Le monde agricole en colère. Selon un rapport de la Cour des comptes, le bilan de l’élevage bovin pour le climat est “défavorable” et la France ne pourra pas respecter ses engagements environnementaux sans “une réduction importante du cheptel.” A l’heure où le pays perd régulièrement des miliers de bêtes (-10% en six ans) et où l’on parle d’autonomie alimentaire, on peut se demander si les “sages” ne sont pas tombés sur la tête…
Dans un document de 137 pages, la Cour des comptes rappelle en premier lieu que “l’élevage bovin demeure, de loin, l’activité agricole la plus subventionnée en France.” (4,3 Md€ d’aides publiques par an).
La France contrainte par ses engagements internationaux
Reconnaissant cependant que “les activités des éleveurs rendent d’autres services sociétaux et environnementaux de première importance : valorisation de terres non arables, guère utilisables à d’autres fins que le pâturage, maintien des paysages ruraux qui contribuent à l’attractivité de notre territoire, maintien d’une activité économique dans la France rurale et contribution à une agriculture durable au travers des cycles des matières…”
C’est ensuite que le couperet tombe : “… Le bilan de l’élevage bovin pour le climat est défavorable. Malgré certains effets de réduction des émissions de gaz à effet de serre (…) globalement les émissions restent toujours très importantes, principalement en raison du méthane produit lors de la digestion des animaux. L’élevage bovin est ainsi responsable en France de 11,8 % des émissions d’équivalents CO2 (…) Le respect des engagements de la France en matière de réduction des émissions de méthane (souscrits dans l’accord international Global Methane Pledge) appelle nécessairement une réduction importante du cheptel.”
Bruno Le Maire sur twitter avait amorcé la colère
Pour le milieu agricole et les éleveurs bovins en particulier, la coupe est pleine. Il y avait déjà eu la polémique entourant les propos du ministre de l’Economie Bruno Lemaire lors de sa visite sur le plus grand site français dédié à la production de “viande” végétale.
Lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée, le député LR Xavier Breton, a interpellé Élisabeth Borne : “À quoi cela sert-il d’aller au Salon de l’agriculture pendant de longues heures, à la rencontre de nos éleveurs si c’est pour mieux les poignarder dans le dos ?” a-t-il interrogé la Premier ministre, à propos du rapport de la Cours des comptes et sur les propos de son inistre de l’Economie (ancien ministre de l’Agriculture), Bruno le Maire, notamment sur twitter (ci-contre).
Nous voulons savoir
ce que vous planifiez, vraiment,
pour l’avenir de notre secteur.”
De son côté, la Fédération des producteurs de viande bovine (FNB), section spécialisée de la FNSEA (le premeier syndicat agricole) interpelle Elisabeth Borne à travers une lettre ouverte, lui demandant : “Nous voulons savoir quel avenir votre gouvernement entend réserver à notre secteur, à nos territoires, à nos entreprises, à nos métiers, à nos familles, et quelle réponse il entend donner à l’enjeu majeur de souveraineté alimentaire.”
“Nous, éleveurs de bovins, sommes très conscients de la nécessité d’une action politique globale et transversale pour lutter contre le changement climatique (…) nos vaches, en France, sont encore nourries principalement avec de l’herbe. C’est cette spécificité -de plus en plus rare, à l’échelle de la planète- qui nous rend particulièrement vulnérable aux sécheresses : lorsque l’herbe brule, nous perdons à la fois l’alimentation de notre troupeau pour l’été et nos réserves de fourrages pour l’hiver. Mais c’est, aussi, cette spécificité qui rend notre modèle d’élevage bovin français si durable…” souligne la FNB.
Près d’un million de vaches perdues en 7 ans
Et la Fédération de rappeler : “Nous avons perdu près de 3 millions de vaches, soit quasiment 30 % de notre cheptel en 60 ans et cette décroissance ne cesse de s’accélérer : la perte s’élève à près de 1 million de vaches sur les seules 7 dernières années. Mais selon la haute administration, nos vaches ne disparaitraient pas assez vite des paysages français ? Et la France devrait donc faire de la suppression de nos troupeaux et de nos prairies son principal levier pour atteindre ses objectifs climatiques ?”
Pour François-Xavier Huard (directeur général de la Fédération des transformateurs laitiers) “la baisse du cheptel n’est pas une fatalité ! (…) Oui nous avons besoin d’un élevage laitier en France.”
Alors, oui, en digérant, les vaches produisent et rotent du méthane. Beurk ! De quoi faire plisser le nez à quelques hauts-fonctionnaires. Mais une diminution drastique du cheptel bovin français a des chances d’entraîner une forte augmentation des importations de viande, dont il serait sans doute intéressant d’analyser le bilan carbone.
Il faut planifier et non pas subir
Comme le soulignait récemment (début 2023) dans un rapport l’Institute for Climat Economics (I4CE) : “La réalité est que la baisse du cheptel est déjà en cours et devra se poursuivre (…) avec un impact environnemental qui est finalement très éloigné de ceux que certains espéreraient” et de souligner “des conséquences sociales pour les éleveurs (…) Un impact environnemental finalement pas si bon car la consommation de viande ne suit pas. On va vers du plus et moins bon là où il faudrait du moins et mieux (…) La conséquence : une augmentation des importations et une faible valorisation des filières durables.”
En effet, face au recul de la production française, les importations de viandes bovines ont bondi de plus de 23% en 2022 par rapport à 2021. Et cette tendance se poursuit sur les premiers mois de 2023.
Philippe MOURET
L’élevage bovin en Occitanie
Selon Agriscopie 2021, avec près de 504 000 vaches nourrices en 2019, l’Occitanie dispose de 13% du cheptel national. L’élevage bovin viande représente une des principales activités agricoles de la région : une exploitation sur 7 est spécialisée dans cette activité et plus d’une sur 5 possède des bovins.
La production est principalement concentrée dans le nord de la région (Aveyron, Lozère, Tarn) et dans le piémont pyrénéen. La race Limousin domine (28% des effectifs) suivie de la Blonde d’Aquitaine (19% des effectifs). On note une forte progression ces dernières années de la race Aubrac, en troisième position, avec 18% des mères en 2019.
Le cheptel de mères a diminué de 5% depuis 2011 alors que le nombre d’animaux vendus a, lui, diminué de 10%. La région produit 6% de la viande bovine nationale. La filière bovin viande régionale se caractérise par une production sous signe officiel de qualité importante. Ainsi, près d’une exploitation spécialisée sur cinq produit sous SIQO. L’Occitanie est par ailleurs la première région française en production bovine AB.
En 2019, la région Occitanie comptabilisait près de 120 300 vaches laitières pour une production de 702 millions de litres de lait soit 3% des volumes nationaux. La production est concentrée dans le sud du Massif Central (Aveyron, Lot, Lozère et Tarn) et dans les Pyrénées pour une plus faible part.
Depuis plusieurs années, l’activité laitière est en perte de vitesse. Cette diminution est contrastée suivant les départements. Au cours des dix dernières années, elle a diminué de plus de la moitié pour les départements du Gard (-87%), du Gers (-63%) et de l’Aude (-57%). Pour les départements de la Lozère, du Tarn et du Lot, la baisse de production est plus faible bien qu’importante (de -30 à -14%). Depuis 2015, la production est aussi orientée à la baisse pour l’Aveyron, département traditionnellement moteur.
Référence : Chambre d’Agriculture d’Occitanie https://occitanie.chambre-agriculture.fr/productions-techniques/elevage/
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