Intentions d’embauche à la baisse : “Beaucoup de candidats cherchent des contrats courts…”

France Travail. Photos : Olivier SCHLAMA

Le ralentissement économique se ressent dans les perspectives de recrutement des entreprises d’Occitanie : à peine 28 % d’entre-elles pensent embaucher 261 810 personnes cette année, selon France Travail. Les candidats ne chercheraient pas forcément un CDI. Les employeurs, qui préfèrent “investir” sur le long terme, travaillent sur de meilleures conditions de travail et de vie dans leurs entreprises.

Le rapport au travail “a changé”. Depuis 2015, on assiste à des difficultés de recrutement que la crise sanitaire a exhaussées. Les crises (sécheresse, Ukraine, difficultés d’approvisionnement…) jouent aussi. Mais France Travail (ex-Pôle Emploi) a identifié une tendance, “un manque de motivation que les RDH remarquent lors des entretiens d’embauche”, explique Pierre Brossier, qui a supervisé l’enquête annuelle sur les besoins de main d’oeuvre de nos entreprises en Occitanie (BMO). Des embauches promises qui comblent “de plus en plus un important turn over”.

Déficit de 18 130 embauches en Occitanie

Cette enquête, menée comme à l’accoutumée, d’octobre à décembre 2023, sur les projets d’embauche dans la région montre une adéquation avec une atmosphère morose (inflation, Ukraine…) : 261 810 embauches sont prévues en 2024, soit – 6,5 % (- 8,5 % en France) soit un déficit de 18 130 embauches en Occitanie par rapport à 2023 ; dont une bonne partie pour combler ce turn over.

Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail (ex-Pôle Emploi) en janvier 2024 à Montpellier. Photos : Olivier SCHLAMA

Quelque 28 % (deux points de moins qu’en 2023) des 161 000 entreprises enquêtées dont 42 000 ont répondu aux questionnaires disent vouloir recruter dont la majorité en Haute-Garonne et dans l’Hérault mais évidemment ces projets sont en baisse sensible. Et 61 % sont des emplois non saisonniers. On remarque aussi, signe des temps, davantage de CDD de moins d’un mois. Et à peine 51 % de ces embauches annoncées se feront avec un contrat de plus de six mois mais 49 % de moins de six mois ! Autrement dit, une embauche sur deux en Occitanie n’est pas “durable”. “C’est 20 points de moins qu’en 2023”, souligne Pierre Brossier. Certes, une année “faste“.

Prévisions d’embauches fiables

Pour autant, ces prévisions sont fiables. “On constate que huit entreprises sur dix qui envisageaient de recruter l’ont effectivement fait, fait remarquer Pierre Brossier. Mieux : “76 % d’entre-elles ont même embauché davantage de personnes que ce qu’elles avaient prévu ; 13 % moins de personnes et 11 % ont recruté autant de salariés que prévu. Et, ajoute-t-il, 25 % des entreprises qui ne pensaient pas recruter l’ont finalement fait.”

“On préfère investir sur des salariés sur le long terme”

Pour faire face à ce “manque de motivation”, parmi les quelque deux cents métiers auscultés, ce qui aggrave les difficultés de recrutement et amplifie la rotation des salariés, France Travail propose aux entreprises de se « vendre », de mettre en avant leurs conditions de travail pour “attirer les profils intéressants”. DRH du casino Barrière de Toulouse, 4e de France, Aymeric Roudié, confirme : “Nous jouons sur le côté périphérique, en effet. Nous cherchons à recruter 40 personnes actuellement sur un effectif total de 250 ETP ; on aimerait en avoir que 20 à embaucher ; le problème c’est que nous cherchons surtout pour faire face à un gros turn over. On peut recruter. Economiquement, tout va bien. Mais on cherche à fidéliser nos collaborateurs. Et nous travaillons notamment avec France Travail pour avoir des candidatures plus séduisantes (…) On préfère investir sur des salariés sur le long terme.”

Du coup, Aymeric Roudié travaille “sur davantage de transparence sur la construction du salaire ; sur la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) ; nous avons la chance d’être un groupe et de pouvoir déployer beaucoup de choses ; il y a aussi une partie RSE (responsabilité sociétale des entreprises) qui s’inscrit dans la volonté de trouver du sens dans son travail.”

Tester un métier dans l’entreprise

Cyril Sangani et Aymeric Roudié. Ph. FT.

