La présidente PS de la région Occitanie se dit “préoccupée” par la situation. Carole Delga soutient la nomination de Bernard Cazeneuve face à d’autres pistes macroniennes, excluant une participation au gouvernement.
“Nous sommes dans un contexte particulier, toujours sans Premier ministre, ni ministre de l’Education nationale le jour de la rentrée scolaire… Les résultats électoraux en Allemagne avec la montée du vote d’extrême-droite dans deux landers – la 1er fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – montre que cette hausse du populisme est à l’échelle de l’Europe.” Le tableau déprimant dépeint par Carole Delga, face à la presse, ce lundi, se poursuit en France où “l’impatience” des Français le dispute à “l’exaspération“. “Je suis extrêmement préoccupée (…) Les Français, quand ils parlent de la situation, parlent de bazar et même de bordel.”
“Le président de la République a voulu gagner du temps”
La présidente de la région Occitanie a traduit le côté “désabusé des millions de Français qui ont voté pour le Nouveau front populaire, le 7 juillet dernier. Je n’ai jamais dit : tout le programme du NFP rien que le programme”, a-t-elle revendiqué. “Le Président a voulu gagner du temps ; et, pendant ce temps, la gauche a proposé des mesures, dont cinq principales – revalorisation des salaires, revenir sur la réforme des retraites, engager un plan de réindustrialisation du pays ; mettre en place la proportionnelle et réaffirmer le soutien à l’Ukraine, Ndlr – et en finir avec le déterminisme. On en est toujours à : dis-moi d’où tu viens, je te dirais où tu vas”, a-t-elle formulé pour illustrer la reproduction sociale en France.
Que Macron nomme une personnalité de gauche, qu’il mette en place un dispositif d’action pour davantage de justice sociale et une transformation écologique”
Sur son entretien avec le président de la République comme présidente des Régions de France, Carole Delga dit : “Je lui ai dit qu’il y a une nécessité absolue de changement face au désespoir des Français. Il n’est pas possible que la dernière image de son second quinquennat ce soit, en 2027, Marine Le Pen qui monte les marches de l’Elysée et lui qui les descende. Pour cela, il faut de l’humilité et une remise en cause personnelle. Et qu’il nomme une personnalité de gauche, qu’il mette en place un dispositif d’action pour davantage de justice sociale et une transformation écologique. Certes, selon les dernières rumeurs, ce n’est pas cette option qu’il compte choisir…” Et : “On connaît ça, nous en Occitanie où en six ans nous avons réussi à faire passer la part du RN de 34 % à 24 %. Pour cela, il faut répondre aux problèmes des citoyens. Cette situation n’est pas une fatalité. Il faut travailler. Et être lucide.” À propos de Macron, qu’elle “connaît depuis 12 ans” (…) “cette séquence est irresponsable”.
“Thierry Baudet ? (…) il n’a jamais eu de mandat électoral”
Que pense Carole Delga de Bernard Cazeneuve, dont le père était instituteur dans le Gard, jadis ? “Bernard“, dit-elle, est un “homme de gauche”, “d’expérience” qui aurait pu être un Premier ministre adéquat, certifie Carole Delga en conjuguant au passé, comme si elle n’y croyait plus. Elle s’entretient “régulièrement avec lui”, y compris “aujourd’hui”. Ce serait l’homme de gauche de la situation qui est, dit-elle, dans “la logique de l’abrogation de la loi sur les retraites”. Citant aussi d’autres noms de premiers ministrables (Bouamrane, Rolland, Jadot, Duflos), Carole Delga insiste sur l’hypothèse Cazeneuve, “un ami”, qui a dit à Macron qu’il “est disponible pour la France et que ses conditions sont l’application d’un programme qui ne soit pas la continuité des politiques macronistes…”
L’hypothèse Thierry Baudet, 62 ans, président du Conseil économique et social et qui fut secrétaire d’Etat à l’ESS entre autres ? : “C’est un homme de qualité mais je suis étonnés que l’on ait pensé à lui ; il n’a jamais eu de mandat électoral… C’est autre chose de gouverner un pays, créer des majorités…”, a-t-elle balayé après plusieurs questions sur cette éventualité.
