Éoliennes en mer : Les régions littorales tentent de faire passer le courant auprès du public

Alors que le congrès mondial de l’éolien flottant se déroule à Montpellier, les représentants des régions Occitanie, Pays de la Loire, Région Sud et Bretagne défendent une vision d’avenir pour notre souveraineté énergétique. Carole Delga a annoncé un nouveau partenariat avec l’industriel Schlumberger à Béziers pour la création d’un site d’essai. En vue de la mise en place d’une filière branchée sur la production d’hydrogène vert.

Un millier de participants de trente nationalités différentes ; une période où l’intérêt s’accroit pour une technologie balbutiante pour laquelle un vaste débat public s’était d’ailleurs déroulé l’année dernière. Et qui avait conduit récemment l‘Etat à donner son feu vert pour de vastes champs d’éoliennes en mer, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. C’est un mondial qui a le vent en poupe. La 9e édition des Rencontres internationales de l’éolien offshore flottant (FOWT), son nom officiel, co-organisées au Corum de Montpellier jusqu’à demain mercredi par le Pôle Mer Méditerranée et France Energie Eolienne, se tient à un moment charnière.

L’Occitanie, Bretagne, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur font entendre leurs voix

Alors qu’Elisabeth Borne, nouvelle Première ministre, très attendue sur l’écologie, vient d’être nommée avec dans sa feuille de route la transition énergétique et à quelques semaines des élections législatives et de grandes échéances liées à la stratégie énergie-climat du pays (loi de programmation énergie-climat, PPE…), la filière française, soutenue intensément par quatre régions. Les régions Occitanie, Bretagne, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur, là où il y a des projets locaux puissants, veulent faire entendre leur voix au cœur des débats nationaux et renforcer leur visibilité dans la compétition internationale.

Un site pilote en Occitanie

Port-la-Nouvelle : Les éoliennes flottantes, c'est pas du vent !
Port-la-Nouvelle : Les éoliennes flottantes, c’est pas du vent !

Ces quatre régions majeures sur le sujet de l’éolien en mer tentent de faire passer le courant ensemble façon pack. À commencer par Carole Delga. La présidente de la région Occitanie est aussi la présidente des régions de France. Une position privilégiée pour porter la voix de la transition énergétique et plaider pour les fermes pilotes de notre région qui l’on expérimentera au large de Port-la-Nouvelle (Aude) et du Barcarès (P.-O.). “Les régions ont toujours été mobilisées sur l’éolien flottant”, a-t-elle dit lors d’une conférence de presse ce lundi. Lois pluri-annuelle de l’énergie, sur les mobilités…

De l’électricité pour l’équivalent d’une ville comme Sète

Deux sites de production en Occitanie, c’est une question de quelques mois ! Trois éoliennes géantes, capables, à terme, de fournir de l’électricité pour 50 000 habitants l’équivalent d’une ville comme Sète. Les planètes s’alignent pour tenter de “retrouver de la souveraineté énergétique et industrielle”, a encore plaidé Carole Delga. La présidente de la région Occitanie. “Nous avons l’ambition de devenir la première région à énergie positive d’Europe d’ici 2050”, a-t-elle martelé.

La région Occitanie investit 230 M€

éoliennes

Carole Delga a révélé la signature d’un nouveau partenariat avec la société Schlumberger, à Béziers, sur les nouvelles technologies liées à l’hydrogène vert “avec d’abord 8, puis 12 mégawatts et ensuite 20 mégawatts !” Sachant que les éoliennes flottantes participeront à la production d’hydrogène vert, la Région Occitanie investit 230 M€ à la Nouvelle pour permettre construction, assemblage, exploitation et maintenance d’une filière d’éoliennes flottantes d’ici 2026-2027 qui, selon la Région, devrait générer quelque 3 000 emplois à terme.

Le 23 juin, nous allons organiser un grand événement pour expliquer cet enjeu à la population et aux futurs clients internationaux”

Carole Delga

Carole Delga salue ainsi ce “partenariat public-privé à travers une société d’économie mixte dédiée et qui apporte une très forte expertise. Il arrive après un premier partenariat de ce type avec Genvia. Le premier assemblage est prévu pour la fin de cette année 2022”. Elle ajoute : “Le 23 juin, nous allons organiser un grand événement pour expliquer cet enjeu à la population et aux futurs clients internationaux. Ce sujet cristallise ; il y a eu beaucoup d’opposition ; j’ai été critiquée pendant la campagne des régionales…”

Réunion du monde de la pêche à Sète sur le projet d’éoliennes flottantes en Méditerranée le 27 août 2021. Photo : Olivier SCHLAMA

Mais, a-t-elle certifié, “il y a moins d’opposition et elle est moins virulente.” Sans aussi parce qu’une instance de concertation, le Parlement de la Mer (dont la région Sud va se doter également), a servi d’amortisseur et de boîte de dialogue où il y a eu “une très forte concertation”. Et aussi par que Carole Delga avait annoncé la couleur dans son programme pour un second mandat à la tête de l’Occitanie : “La transition écologique y était en bonne position”, rappelle-t-elle, dénonçant la “démagogie de certains”

“On nous avait pris pour de doux illuminés…! On nous aurait envoyé directement à l’hôpital psychiatrique…”

En écho, le président de la commission biodiversité, mer et littoral à la Région Sud (ex-Paca), Christophe Madrolle a annoncé la création prochaine d’une “première ferme éoliennes pilote avec trios machines, à 17 km au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône après dix ans de développement, baptisée Provence Grand Large. On nous avait pris pour de doux illuminés…! On nous aurait envoyé directement à l’hôpital psychiatrique… Aujourd’hui, c’est une réalité qui s’appuie sur une volonté politique.” Lui aussi souligne cette opposition d’une partie de la population et dénonce “un faux procès”. “On a rencontré tous les usagers, les pêcheurs, etc. C’est devenu une priorité et notre façade a tous les atouts pour que cette énergie se développe bien : un mistral, de bonnes conditions au sol, peu de courant, etc.”