Cyril Sangani ne dit pas autre chose. Directeur de la région Sud, de Montpellier à Toulouse de Goron, 7e société française de sécurité (3 500 salariés, dont 350 en Occitanie), il évoque comme solutions le “renforcement des formations, notamment au niveau du français”. Et de faire en sorte que les gens aient “envie de travailler dans ce secteur d’activité”, sachant que les bras manquent cruellement, ne serait-ce que pour assurer la sécurité lors des JO de Paris, des “défaillances” qui inquiètent les autorités. “Nous avons noué des partenariats avec l’Afpa qui dispose de plateaux techniques pour des montées en compétences des candidats”, reprend Cyril Sangani.

Directeur-adjoint de France Travail en Occitanie, Christophe Carol n’oublie pas de parler d’une tendance : tester un métier dans une entreprise. Mieux qu’une période d’essai ou qu’un CDD d’usage, plus souple, a commenté Aymeric Roudié : “Nous, nous recrutons à 90 % en CDI ! Nous cherchons avant tout à investir dans des gens. Et quand on peut faire dans le solide et le pérenne, on le fait ! C’est plutôt de l’autre côté que ça pêche : les candidats cherchent davantage de contrats courts pour voir comment ça se passe chez nous.”

Aller chercher au-delà des profils en mettant en oeuvre notre méthode de recrutement par simulation”

Alors, là aussi, on cherche à attirer le “client” par des “mises en situation” directement dans l’entreprise. Que cela passe par un stage, une formation, un contrat de professionnalisation, etc., car “75 % des candidats ne veulent pas se “poser” dans l’entreprise”..., assène-t-il. Christophe Carol, de France Travail, rebondit : “Parfois, nous faisons part aux recruteurs de la possibilité d’aller chercher au-delà des profils classiques en mettant en oeuvre notre méthode de recrutement par simulation. Nous avons une ambition forte dans ce domaine.” Il faut aussi travailler sur ce qui n’apparaît plus comme annexe : les freins à la mobilité, au financement du transport pour se rendre à un entretien d’embauche “surtout si le candidat gagne 500 € par mois” ; aux freins face à l’usage du numérique”, etc. Y a du boulot.

Sinon, “62 % des projets de recrutement répondent à une augmentation d’activité et 29 % à des remplacements de départs de l’entreprise”. Toujours selon l’enquête BMO de France Travail, une grande majorité de ces intentions d’embauche sont “concentrées dans les services” avec une baisse notable dans le secteur de la construction (- 4 310, soit – 19,8 %) ou le commerce (-4 270 à -12,6 %).

Les métiers les plus recherchés

Les métiers les plus recherchés, hors saisonniers et artistes et professionnels de spectacle ? Dans l’ordre décroissant : aides de cuisine et employés polyvalents de la restauration ; agents d’entretien ; aides à domicile et auxiliaires de vie ; aides-soignants ; infirmières et sage-femmes ; serveurs de cafés et restaurants ; personnels de ménage ; cuisiniers ; secrétaires bureautiques et assimilés et employés de libre-service.

Plus de moitié des recrutements sont jugés “difficiles

France Travail. Ph. Olivier SCHLAMA

Quant aux difficultés de recrutement, elles sont à la baisse de cinq points (53 %) par rapport à 2023 (à 58 %) ou 2022 (56 %) mais en hausse depuis 2019 (45 %). Là aussi, France Travail le dit clairement : “53 % des recrutements sont jugés difficiles par les employeurs”. Avec, géographiquement, des bassins d’emploi plus ou moins touchés : Rodez, Tarbes, Saint-Gaudens, Beaucaire et Muret forment le top 5 où le taux de difficulté est le plus élevé. Cette enquête annuelle permet à France Travail de travailler en profondeur sur le marché du travail et ajuster des formations, avec notamment la Région Occitanie.

Quant aux métiers où il est le plus difficile d’embaucher, on peut citer : ouvriers et mécaniciens de véhicules ; aides à domicile et auxiliaires de vie ; maçons ; techniciens d’études et de développement en informatique et personnels de ménages chez les particuliers. Les motifs avancés par les recruteurs : ils citent en majorité la pénurie de candidats (89 %) mais aussi des profils inadéquats (79 %) ; les conditions de travail (37 %)…

Face à cela, France Travail mène depuis 2020, explique encore Christophe Carol, une “action recrut” consistant à recontacter les entreprises dont le recrutement n’a pas abouti sous 30 jours ; elle organise des événements de recrutement. etc. L’Occitanie compte 2,194 millions de salariés et 550 290 demandeurs d’emploi et affiche un taux de chômage de 8,9 %.

Olivier SCHLAMA

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