“Je ne suis candidate à rien. Je travaille pour mon pays”
Et Xavier Bertrand, président des Hauts-de-France ? “C’est un homme de qualité, a-t-elle immédiatement qualifié, tous les deux nous luttons contre l’extrême-droite et nous avons travaillé ensemble. Lui s’est inspiré de la gratuité des transports scolaires que nous avons mise en oeuvre en Occitanie et moi de sa mesure de garde d’enfants pour les demandeurs d’emploi…” Mais“il ne correspond pas au vote des Français…” qui ont mis en tête le NFP aux dernières élections législatives.
“Arrêtons ce voyage en absurdie : je n’en serai pas”
Carole Delga exclut-elle de participer au prochain gouvernement ? “Je ne suis candidate à rien. Je travaille pour mon pays, redit-elle. C’est la dernière chance que nous ont donnée les Français. On doit être à la hauteur de la Nation et de la République. Je n’ai pas de démarche personnelle.” Lui a-t-on proposé Matignon ? “Non“, répond-elle, sobrement.
La guerre des courants s’est cependant réveillée à l’occasion de l’Université d’été du PS. “J’ai demandé à Olivier Faure, 1er secrétaire du PS, qu’il ait une parole ferme, claire (…) Que le PS ne cautionne jamais le communautarisme. Qu’il n’y ait plus de ligne de complaisance avec certains LFI…” Après une énième question sur son avenir, Carole Delga a lâché : “Arrêtons ce voyage en absurdie. Parlons de ce que l’on veut faire pour les Français. Je n’en serai pas. Je travaille pour la vie des gens.”
Et d’ajouter : “La coalition du NFP, c’est un cas de force majeure ; les quatre partis ont signé une charte d’engagements sur des valeurs, des écrits très précis ont été signés sur des valeurs universalistes, sur la lutte contre l’antisémitisme, le racisme. Et plusieurs membres de LFI, au lendemain, n’ont pas respecté ces engagements. Nous avons d’abord mené un dialogue interne, sans résultat. C’est pour cela que nous en parlons publiquement maintenant.”
Si c’est un gouvernement technique qui va continuer à passer des lois et continuer avec la politique de Macron, si c’est pour avoir un nouveau gouvernement macroniste…”
Et un gouvernement technique avec une personnalité issue de la société civile ? La présidente de la région “ne sait pas ce que c’est. Ce n’est pas un problème de personne ou de poste. Mais de ce que l’on fait pour les Français. Sur les services publics, la sécurité, pour abolir la réforme des retraites, etc. Si c’est un gouvernement qui va continuer à passer des lois et continuer avec la politique de Macron, si c’est pour avoir un nouveau gouvernement macroniste…” Elle précise : “Oui, Macron est capable de surprendre ; il m’a souvent surprise négativement…”
Prendre la “décision de cohabitation”
Parmi les priorités qu’elle défend pour le pays, Carole Delga cite en urgence de prendre la “décision de cohabitation ; une dose de proportionnelle aux prochaines élections pour sortir des logiques d’appareils ; une nouvelle étape dans la décentralisation et davantage associer les citoyens aux décisions.” Quant à ses priorités en matière économique, “il faut que le travail paie ; il n’est pas normal de gagner 1 400 € par mois pour un temps plein dans les services à la personne ou dans la grande distribution.” La présidente de l’Occitanie milite pour “une grande conférence sociale pour réévaluer les salaires ; le Smic et les petits salaires ; investir dans la réindustrialisation ; produire un maximum sur place et dans le mix énergétique, dans les énergies renouvelables”.
“Le travail ne me fait pas peur”
Quant au budget de l’État qui doit être voté le 1er octobre maximum, là aussi, il y a urgence. Carole Delga commente : “Les régions sont les parents pauvres : c’est la seule strate qui a vu ses dotations baisser pour des raisons politiciennes. Nous avons eu 136 M€ de moins pour l’Occitanie cette année… Et je ne vois pas comment il sera possible de voter le budget à temps, souffle l’ancienne ministre de François Hollande. Bercy envisagerait même de décaler le vote de la loi de finances. Cela donne une image déplorable en France et à l’international. Moi, le travail ne me fait pas peur.” On ne sait jamais.
Olivier SCHLAMA