Réseau BGE : “L’écoute personnalisée”, un atout sérieux pour les “petits patrons”

Aux 30 ans de la BGE Ouest Hérault, au théâtre de l'Ardaillon, à Vias. Ph. Olivier SCHLAMA

La BGE de Béziers-Sète, qui fait partie d’un réseau de 37 Boutiques de Gestion dans l’Hexagone, vient de fêter ses 30 ans. Sans nier les difficultés de la création d’entreprise, sa directrice, Lucie Coulier, explique que les qualités intrinsèques de ce réseau, inscrit dans l’économie solidaire, et où l’on peut être “incubé” et tester son activité en se formant, sont de sérieux atouts pour le béotien.

BGE : trois lettres ont affiché fièrement leur anniversaire, 30 ans, au théâtre de l’Ardaillon, à Vias, jeudi soir, devant un parterre d’élus – notamment Sylvie Pradelle, élue départementale – et de (néo)entrepreneurs. Un rien suranné, le nom fleure bon les années 1990. Mais la Boutique de Gestion de l’Ouest Hérault – c’est son nom – est bien un instrument actuel pour les jeunes entrepreneurs d’aujourd’hui. Simple. Efficace.

“Approche humaine dans l’accompagnement”

Patrick n’en est pas à son coup d’essai mais, cette fois, il a décidé de mettre toutes les chances de son côté. “Pour me lancer et me familiariser avec l’administratif, l’étude de marché, la compta, etc., j’ai choisi la BGE parce qu’ils sont à l’écoute. C’est du sur-mesure.” “Ce qui détermine les gens à venir chez nous plutôt qu’ailleurs, c’est une écoute, confirme Lucie Coulier, directrice de la BGE Ouest Hérault rayonnant de Béziers à Sète (1).

Lucie Coulier, directrice de la BGE Ouest Hérault. Ph. Olivier SCHLAMA

Et de préciser : “Nous proposons une approche humaine dans l’accompagnement. Nous tenons compte de l’environnement personnel du créateur ; c’est aussi la mise en réseau. Nous sommes presque une famille. Et nos valeurs de solidarité et d’humanisme sont dans nos fondements. Être dans l’ESS (économie sociale et solidaire), c’est un plus. Cela nous permet d’afficher nos valeurs. Nous sommes une association en capacité aussi d’accompagner des projets dans l’ESS. Sinon, techniquement, nous sommes équivalents à nos confrères d’autres structures, que ce soient des chambres consulaires ou autres.”

10 000 immatriculations en 30 ans

La BGE Ouest Hérault, qui fait partie des 37 BGE de l’Hexagone, propose des outils efficaces et des formations transversales, formant ainsi le “premier réseau d’aide aux entrepreneurs de France”, a expliqué Rémi le Bouteiller, président de la BGE Sud Ouest et membre du conseil d’administration du réseau national, BGE Réseau. S’il fallait un seul chiffre sur son efficacité : la seule structure héraultaise a enregistré 10 000 immatriculations – surtout des TPE – par ses bébés-entrepreneurs, en 30 ans, affichant un taux de réussite à trois ans de 72 %. Et à cinq ans, avoisinant les 60 % à 65 %.

Les gens ne nous connaissent pas vraiment quand ils arrivent chez nous mais quand la relation avec leur conseiller s’installe, ils vont vite nous recommander…”

Les futurs entrepreneurs sont souvent conseillés par France Travail (ex-Pôle Emploi), le conseil départemental de l’Hérault et par des partenaires bancaires. Et le bouche-à-oreille. “Les gens ne nous connaissent pas vraiment quand ils arrivent chez nous mais quand la relation avec leur conseiller s’installe, ils vont vite nous recommander autour d’eux dès lors qu’ils entendent parler d’un projet de création”, explique Lucie Coulier, directrice de la BGE Ouest Hérault.

Conseils, formations, financement, aides, méthodes, outils… Les incubateurs, accélérateurs, réseaux entrepreneuriaux et autres structures d’aide aux  entrepreneurs se sont multipliés ces dernières années. L’écosystème est riche. Initiative France, Réseau entreprendre, France active, le Bic de Montpellier ou Nubbo, à Toulouse ; il y a aussi couveuses d’entreprises et coopératives d’activité et d’emploi ; les réseaux de cadres retraités (Egee, Pivod, Ecti…) qui aident bénévolement les créateurs. Il y a des groupements de créateurs ; le mentorat. Et donc la BGE qui réunit un peu toutes ces facettes très bien référencé sur BPI France, la Banque publique d’investissement, une émanation de l’Etat.

Accident de la vie, burn out, répit…

Aux 30 ans de la BGE Ouest Hérault, au théâtre de l’Ardaillon, à Vias. Ph. Olivier SCHLAMA

La BGE, pour ne parler que de ce réseau, est un appui technique, une oreille, le temps de se familiariser avec la comptabilité, les démarches, les réseaux, y compris sociaux, etc. Ou de se remettre, par exemple, d’un burn out, comme l’a expliqué Sylvie, une jeune cheffe d’entreprise qui, après s’être fait essorer dans la banque, a créé avec succès une conciergerie présente sur le Cap d’Agde et Béziers et son mari Fabrice, lui, une entreprise de climatisation.

