Cette proposition de loi entend “répondre aux besoins exprimés par des filières agricoles.” Elle prévoit notamment de modifier les règles encadrant l’usage de certains pesticides, en particulier l’acétamipride (*) pour certaines filières “aujourd’hui dans l’impasse” (noisettes, betteraves). Des dispositions portent aussi sur les projets d’élevage et de bassines agricoles et les contrôles de l’Office français de la biodiversité. Autant de dossiers sur lesquels députés, syndicats d’agriculteurs et organisations de défense de l’environnement s’affrontent sans ménagement…
Ultime étape du périple législatif (certains évoquent une “course d’obstacles”), ce mardi 8 juillet, pour la “Loi Duplomb” qui vise pourtant un objectif propre à faire consensus : “lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.”
Une étape importante avait été franchie avec l’aval de la commission mixte paritaire (CMP), composée de sept sénateurs et sept députés, il y a tout juste une semaine. La CMP a largement voté pour le texte “de compromis” avec 10 voix pour et quatre oppositions. Le vote par le Sénat, à majorité de droite, n’ayant été qu’une formalité (adopté à 232 voix contre 103), c’est maintenant aux députés de conclure par un vote définitif le 8 juillet.
“Un signal fort, attendu et nécessaire, adressé à nos agriculteurs. Je salue l’engagement des parlementaires qui ont œuvré à cette convergence” a tenu à commenté la ministre de l’Agriculture (et de la Souverainetét alimentaire) Annie Genevard sur son compte X.
Régles européennes : le problème de la “surtransposition” par la France
Mais tous ne partagent pas cet enthousiasme. Notamment à propos de l’autorisation (certes encadrée) des néonicotinoïdes, interdits en France depuis 2018 mais toujours autorisés par l’Union européenne. les agriculteurs français jugent ainsi être victimes d’une concurrence déloyale face à leurs voisins (Allemagne, Pologne, Finlande, République Tchèque…) qui ont le droit des les utiliser jusqu’en… 2033.
Exemple parfait de la “surtransposition” par la France des règles européennes, systématiquement dénoncée par les agriculteurs. Celle-ci, si elle suscitait l’enthousiasme des ONG environnementales, a bien failli détruire définitivement la filière betteravière fançaise.
Les néonicotinoïdes, ces pesticides “tueurs d’abeilles”

Rappelons cependant que les néonicotinoïdes sont fortement soupçonnés d’avoir un impact négatif sur la santé humaine et qu’ils sont en tout cas définis comme toxiques pour les pollinisateurs, au point de mériter le surnom de “tueurs d’abeilles.” Ce qui explique que les apiculteurs soient très majoritairement opposés à leur utilisation.
Les autres points polémiques du projet de loi qui sera définitivement discuté au Parlement ce mardi concernent l’extension ou la création de bâtiments d’élevage intensif et le sujet très sensible du stockage de l’eau (avec notamment les mégabassines) et de l’irrigation dans un contexte de raréfaction de la ressource liée au changement climatique.

Loi “toxique” pour les uns, “texte essentiel” pour les autres
Les ONG environnementales, la Confédération paysanne et la gauche parlemebntaire sont opposés à cette loi. Les plus radicaux dénonçant “une loi rétrograde et anachronique au regard des défis que l’agriculture doit relever (…) une loi toxique pour l’agriculture, pour l’environnement et pour la santé publique, qui implique des reculs majeurs en matière de régulation de l’usage des pesticides.”
La FNSEA (dont le sénateur Duplomb est un ancien cadre) et les Jeunes agriculteurs (JA) défendent eux ce projet de loi au nom de la souveraineté alimentaire et estiment que “ce texte est essentiel pour répondre aux attentes des agriculteurs et apporter des solutions concrètes aux crises qu’ils traversent notamment sur les surtranspositions en matière d’utilisation des produits phytosanitaires, sur la simplification pour les éleveurs, sur le développement de l’assurance prairie, sur l’accès à l’eau dans un contexte de changement climatique, ainsi que sur la priorisation des actions de l’Anses pour lutter contre les impasses.”
La Coordination rurale, y est également favorable, sa présidente Véronique Le Floc’h ayant rappelé, en mai, devant des députés qu’il est essentiel de “permettre à notre agriculture de rester compétitive et durable, c’est préserver des milliers d’emplois, soutenir nos territoires et contribuer positivement à notre balance commerciale.”
Dernière étape ce mardi 8 juillet, avec des débats houleux à prévoir;..
Philippe MOURET
(*) Le texte revient sur la réglementation concernant certains pesticides. Il prévoit en particulier de réintroduire “à titre exceptionnel, sous plusieurs conditions, et pour un temps limité par décret” un néonicotinoïde, l’acétamipride. Cette substance, autorisée par l’Union européenne jusqu’en 2033, a été interdite en France en 2020. La commission mixte paritaire a assorti la ré-autorisation de l’acétamipride de plusieurs aménagements, comme une clause de revoyure au bout de 3 ans ou encore l’interdiction de planter, sur les parcelles préalablement traitées, des végétaux qui attirent les pollinisateurs.
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