Agroforesterie : L’arbre, meilleur ami de l’entreprise soucieuse de la planète

Ce bureau d'études, devenu coopérative labellisée Esus (Entreprise solidaire d'utilité sociale), a lancé un programme original, voici un an, baptisé 20 000 Pieds sur terre, clin d'oeil à 20 000 lieux sous les mers de Jules Verne. C'est un parrainage d'arbres qui n'a rien d'accessoire ou de futile. Photo : Denis Florès.

Compenser sincèrement son empreinte carbone en replantant des arbres ; apporter sa pierre à la lutte contre la révolution climatique : ce volontarisme entre dans les moeurs. Il existe de nombreux programmes. Dont un dans la région d’une Scop, gardoise, Agroof : 20 000 Pieds Sur Terre, réussissant à agréger en quelques mois une quinzaine d’entreprises marraines. Déjà 1 700 arbres plantés en un an et le double sans doute d’ici 2022 !

Longtemps, on n’a cessé de couper les arbres, monoculture et remembrements du siècle dernier obligent. Aujourd’hui, au lieu de les bannir, on les replante. Ainsi vont les époques. Cela porte un nom savant : agroforesterie, qui est même devenue une science. C’est le fait de remettre des arbres au sein des exploitations agricoles, dans la production de fruits et légumes, au coeur de vignes, mais aussi au coeur d’un élevage : les arbres apportent aux animaux une protection au soleil et au froid. Certains de ces arbres peuvent être fourragers pour nourrir les animaux. Un arbre de vie !

Les arbres se replantent dans les haies…

Noyer, cormier, olivier… À chaque arbre sa culture pour potentialiser le mariage qui éviter érosion et appauvrissement des sols et jouera son rôle dans la révolution climatique. Associer des arbres aux cultures et aux pâturages, c’est vieux comme le monde. Les porcs noirs de Bigorre sous les arbres, le bocage breton ou encore les prés vergers normands… sont des élevages ancestraux. Revenus en grâce, les arbres reprennent leur place en bord de champ, dans les haies… dans les règles de l’arbre…

Diminuer les traitements, stocker le carbone…

Agroforesterie. Ph. Agroof

Avec des avantages dont salive notre époque : l’arbre permet de diminuer ou de se passer des produits phytosanitaires (traitements et engrais) ; de mieux gérer les apports en eau ; à maintenir une certaine biodiversité à une meilleure gestion des ressources en eau, à la préservation de la biodiversité, à stocker du carbone, à la qualité des sols, au bien-être animal, ainsi qu’à la diversification des revenus agricoles. C’est aussi un outil d’adaptation au changement climatique (qui impacte très fortement le milieu agricole). La panacée !

Quelque 150 projets d’agriculteurs menés

Dans le Gard, à Anduze, Agroof est justement spécialiste en agroforesterie depuis plus de 20 ans (1) avec plusieurs domaines d’activité : de la recherche, de la formation, du conseil. Employant onze salariés, Agroof est sollicité par des agriculteurs intéressés par cette démarche écologique. “Nous les conseillons pour mettre en place chez eux un système agro-forestier ; pour savoir quels arbres sont à planter ; comment ; en fonction de quels objectifs ; on les aide dans les dossiers de financements ; sur les aides à trouver.” Bref, c’est du clef en main. “Quelque 150 projets d’agriculteurs ont été accompagnés directement (arbres plantés et suivis) ces dernières années, représentant plus de 30 000 arbres plantés et suivis. Une trentaine de projets de recherche ont été menés. Et une cinquantaine de formation se tiennent chaque année”, résume Virginie Sanfelieu, d’Agroof.

Ce bureau d’études, devenu coopérative labellisée Esus (Entreprise solidaire d’utilité sociale), a lancé un programme original, voici un an, baptisé 20 000 Pieds sur terre, clin d’oeil à 20 000 lieux sous les mers de Jules Verne. C’est un parrainage d’arbres qui n’a rien d’accessoire ou de futile.

Pas question d’opération de greenwashing

Agroforesterie. Ph. Agroof

La Banque populaire, comme Dis-Leur vous l’a expliqué offre la possibilité à chaque nouveau client d’investir dans la plantation d’arbres, les Magasins Truffaut de Nîmes et Montpellier, BRL, ErgoSanté, le Groupe Frelin… Une quinzaine d’entreprises, toutes conscientes de l’enjeu, sont “marraines” de ce programme, sans en faire du ripolinage, jure Virginie Sanfelieu. Et d’autres entreprises, qui écartent leur intention de faire du greenwashing, sont “en très bonne voie de contractualisation d’engagement avec Agroof”. Il y en a pour tous les budgets. La fourchette des soutiens va de 310 € à plus de 10 000 €. L’équivalent de 1 700 arbres et une trentaine de journées de recherche ont été financés par des entreprises partenaires.