Il y a aussi ceux qui reprennent des forces après un accident de la vie et qui ont retrouvé le souffle suffisant pour le couper au travers de la création, celle, pour Sophie, d’une échoppe de coiffeuse-barbier à Villeneuve-lès-Béziers ; d’autres encore qui, travailleurs handicapés, ont trouvé une “écoute personnalisée” pour construire un nouveau chemin professionnel. Créer un concept store…

On y peaufine son concept ; on y suit des formations…

De plus, la BGE travaille en réseau, notamment dans l’économie sociale et solidaire ; on y retrouve, par exemple des possibilités de prêts. On y trouve des partenaires comme l’Ardie ou la Maaf ou Harmonie Mutuelle. C’est, enfin, la possibilité de relancer une carrière ou de s’en trouver une nouvelle, comme celle liée à un concept store. Ce fut le cas des fondateurs de Dis-Leur ! que nous sommes – sans fond de commerce – et qui ont pu être intégrés durant trois ans à ce que l’on appelle un incubateur d’entreprises : on y peaufine son concept ; on suit des formations ; on y teste son marché ; on y cherche des appuis ; du réseau. Parce qu’une bonne idée n’est pas immanquablement synonyme de réussite !

“Il y a un vrai goût pour l’autonomie et l’indépendance que procure la création d’entreprise”

Des tables rondes se sont succédé. Ph. O.SC.

Lucie Coulier dirige la BGE Ouest Hérault présidée par l’Agathois Vincent Mirande. Est-ce plus facile de créer son entreprise aujourd’hui qu’il y a dix, vingt ou trente ans ? “Oui et non, répond-elle. Oui, parce qu’il y a un vrai goût pour l’autonomie et l’indépendance que procure la création d’entreprise, c’est ce que cela représente. Il y a des futurs entrepreneurs qui réfléchissent beaucoup qui cogitent sur leur parcours avec des idées intéressantes, plus ou moins innovantes. Il y a des idées originales. Je me souviens d’une jeune femme qui est venue nous voir récemment avec un projet de plateforme pour mettre en relation travailleurs saisonniers et entreprises qui sont toujours en recherche de personnels. On a quand même besoin d’activités traditionnelles.” Elle ajoute : “C’est aussi plus facile parce qu’il y a eu une simplification administrative de la démarche, c’est devenu assez fluide et plus facile.”

“En même temps, ce n’est pas si facile que ça…”

En même temps, créer son entreprise, “ce n’est pas si facile que ça. On est dans un contexte économique qui évolue sans cesse, avec des hauts : il y a eu un boum phénoménal d’activité à la sortie de la crise sanitaire du covid où tout le monde était dans les starting-block. Et il y a eu des bas : en 2023, on a à nouveau une vraie “pause” qui peut être même inquiétante avec baisses d’activités et de chiffres d’affaires. Le pouvoir d’achat en baisse ; le contexte international font que les gens sont dans l’expectative ; les entreprises embauchent et investissent moins… Tout le monde est dans la retenue, actuellement.”

Services aux entreprises, commerces, artisanat, bien-être

Quels sont les secteurs d’activités les plus représentés dans cet accompagnement ? “Nous avons beaucoup – environ 40 % des immatriculations – dans le service aux entreprises et aux services aux particuliers. Ensuite, des activités de commerce (20 % à 25 %) et l’artisanat avec le bâtiment et d’autres activités de créations. Et, enfin, des activités libérales autour du bien-être. Et même si le bien-être a le vent en poupe, on est très prudent parce qu’en 2023 il y a eu un net ralentissement de ce type d’activités et de la baisse de leurs chiffre d’affaires.”

Les raisons des échecs

Aux 30 ans d ela BGE Ouest Hérault, au théâtre de l’Ardaillon, à Vias. Ph. Olivier SCHLAMA

Entre 60 % à 65 % de réussite à cinq ans, cela fait quand même, diraient les grincheux, quelque 40 % d’échec. “Les échecs, c’est dû souvent à des personnes qui ne se sont finalement pas assez impliquées sur la prospection commerciale dans un contexte qui s’est tenu et ne se sont pas forcément donné toutes les chances ; il y a aussi des personnes qui se sont positionnées sur des activités qui avaient, à moment donné, le vent en poupe dans leur territoire et qui ne s’est pas poursuivi. Et puis le contexte économique, surtout en 2022 et 2023.”

Y a-t-il un profil-type qui se dégage ? “Les profils sont assez similaires avec parfois des décalages en termes de secteurs d’activités. L’Occitanie est une région très touristique ; on a donc beaucoup d’activités qui gravitent autour de ce secteur-là. Mais dans la région il y a une ruralité non négligeable avec des activités qui se créent. Et, parfois, de manière plus importante qu’ailleurs. Sur notre territoire, qui va de Bédarieux à Olonsac, aux frontières de l’Aude, on a une dynamique parfois plus importante qu’à Béziers. Cela reste des activités traditionnelles, commerce, artisanat, mais il y a des besoins.”

