puigmal. C’est leur station de coeur”.

L’étude proposera des scénarios de gestion

Les installations à l’arrêt du Puigmal. Ph. DR.

Ce questionnaire, financé par la Fondation de l’Université de Perpignan, réunit en fait trois masters. L’un de sociologie, donc, mais aussi deux autres masters : les étudiants en sciences de l’ingénieur ont fait un diagnostic énergétique pour mieux éclairer, si la station venait à rouvrir, les stratégies de gestion moins énergivores. Enfin, des étudiants en écologie se sont chargés du dernier volet : des inventaires en avifaune, sur les oiseaux. Leur objectif : identifier les enjeux de protection pour faire des préconisations sur des espèces protégées. Au final, cette étude en trois volet fera sans doute l’objet de préconisations et de scénarios de gestion auprès des décideurs publics.

“Les acteurs qui formulent des offres touristiques ont du mal à inventer autre chose que la station de ski”

Ouverture, fermeture, mais la fréquentation, au fond, n’est-elle pas lié à un problème d’offre ? “Ce que montre la littérature en sciences humaines matière de stations de ski c’est qu’une partie des acteurs formulant des offres touristiques ont du mal à inventer autre chose que la station de ski. C’est un modèle qui a tellement bien marché ces dernières décennies qu’ils ont du mal à penser à autre chose. Et quand ils y arrivent, souvent c’est très lié à l’univers de la station : ces dernières années, la grande mode, c’étaient les luges quatre saison.” De plus, il y a une clientèle elle aussi en évolution. “Des études montrent, surtout dans les Alpes mais aussi dans les Pyrénées, qu’elle s’est lassée de la semaine classique de ski et elle est demandeuse de davantage d’activités. C’est comme cela qu’ont commencé à ses développé les randonnées en raquettes, avec des chiens de traineau” ; que l’on a aménagé des sentiers, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Clientèle de plus en plus huppée, raréfaction de l’eau, sécheresse, emplois précaires…

Les remontées du Puigmal. DR

Enfin, quels que soient les enjeux du changement climatique, “nous nous interrogeons sur l’avenir du modèle de la station de ski. D’abord, la clientèle des stations de ski est très aisée, rappelle Cécilia Claeys. Il y a même une remontée en gamme. Ce qui pose une question éthique. Les stations, en France, sont sous perfusion de financements publics”, comme la Cour des comptes l’a bien pointé, lire notre article ICI. L’argument massue des maires c’est de dire que leurs stations sont la colonne vertébrale de l’économie de montagne aujourd’hui. Mais il y a deux problèmes : la clientèle est de plus en plus huppée, de plus en plus internationale et le modèle économique, c’est un nombre réduit d’acteurs économiques qui ont entre les mains le foncier et la manne financière. Mais tout le reste du modèle fonctionne avec des emplois saisonniers souvent précaires, avec la problématique du mal-logement.” Sans oublier, dans les P.-O., la raréfaction de la ressource en eau et de la sécheresse. Les stations de ce département ont été les premières en France à utiliser des canons à neige et c’est aussi le département le plus assoiffé.

Quant au Puigmal, le maire était “aux dernière nouvelles farouchement en faveur d’une réouverture de sa station de ski”, note Cécilia Claeys. Pointant un autre écueil : “La loi stipule que si une station reste fermée plusieurs années, le propriétaire est dans l’obligation de démonter les installations, ce qui coûte très cher…

Olivier SCHLAMA

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