“Un programme de parrainage local sincère et écologique”

Les entreprises comme ce bureau d’étude se disent à l’opposé du greenwaching, de l’affichage pour juste des raisons de communication. “Celles qui veulent juste faire de la com’ ne se retrouveraient pas dans notre programme, spécifie Virginie Sanfelieu. Et nous les recherchons pas. Nous n’avons pas fait ça pour faire de l’argent. Ces entreprises veulent faire quelque chose de positif sur leur territoire. C’est un programme de parrainage local sincère et écologique, accessible pour toutes les tailles d’entreprises. Il faut qu’elles aient préalablement un engagement RSE et que les valeurs soient partagées.”

La spécialiste renchérit : “C’est aussi l’occasion de créer des liens entre deux mondes qui se connaissent mal voire qui s’ignorent : les agriculteurs – souvent des jeunes qui ont repris l’exploitation familiale et veulent produire autrement – et les entreprises. Ce parrainage soutient des agriculteurs en œuvrant pour faire évoluer leurs pratiques vers plus de résilience ; c’est aussi un apport pour toute la société”. Cela évoque en creux la gestion de l’eau, le réchauffement climatique, etc.

Agroforesterie. Photo : Agroof

Avec Ovea, on a eu un très bel échange sur la compensation carbone…”

Virginie Sanfelieu cite une entreprise partenaire “exemplaire” : Red and white mobilité qui propose un service de réservation de voitures avec chauffeur pour entreprises et collectivités. Qui utilise des véhicules éco-responsables. Les gens réservent en ligne. Aux antipodes d’Uber, affirment-ils : “Ils veulent que les chauffeurs soient payés correctement, par exemple, et mobilisent au moins désormais 1 % de leur chiffre d’affaires pendant trois ans pour parrainer des arbres. Cette année, cela a été de 1,7 %.” La directrice du programme cite également Ovea, à Montpellier, qui héberge des serveurs professionnels. “Cette PME locale a beaucoup travaillé sur son impact carbone et recherchait à compenser ce qu’elle produit. Ce sont eux qui nous ont trouvés, ils cherchaient un acteur local. On a eu un très bel échange sur la compensation carbone.” 

“Une action locale, durable et vérifiable…”

Agroforesterie. Ph. Agroof

Agroof revient sur son initiative 20 000 Pieds sur Terre : “Notre programme se démarque par rapport à d’autres car il permet une action locale, durable et vérifiable : les arbres sont sélectionnés parmi des espèces locales (le plus souvent de la marque de l’Office Français de la Biodiversité Végétal local) dont nous sommes correspondants pour la zone méditerranéenne et nous travaillons avec des pépiniéristes locaux…) Ils sont plantés selon les règles de l’art (protections, paillages…) et suivis durant des années par nos experts. Les entreprises sont invitées à rencontrer les agriculteurs soutenus, à participer aux plantations, à suivre les arbres plantés, à visiter nos sites d’expérimentation.”

“Le travail d’Agroof est très vertueux”

“Le travail de Agroof est très vertueux”, précise le Montpelliérain Christian Dupraz, chercheur à l’Inrae et président de la toute nouvelle association internationale d’agroforesterie. Les projets de plantations font florès et se comptent sans doute en dizaines de milliers en France. “Mais on ne sait pas combien il y a de projets de plantations en France ; c’est très compliqué, il n’y en a pas d’organisme qui centralise cette donnée ni de label”, précise-t-il.

“Se méfier de certains opérateurs, notamment espagnols”

Ph Michel FERNANDEZ

Christian Dupraz confirme que “certaines entreprises sont conscientes des enjeux et participent sincèrement à des projets de plantations au milieu de cultures et donc là les arbres sont surveillés et entretenus.” Il affirme aussi que pour certaines autres il s’agit “juste de mobiliser des fonds mais que cela ne représente que 1/4 ou un 1/10e du chemin à parcourir : planter, ça dure une minute. Or, il faut s’occuper des arbres pendant longtemps ; un arbre ça vit 100 ans. J’ai vu tellement de plantations mortes après cinq ou dix ans… Dans les années 1980 à 2000, en Languedoc-Roussillon, sur 10 hectares d’arbres plantés, neuf hectares étaient morts au bout de 20 ans. Il faut aussi faire attention à beaucoup d’intermédiaires ou de sociétés peu scrupuleux, notamment des opérateurs espagnols…”

Olivier SCHLAMA

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