Montpellier : Thibaut Guilluy, patron de France Travail, fait “la tournée des solutions”

Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail entouré de Michaël Delafosse, maire de Montpellier, et de Thierry Lemerle, directeur régional de France Travail. Photos : Olivier SCHLAMA

(Avec vidéo). Un “état d’esprit” différent, un meilleur accompagnement des petites entreprises, un partage d’expertises, etc., Et des solutions pilotées localement avec le préfet et les collectivités. Ce jeudi, à l’agence Cévennes, Thibaut Guilluy a expliqué sa méthode.

La salve d’applaudissements claque comme une signature inconditionnelle. “Notre but, c’est que les 800 entreprises de l’Hérault que nous représentons au Medef soient satisfaites” : la représentante du syndicat patronal héraultais peut être fière de son effet. Sabrina Felici a été appelée à participer à une table ronde à l’agence Cévennes, dans le quartier de la Mosson, à l’occasion de la venue de Thibaut Guilly, nouveau directeur général de France Travail (ex-Pôle Emploi) et du maire de Montpellier.

Des “ponts” avec 10 000 clubs de sport en France

Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail (ex-Pôle Emploi) et Michaël Delafosse, maire de Montpellier. Photos : Olivier SCHLAMA

C’est la même équanimité, qu’érigera en modèle, quelques instants plus tard, Michaël Delafosse, entre élus, chefs d’entreprises et administration qui perce depuis peu. Sans doute parce que Thibaut Guilluy est à “l’écoute” les élus de terrain et tend la main aux associations qui oeuvrent à une meilleure insertion, auprès des jeunes dans les quartiers politique de la ville, auprès de grands clubs de sport… D’emblée, dans le hall de l’agence, Thibaut Guilluy a confié vouloir démultiplier les “ponts avec les clubs ; nous en visons au moins 10 000 en France pour de l’insertion ; ça sert aussi de repérage pour les clubs. C’est du gagnant-gagnant.”

Le sujet central, c’est l’accompagnement et la montée en compétences élargies ; il faut aussi rendre tout plus lisible…”

Michaël Delafosse, maire de Montpellier

“Certains regardaient les élus locaux de haut… France Travail a créé une culture horizontale (…)” En tant que maire de Montpellier, “ville à la plus forte démographie de France, qui connaît un doublement des dossiers de surendettement et au taux de chômage parmi les plus forts du pays, que j’aimerais ramener au niveau de la moyenne nationale”, il dit : “Je rencontre paradoxalement, d’un côté, des gens en souffrance qui ne trouvent pas d’emploi et, de l’autre, des entrepreneurs qui cherchent et qui, parfois vont chercher des employés à l’extérieur, dans d’autres territoires voire dans d’autres pays….! Le sujet central, c’est l’accompagnement et la montée en compétences élargies ; il faut aussi rendre tout plus lisible… Ici, derrière moi, montre-t-il, sans nommer le quartier de la Paillade, certains jeunes sont, certes, sortis trop tôt du système scolaire (…) Il y a 45 % de ces jeunes au chômage. Du RSA, on en sort positivement chaque année 5 000 mais d’autres arrivent…” Démographie aidant.

“Avant, on était chacun dans son “silo”…”

Des tables rondes à l’occasion de la venue de Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail (ex-Pôle Emploi) et Michaël Delafosse, maire de Montpellier. Photos : Olivier SCHLAMA

“Nous avions déjà échangé il y a quelques temps avec Thibaut Guilluy sur l’emploi des jeunes”, a-t-il dit, notant une évolution positive : “Il y eut l’ANPE puis Pôle Emploi et maintenant France Travail ; avant, on était chacun dans son “silo”…” Et personne ne se parlait vraiment. N’échangeait sur les bonnes pratiques. Michaël Delafosse acquiesce quand Thibaut Guilluy développe sur le thème du big bang annoncé du parcours du chômeur.

À Béziers, trouver les bons candidats pour la Gigafactory “donne du sens à notre métier”

Quelles différences entre Pôle Emploi et France Travail ? “Déjà, l’état d’esprit de coopération qu’il faut partager pour gagner la bataille du plein emploi ; il s’agit de mieux accompagner les entreprises, notamment les TPE, avec les élus locaux et les organismes qui oeuvrent pour l’emploi et que cela ne parte plus de Paris mais des bassins de vie et que ces solutions soient pilotées par le préfet, les collectivités”, répond Thibaut Guilluy.

Il fait référence aux exemples qui viennent de lui être présentés, d’abord par la DRH du groupe Schlumberger, engagé dans la filière de l’hydrogène et qui a expliqué avoir pu créer une “gigafactory” grâce au partenariat avec l’ex-Pôle Emploi, de la Région Occitanie et de tout l’écosystème biterrois qui s’est mobilisé. Et qui a pu mettre en place un dispositif unique pour simplifier les parcours de formation.

Entreprises engagées

France Travail. Photos : Olivier SCHLAMA

La conseillère à l’emploi Lisa Morlot, l’oeil un rien humide, a même conclu son propos en disant que ce genre de dossier où on lui a fait confiance et où elle a eu “de la marge” donne “du sens à notre métier”. Deux cents personnes étaient à l’origine prêtes à s’engager dans des métiers qui recrutent pour vingt-trois places pour devenir conducteurs de ligne industrielle, techniciens de maintenance et techniciens qualité, notamment. Thibaut Guilluy fait aussi référence au partenariat avec l’association Face Hérault à laquelle participent quelque 600 entreprises de l’Hérault, des “entreprises engagées” qui oeuvre à l’insertion. Ce fut le cas pour les réfugiés ukrainiens et d’habitants de bidonvilles.

