Biodiversité : Ces ponts aériens qui sauvent nos écureuils !

(Avec vidéos). Pour la 1er fois en France, l’association Cohab et le département de l’Hérault ont installé un écuroduc complexe, dit “araignée”. C’est le 7e pont aérien  – un câble souple – installé entre des arbres de part et d’autre d’une route accidentogène dans ce département. En Occitanie, le lot et l’Aude ont eux aussi commencé à s’équiper. Une belle idée symbolique de la préservation de la biodiversité !

Un écureuil, c’est ébouriffant. Pas seulement par la présence de cette queue en panache omniprésente. Pas seulement parce qu’on ne sait pas combien ils sont dans certains secteurs. C’est un animal secret, silencieux, l’anti-star des animaux qui n’a rien d’emblématique. C’est un acharné des provisions qui peut voler chez ses congénères – ou ailleurs – jusqu’à 90 % de ses provisions qu’il cache : pommes de pin et d’autres aliments comme des baies et des champignons.

Leur cri de crécelle ne suffit pas à les sauver…

Et pour cela, il fait d’innombrables va et vient, allant jusqu’à traverser des routes, ce qui le met à la merci d’un danger mortel : une rencontre avec une auto. Leur cri de crécelle est caractéristique mais ne suffit pas à les sauver. C’est là qu’interviennent les “écuroducs“, un néologisme qui signifie un pont aérien, fait d’une grosse corde, tirée entre deux arbres, de part et d’autre d’une route. Il en coûte 5 000 € HT pour chacun de ces dispositifs auxquels il convient d’ajouter quelque 3 400 € de suivi par an.

Un écuroduc “araignée”, pour la première fois en France

Pour la première fois en France, un écuroduc multiple “araignée” – avec un écuroduc principal, une grosse corde reliant deux arbres de chaque côté d’une route, au-dessus de la route et ensuite d’autres arbres sont reliés pour faciliter le déplacement des écureuils par les arbres – a été installé mardi 24 janvier sur la RD 36, à Cruzy, dans l’Hérault, à proximité du château de Sériège. C’est l’oeuvre du département de l’Hérault depuis 2017 et de l’association Cohab qui, au total, en a installé 21 dans tout l’Hexagone. 

7e structure installée dans l’Hérault

Ecuroduc de Cruzy. DR

Lucie Yrles, cofondatrice de Cohab dit : “Un écuroduc, c’est un pont aérien suspendu entre deux arbres. À Cohab, nous sommes spécialisés depuis 2019 dans les passages à faune et d’écuroducs. Dans ce département, c’est la 7e structure qui est installée pour diminuer la mortalité des écureuils. Les routes fragmentent leur domaine vital et pas mal d’écureuils, qui se déplacent pour se nourrir, se reproduire ou pour aller boire, se retrouvent écrasés. Certains secteurs, des zones dites “noires”, notamment des milieux boisés et/ou quand il y a un cours d’eau à proximité, sont très empruntés et donc très dangereux pour eux.”

Valflaunès, Montagnac, Villeveyrac, Montouliers, Bessan…

Pour bénéficier d’un écuroduc, il faut que le milieu coche quelques critères dont une certaine surmortalité due aux trafic routier. Ce sont les agents des routes qui, via une application professionnelle, les recensent. “Nous travaillons aussi avec d’autres associations naturalistes, comme la LPO, qui nous font remonter des infos”, précise Lucie Yrlès, une ancienne responsable, avec sa collègue Maëlle Kermabon, du centre de soins de la LPO Hérault. C’est ainsi qu’un lieu a été équipé d’un écuroduc à Valflaunès, entre l’Hortus et le Pic-Saint-Loup ; deux autres ont été placés près de l’abbaye de Valmagne ; l’un sur la commune de Montagnac, le second à Villeveyrac.

“Les écureuils doivent s’habituer à ces dispositifs…”

Il y en a encore un autre à Montouliers, à la frontière avec l’Aude, et deux derniers à Bessan et à Lagamas, près de Saint-Jean-de-Fos. Lucie Yrlès confirme que “certains de ces équipements sont efficaces ; certains ne le sont pas encore : les écureuils doivent s’habituer à ces dispositifs ; et rarement cela n’est pas efficace comme à Montoulier : on ne voit plus d’écureuils au piège photo. Dans cette zone, il y a eu un gros incendie ; on se demande si celui-ci qui s’est arrêté à 80 mètres de l’écuroduc n’a pas porté préjudice à cette population…” Plus généralement, “il y a une phase d’apprentissage assez longue pour les rongeurs”. L’association utilise même provisoirement des mangeoires pour les attirer dans ce circuit sécurisant.

“Action très symbolique en faveur de la biodiversité…”

Ecuroduc à Lagamas. DR

C’est une action très symbolique en faveur de la biodiversité, dit pour sa part Philippe Vidal, vice-président du département de l’Hérault. Il arrive que des routes coupent en deux des bois, des bosquets, des zones faunistiques. Chevreuils ou sangliers arrivent très bien à les traverser. C’est plus problématique pour les petits animaux comme les écureuils. Et on a trouvé qu’avec une simple corde adaptée ; avec des tendeurs cela leur permet de traverser les routes problématiques en passant par les arbres. Au lieu de conduire l’eau comme le fait un aqueduc, on a appelé ça un écuroduc. Du gros gibier au lapin, tous les animaux traversent sans problème. Parmi les petits animaux, il n’y en a qu’un qui a très peu de chance de survivre longtemps quand une route traverse son territoire, c’est l’écureuil.”

Dans le Lot et dans l’Aude aussi

Il n’y a pas que le département de l’Hérault qui s’équipe : “Nous avons aussi installé quatre écuroducs dans le Lot (Cajarc, Vers-en-Géry, Payrignac et Lamothe-Fenelon) et un dans l’Aude à Cuxac-Cabardès dans le cadre d’un budget participatif.”  Ailleurs, en France, cet équipement “commence à se développer, notamment au travers des plans gouvernementaux des trames vertes (tout se qui se rapporte au végétal) et des trames bleues (les cours d’eau)”, une démarche qui vise à maintenir et à reconstituer un réseau d’échanges pour que faune et flore puissent comme l’homme circuler, s’alimenter, se reproduire… Vivre.

Olivier SCHLAMA

  • Cohab est une association qui “développe des solutions pour permettre aux aménageurs d’intégrer la biodiversité en milieu urbain. Les aménageurs peuvent être publics ou privés, des collectivités, des promoteurs, etc. On travaille donc entre autres sur les passages à faune : hérissons, écureuils. On a aussi développé toute une gamme de nichoirs spécifiques qui s'(encastrent dans les bâtiments ou qui sont bioclimatiques : on peut les poser en façade mais à l’intérieur la température ne monte pas trop, ce qui est intéressant en période de canicule et notamment pour les oiseaux”.
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