Il y a dix ans, les collectivités se battaient pour accueillir ces éoliennes ; les pêcheurs, eux, étaient fous de joie (…) ! Dix ans après, c’est l’insurrection en mer”

Daniel Cueff, vice-président de la Région Bretagne

Du côté de la Bretagne, on grince des dents devant une vraie hostilité de la population. Vice-président, Daniel Cueff n’est pas avare de cynisme : “Le problème en Bretagne, c’est qu’il y a des Bretons… Le temps passe, les projets trépassent… C’est une péninsule, qui a toujours été opposé au nucléaire (…) Il y a dix ans, les collectivités se battaient pour accueillir ces éoliennes ; les pêcheurs, eux, étaient fous de joie, après s’être rendu compte, à Copenhague, que l’on pouvait pêcher avec des éoliennes en mer ! Dix ans après, c’est l’insurrection en mer.”

“À cause des bobards que l’on raconte…”

Des éoliennes flottantes. DR.

Daniel Cueff a son explication : “C’est à cause des bobards que l’on raconte sur cette filière.” Et notamment un bobard qui a la peau dure, relayé par des ONG, comme “Sea Shepperd, selon laquelle, cible Daniel Cueff,  les constructeurs d’éoliennes flottantes seraient autorisés à détruire 59 espèces marines protégées pour les construire, au nom de la marche en avant de la transition écologique. C’est évidemment faux.” Ce qui est prévu c’est justement de construire ces machines “sous réserve de protection de ces espèces” !

“Les coquilles Saint-Jacques qui allaient se faire dévorer…”

Autre “bobard” rapporté par Daniel Cueff, celui d’une “pseudo expérience qui n’avait rien de scientifique menée par la même ONG qui a immergé un câble électrique dans l’eau pour, notamment tenter de prouver que le bruit y était nocif ; je leur ai dit : Ils ont de la chance, les poissons ; nous les discothèques sont fermées ! Ils ont aussi affirmé que les coquilles Saint-Jacques allaient s’ouvrir et se faire dévorer par des prédateurs !”

Les gens favorables à 70 % mais pas dans leur “jardin”…

Photo : Quadran.

Du coup, le projet est au point mort, alors que “dix opérateurs avaient été présélectionnés par l’Etat pour candidater avec une opposition qui monte…” Alors le vice-président de la région Bretagne reconnaît que “les gens sont sincèrement touchés par la présence de ces machines géantes devant leur regard (…) Les gens sont favorables à l’éolien – 70 % approuvent ce projet – mais pas dans “leur jardin”… Nous consacrons 60 équivalents temps plein à cette question dans la baie de Saint-Brieuc…” Et cette région consacre 220 M€ aux énergies renouvelables.

“Beaucoup discuté avec toutes les professions maritimes…”

Vice-présidente des Pays de Loire, Claire Hughes. Celle qui est aussi membre de l’association nationale des élus du littoral ne rencontre pas les mêmes difficultés puisqu’un premier parc éolien, que RTE va raccorder, sera bientôt une réalité. Avec “peu d’opposition”. “Nous avons beaucoup discuté en amont avec toutes les professions maritimes, les collectivités, les citoyens et les retombées économiques sont visibles…” De Saint-Nazaire à Guérande. “Mais on doit rester vigilants jusqu’au bout.”

DG de FEE, Michel Gioria a souligner que, contrairement, aux pays qui bordent la Mer du Nord, il n’y a pas encore d’interconnection possible pour la distribution électrique en Méditerranée entre Espagne, Italie, Baléares, etc. “C’est quelque chose qu’il faudra examiner”, a-t-il dit.

Olivier SCHLAMA

Deux parcs aussi au large de la Nouvelle et Fos-sur-Mer

L’État et RTE décident de poursuivre le projet de créer des éoliennes géantes en Méditerranée, comme nous l’expliquions sur Dis-Leur ! le 8 avril dernier ICI. Et ce, à la suite du vaste débat organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP). La mise en concurrence pour l’attribution de deux parcs éoliens de 250 mégawatts chacun vient d’être publiée au Journal officiel. La Commission du débat public avait organisé plus de trois mois de débat, près de 120 rencontres in situ ou à distance et plus de 2 000 avis et contributions recueillis. L’État et RTE ont donc publié leur décision sur les suites données au projet en retour aux recommandations et demandes de précisions formulées dans le compte-rendu du débat public à retrouver ICI. Et de poursuivre ce projet malgré les réticences générales qui s’étaient clairement exprimées.

Ils seront situés sans doute au large de La Nouvelle (Aude) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Guerre en Ukraine, recherche de l’indépendance énergétique, présidentielle… Le cocktail a eu raison des atermoiements, comme nous l’expliquions. Personne ne s’attendait à une décision aussi rapide. Deux parcs d’éoliennes flottantes géantes – hautes comme la Tour Eiffel ! – pousseront au large de Port-la-Nouvelle (Aude) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) avec l’ambition de couvrir 10 % des besoins en électricité de l’Occitanie et de Paca. On déploiera ainsi 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050.

O.SC.

Dis-Leur ! ce n’est pas du vent !