La LPO cherche 2000 volontaires : Comptons les hérissons, sentinelles de la biodiversité !

Photo : Eric Penet

Très résistant mais subissant toutes sortes d’avanies, le hérisson est un très bon indicateur de biodiversité. Si la population de cette espèce protégée régresse, d’autres populations d’animaux moins costauds auront suivi la même voie. D’où l’importance de cette vaste enquête inédite.

“Ça laisse de petites empreintes ; de tout petits ovales de 2 cm2. Comme un chat mais plus minuscule et sans laisser de poil qu’ils n’ont pas !” Un hérisson, c’est mignon. Pas bougon. Les “petits visiteurs du soir” comme les nomme Aline Kalksztein, une institutrice à la retraite habitant une zone pavillonnaire d’Anthony, au Sud de Paris, ne manquent jamais à l’appel. “Chaque année, ils sortent d’hibernation et traversent mon jardin et ceux de mes voisins. Chez nous, ils sont toujours aussi nombreux dès le mois de mars, avec ou sans progéniture ; on a l’impression que la population n’est pas menacée…” Et pourtant, elle l’est. Ne serait-ce que par les collisions sur la route avec des voitures, comme Dis-Leur vous l’avait expliqué ICI. 

Evaluer la santé de la population de hérissons

Aline Kalksztein fait partie du millier de Français participant déjà à cette vaste enquête participative lancée en juillet 2020 et relancée il y a quelques jours par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) pour évaluer la santé de l’espère. À chaque saison, donc quatre fois dans l’année, elle posera ce tunnel pour tenter d’évaluer la population de hérissons. La retraitée de l’Éducation nationale, “forcément sensible à ce genre de recensement”, a été “recrutée” indirectement à l’occasion d’un Mooc qu’elle regardait et qui a abordé cette enquête. “Pour me rendre utile”, elle a donc installé un tunnel fourni par la LPO, association de défense de la faune sauvage, pour tenter de relever les empreintes de ces animaux nocturnes. Pour faire de même, il y a un site dédié ICI. 

J’en ai eu dès la première nuit ! On doit faire des relevés sur cinq nuits d’affilée et ce toutes les six semaines”

Aline Kalksztein, observatrice volontaire
Ph. Martine Seguinot

Quand ils viennent dans le tunnel, attirés part l’odeur des croquettes pour chats, les hérissons foulent une encre naturelle à base de charbon et d’huile alimentaire qu’elle a déposée et laissent leurs traces sur une feuille blanche. “J’en ai eu dès la première nuit ! On doit faire des relevés sur cinq nuits d’affilée et ce toutes les six semaines.” Car c’est une enquête massive et au long cours. Une vingtaine de nuits par an, elle posera donc ce tunnel. Elle ne lui restera plus qu’à photographier les empreintes et les publier sur le site de la LPO pour validation par les autres participants.

Rien que dans le centre de soins de la LPO dans l’Hérault, en 2020, on a soigné 250 hérissons blessés recueillis par des particuliers”

Marjorie Poitevin, responsable mission hérisson à la LPO

Espèce protégée depuis 1981, le hérisson est un animal discret. Il vit sa vie de confiné volontaire l’hiver. Au printemps, il sort d’hibernation et se déplace pour reprendre des forces et trouver un partenaire de reproduction. C’est donc la période idéale pour l’observer. Et faire les comptes. Pour l’instant impossible à faire. Comme l’explique Marjorie Poitevin, responsable de la mission hérisson à la LPO. “Rien que dans le centre de soins de la LPO dans l’Hérault, en 2020, on a soigné 250 hérissons blessés recueillis par des particuliers”, précise-t-elle. “Mais nous n’avons aucun chiffre pour savoir si sa population est stable, en régression ou en progression.”

“En Grande Bretagne, la baisse des populations de hérissons est de 30 % en zone urbaine et de 50 % ailleurs”

Dispositif d’enquête. Ph. Antoine Meunier

On a quand même une petite idée de la tendance : en Grande Bretagne, une enquête sur 20 ans a montré une situation catastrophique : “Là bas, on assiste à une baisse des populations de hérissons de 30 % en zone urbaine et péri-urbaine et de 50 % en zone agricole.” On retient souvent que le placide hérisson se retrouve percuté par une voiture. L’image marque les esprits mais elle n’est pas la principale cause. Le hérisson subit toutes sortes d’avanies : “La première cause qui l’atteint, c’est la disparition de son habitat habituel”, avec des forêts par trop grignotées par l’urbanisation ou le déboisement massif, la suppression de haies protectrices… Les produits phytosanitaires anti-insectes, limaces, etc., tuent également le hérisson qu’i s’en nourrit même s’il peut aussi manger des fruits, des oeufs d’oiseaux voire des cadavres. Il y a bien sûr de mauvaises rencontres avec des tondeuses, des “rotofil”, des accidents avec des chiens…

L’enquête durera dix ans

Le tunnel. DR.

“Il n’y a aucune nécessité d’une quelconque compétence. Les participants peuvent même construire eux-mêmes ce tunnel à empreintes. On peut le poser dans son jardin, une cour d’école – instits et écoliers aiment participer – voire carrément dans le milieu naturel.” Attention, le protocole s’étend sur plusieurs années. “Nous aimerions que ces relevés se fassent sur dix ans”, confie Marjorie Poitevin, responsable de la mission hérisson à la LPO. Le hérisson est un très bon indicateur de la biodiversité. “Il est présent partout sur le territoire national. C’est un animal résistant, résilient vis-à-vis de certaines toxines, des parasites et pas mal de choses. Si sa population régresse, cela signifie, aussi, indirectement que d’autres populations font de même comme les belettes, les fouines, les écureuils, etc.”

Olivier SCHLAMA

En nature avec Dis-Leur !