Le contrat engagement jeunes, idée née à… Montpellier

Nouveau nom, nouveau logo, nouveau DG et donc nouvelle méthode. Le but est d’atteindre le plein emploi d’ici la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron. On parle de plein emploi quand le taux de chômage n’excède pas 5 % contre 7,4 % aujourd’hui en moyenne en France. L’idée générale est de mieux coordonner tous les acteurs de l’emploi ; de mettre de l’huile dans les rouages, de la Mission locale, destinée aux moins de 26 ans jusqu’aux travailleurs handicapés, avec Cap emploi. Mais aussi d’y associer étroitement les services de l’Etat et les collectivités. Et d’aller chercher des idées qui marchent auprès des territoires, comme ce fut le cas justement à propos du contrat engagement jeunes, une idée née à… Montpellier, dixit Thibaut Guilluy.

Locaux partagés et partages d’expertises

Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail (ex-Pôle Emploi). Photos : Olivier SCHLAMA

Le directeur général de France Travail embraye ensuite sur la “méthode“, nouvelle elle aussi, fondée sur “le partage d’expertises, qu’elles soient issues de Missions locales ou d’ailleurs ; et on ne vise pas seulement l’emploi mais aussi le logement. Pour cela, il faut créer les conditions d’une coopération” avec toutes les associations et organismes.

Thibaut Guilluy évoque également “les missions élargies de France Travail ainsi que le système d’info en commun avec l’Apec, Cap emploi, etc.” Il a évoqué économies d’échelle pour les structures qui peuvent partager les mêmes locaux et enrichissements professionnels avec “des partages d’expertises…” Enterrées les concurrences des différentes chapelles…

“Déperdition de moyens et trous dans la raquette”

Quant aux moyens à engager pour aller davantage “vers“, Thibaut Guilluy, qui avoue faire “la tournée des solutions”, a explicité : “C’est aussi une question d’organisation. Il y a une déperdition des moyens ; il y aussi des trous dans la raquette ailleurs et il faudra sans doute aussi des moyens. Savez-vous que 50 % à peine des formations débouchent sur des emplois (je parle y compris dans des métiers en tension) ?” Avec certaines solutions locales, “c’est 80 %, affirme-t-il. Je vous parle de sommes importantes, de 500 M€, puis 700 M€ et enfin 1 milliard d’euros en 2027…”

Là où l’on mettait cinq mois entre le moment où une personne s’inscrivait au RSA et son premier rendez-vous, on est passé à 20 jours !”

Thibaut Guilluy
France Travail. Ph. Olivier SCHLAMA

“Nous n’allons pas réinventer l’eau chaude”, a ajouté le directeur général de France Travail. Il souhaite mettre en place une nouvelle méthode fondée sur ce qui existe de “performant” sur le terrain. Y compris pour le RSA.

“En moyenne, s’agissant des bénéficiaires du RSA, ce sont à peine trois contacts par an, mails compris…! Aujourd’hui, nous avons dix-huit départements pilotes et on a reçu beaucoup de candidatures de départements pour monter en puissance en 2024. Concrètement, qu’est-ce qui change ? Là où l’on mettait cinq mois entre le moment où une personne s’inscrivait au RSA et son premier rendez-vous, on est passé à 20 jours ! Ensuite, au lieu de faire ou du social ou du professionnel, on fait les deux ! C’est du co-accompagnement. Les entreprises ? Il faut qu’elles se mobilisent car il faut des immersions, des stages, du mentorat” (visionnez la suite sur la vidéo ci-dessous).

Il s’agit aussi de “fusionner les dispositifs ; on arrête les acronymes, personne n’y comprend rien, a-t-il encore dit. On est en train d’investir aussi pour développer une plate-forme pour que, en trois clics, l’on puisse connnecter le demandeur d’emploi, l’entreprise et l’organisme de formation. Et vous savez pourquoi ça marche ? Parce que les chefs à plumes comme moi ne prennent aucune décision là-dedans…”

Le but, c’est le plein emploi, y compris pour y parvenir de faire davantage travailler les… seniors, les plus de 55 ans. Les négociations sont en cours avec les partenaires sociaux comme pour le compte épargne temps universel. Les conditions d’indemnisation pourraient là encore être durcies, alors qu’elles l’ont déjà été depuis 2017 comme l’ont été plus largement les droits des chômeurs. Quant au système de sanctions potentiel à venir, toujours lié au RSA, Thibaut Guilluy brandit la logique du contrat d’engagement “qui est dans la loi depuis 1988, sous Rocard (ancien Premier ministre, Ndlr). Il ne me semble pas qu’il était quelqu’un d’excessif en la matière. J’ai été éducateur sur le terrain ; va falloir qu’on m’explique comment on peut avancer dans la vie s’il n’y a pas d’engagements réciproques.” Aux chômeurs de se “mobiliser“, à France Travail de “créer les conditions de leur réussite”.

Olivier SCHLAMA

  • Dans la région, France Travail, ce sont 5 500 collaborateurs, 90 agences et 3,6 milliards d’allocations versées.

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