Le Président de la Chambre régionale d’Agriculture d’Occitanie, Denis Carretier et sa nouvelle directrice, Cécile Vaugelade, avaient convié des représentants de l’Etat, de la Région, des Agences de l’Eau, et du monde agricole régional, afin d’évoquer le problème crucial de la gestion de l’eau. L’objectif étant d’anticiper les conséquences dramatiques du changement climatique “pour le monde agricole, mais aussi pour tous les habitants de la région.”
Denis Carretier a tenu à rappeler en préambule que “le climat actuel et les projections à horizon 2050 sont alarmantes pour l’Occitanie” (source Météo France). Ainsi, sur la période d’avril à octobre 2022, on a enregistré un record de température moyenne ainsi qu’un record de déficit de précipitation avec – 42 % soit – 225 mm. “Avec +1,5°C de température moyenne à horizon 2050, avec des cumuls annuels de précipitations stables ou en légère baisses. Mais une accentuation des sécheresses estivales et des pluies intenses…”
Une nécessité pour renforcer la capacité de production
Ces conditions climatiques, auront (ont déjà !) des retombées directes sur l’agriculture et sur l’Occitanie, première région agricole de France, avec plus de 60.000 exploitations agricoles et 3 millions d’hectares (*). La diversité de ses paysages confère à la région une très grande variété de productions et pratiquement toutes les filières agricoles sont présentes sur le territoire…
Face à ce que semble préfigurer l’évolution climatique de 2022, la Chambre régioale d’Agriculture a élaboré un scénario pour “une agriculture productive et territorialisée.” Cette vision prospective prévoit “un renforcement de la capacité de production de l’agriculture régionale, pour répondre à l’ambition d’une “ferme occitane” forte sur le plan économique et social tout en mettant en œuvre des pratiques nouvelles pour répondre aux enjeux des transitions climatiques, énergétiques et agroécologiques.”
Les efforts entrepris ne suffiront pas
Denis Carretier a rappelé “les tensions extrêmes sur l’alimentation en eau potable des hommes et des animaux d’élevage, notamment dans les territoires de la région situés en tête de bassin.” Soulignant “les nouveaux besoins en eau, pour des cultures et des territoires qui nécessiteront un accès à l’eau afin de s’adapter à l’évolution du climat. Il s’agit d’envisager une “irrigation de résilience” pour sécuriser plus particulièrement les débuts et fins de cycle des cultures, mais aussi le développement de pratiques concourant au stockage du carbone dans les sols…”
“Les innovations mises en œuvre par les agriculteurs, depuis une quinzaine d’années, sur leurs pratiques d’irrigation conduisant à des économies d’eau significatives”, affirmee-t-il. Mais s’il convient de poursuivre les efforts entrepris, “les économies d’eau seront loin d’être suffisantes pour satisfaire les nouveaux besoins d’accès à l’eau face au changement climatique”, reconnait-il.
Une première liste de 140 projets hydrauliques
La Chambre régionale d’Agriculture d’Occitanie a répertorié une première liste de 140 projets hydrauliques structurants ou individuels, “qui devront être étudiés au cas par cas.” Et propose “de mettre en place, dès janvier 2023, une cellule opérationnelle de suivi des projets de mobilisation de la ressource en eau et d’identification des points de blocage…”
Cette cellule opérationnelle devrait, notamment, “identifier les secteurs en déficit structurel (système Neste, Bassin de l’Aude, Amont du Tarn, Garonne, …) pour lesquels la création d’ouvrages de grande hydraulique, à vocation multi-usages, est à envisager.” Et la CRAO de juger qu’il est “indispensable de relancer la démarche en vue de réaliser l’ouvrage (polémique, NDLR **) de Charlas à vocation multi-usage afin de sécuriser le bassin de la Garonne, en comparaison à l’ouvrage Salagou dans l’Hérault…”
Des opinions divergentes…
On ne peut que se féliciter de cette prise en compte active de la question essetielle de la ressource en eau. Mais on constate également que ce sujet est loin de faire consensus, quant aux solutions à y apporter.
Ainsi, FNE Midi-Pyrénées (Fédération régionale des associations de protection de la nature et de l’environnement) souligne rcemment dans un communiqué qu’il est “fondamental de permettre la restauration des milieux aquatiques et humides et du cycle de l’eau (…) impératif de garder le cap de la sortie des pesticides d’ici 2030 et un ensemble de pratiques en faveur de la résilience des sols vivants, essentiels, avec une végétation en bonne santé, pour retenir l’eau dans nos territoires…”
Et sa présidente, Cécile Argentin, rappelle l’urgence à aller “vers de nouvelles démarches intégrées, prenant en compte, les différents aspects de l’unicité du cycle de l’eau.”
Les récentes polémiques (et actions violentes) autour des “bassines d’eau” montrent à quel point le sujet est sensible. Chaque camp semble aujourd’hui vouloir camper sur sa rive, alors qu’il est sans doute nécessaire de lancer “un pont sur l’eau trouble”…
Philippe MOURET
(*) Les secteurs agricole et agroalimentaire jouent un rôle majeur dans l’économie régionale, en particulier pour les zones rurales. deuxième secteur exportateur, il contribue largement au chiffre d’affaires régional et constitue un des principaux employeurs avec 157 700 emplois en 2018. Les industries agro-alimentaires occupent notamment une place de premier plan avec 19% des effectifs industriels de la région et près de 8.000 entreprises.
(**) Un projet de barrage controversé : https://www.rivernet.org/garonne/charlas.htm
Ce qu’en dit Emmanuel Macron :
“Nous le savons, la bonne utilisation de nos ressources en eau, c’est qu’on puisse en transparence consacrer et sanctuariser l’usage agricole et le multi usage, qu’on dépassionne ces débats, et puis qu’on finalise aussi les décisions qu’on doit prendre en matière d’amélioration de notre organisation pour mieux retenir nos pluies. On est moins bons que certains de nos voisins, l’Espagne en particulier. Il y a un travail qui doit se poursuivre, on doit être plus efficace pour mieux utiliser nos ressources en eau et pour mieux mobiliser toutes les ressources qu’on peut avoir. Mais il faut là aussi qu’on ait ce débat transparent, et il faut que nos compatriotes comprennent que si on veut défendre cette souveraineté alimentaire indispensable, si on veut continuerde se nourrir comme nation et comme peuple et ne pas dépendre, on a besoin de permettre à nos exploitations agricoles d’utiliser l’eau pour les cultures…“
Que d’eau, que d’eau !
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