“Il y a les indécis et ceux qui prennent conscience que ce n’est pas pour eux”

France Travail. Ph. Olivier SCHLAMA

Lucie Coulier livre encore : “Notre réseau national a fait faire une étude par le Céreq (le Centre d’études et de recherches sur les qualification est un établissement public) pour mieux cerner les profils des créateurs que nous accompagnons. Pour mieux les comprendre et continuer à être agiles. Des familles de profils ont été identifiées.

Elle dit : “Il y a d’abord deux grandes familles principales : ceux qui n’ont pas encore lancé leur projet et ceux qui l’ont déjà lancé. Et dans chacune d’entre-elles, il y a des sous-groupes : on distingue les indécis, ceux qui sont sur le point de s’immatriculer, et ceux qui, eux, prennent conscience que la création d’entreprise, ce n’est pas pour eux. Chez nous, cela confirme les chiffres : 900 personnes accompagnées et un peu moins de 200 créations, soit environ 25 % de taux de création. Il y a donc un taux d’abandon non négligeable mais pour “de bonnes raisons”, ils se rendent compte que ce n’est pas viable, pas finançable ou ce n’est pas envisageable vu le contexte familial ou autre.”

Les optimistes sont majoritaires

Et dans la famille de ceux qui ont lancé leur projet, on trouve “les optimistes, ceux qui sont sûr que ça va marcher et ceux-là rien ne les arrête. Ils sont majoritaires. Parfois, certains créateurs sont un peu trop fonceurs et ont besoin d’expérimenter pour se rendre compte si cela va ou non marcher. Dans ce même groupe, il y a ceux que l’on pourrait appeler les incertains : ils pensent que leur idée va plaire, fonctionner mais ce n’est pas aussi merveilleux que cela. Sur l’ensemble de créateurs de TPE, plus de la moitié gagne moins ou juste que le SMIC. Ce que confirme l’étude du Céreq qui montre que le niveau de rémunération moyen tourne autour de 1 200 €, 1 400 € ou 1 500 € mensuels.”

Illustration Pixabay

Selon une autre enquête, menée par la Confédération des petites et moyennes entreprises, en effet, un patron de TPE ou de PME sur cinq (20 %) se paie moins de 1 400 € par mois, soit moins que le Smic (1 398,69 € au 1er janvier) un petit tiers (31 %) se paient entre 1 400 € et 2 600 €, soit le salaire moyen dans le secteur privé en 2022, selon l’Insee. Enfin, un quart d’entre-eux gagnent jusqu’à 4 000 € nets par mois. Et le dernier quart émarge au-delà.

Réussir ou pas : cela reste une expérience

Enfin, parmi ceux qui ont créé leur boîte, reprend Lucie Coulier, il y aussi ceux qui “ne sont pas convaincus que c’était la bonne idée. Ils se posent plein de questions et on ne devrait pas les retrouver dans notre taux de pérennité à trois ans.”  En tout cas, cette expérience permet de savoir une chose : créer une entreprise, ce n’est pas pour soi. “Ce qui est sûr, c’est que ceux qui se lancent dans la création d’entreprise en ont marre de l’emploi salarié ; des relations, parfois difficiles, avec leur employeur. Ils cherchent avant toute chose leur indépendance.”

Illustration Pixabay

Lucie Coulier ajoute : “Ce que dit également cette étude, c’est que tous, même ceux qui cessent leur activité ou ceux qui entrent dans des parcours d’accompagnement, sans créer, ils trouvent que cette expérience de la création – même quand elle ne reste finalement qu’à l’état de projet – a été une bonne expérience pour eux. Ils se construisent ou se reconstruisent professionnellement. Ce n’est pas une période dont on ressort amer. C’est une étape dans la vie professionnelle. Ils ne sont pas forcément allés au bout mais ne le regrettent pas.”

À l’origine, ce sont des chefs d’entreprises qui ont eu l’idée de créer ce réseau BGE. En 1979, c’était une opportunité face au fameux choc pétrolier avec un contexte économique complexe. C’est, au départ, un certain Henri Le Marois qui a eu cette idée. Il installa ces Boutique de gestion d’abord dans le Nord. “C’est en discutant avec le conseil départemental de l’Hérault, il y a donc 30 ans, qu’une implantation a été proposée à Béziers, où il avait un vrai besoin.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) La BGE Ouest Hérault, c’est un budget de 1,2 M€, 21 salariés. Elle est financée à 95 % par des aides publiques. Ses principaux financeurs : Région Occitanie en direct et le FSE (Fonds social européen), les services de l’Etat (Dreets, Banque des Territoires, contrats de ville). La BGE propose aussi des formations et des parcours certifiants y compris pour des dirigeants de TPE.

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