Santé : Est-il dangereux d’habiter près des vignes ? Une grande étude rend ses conclusions

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“En France, de nombreuses personnes vivent à proximité de vignes sur lesquelles des pesticides peuvent être appliqués. Or, peu de données sont disponibles sur l’exposition aux pesticides chez les riverains de ces zones viticoles, étape indispensable pour dimensionner au mieux et renforcer les mesures de prévention des expositions aux pesticides” explique le rapport rendu public ce lundi 15 septembre… L’étude (coût 11 M€) semble cependant enfoncer quelques portes ouvertes. Notamment que les riverains des parcelles de vignes sont plus exposés aux produits pesticides que ceux qui en sont éloignés. Et surtout, on relève l’absence de précisions sur les risques encourus…

L’étude PestiRiv permet pour la première fois d’évaluer l’exposition aux pesticides des personnes vivant près de vignes et de celles vivant loin de toute culture. L’étude PestiRiv est inédite en termes de sources d’exposition prises en compte (air, alimentation, activité professionnelle et usages domestiques), de diversité des échantillons collectés conjointement (air ambiant, air intérieur, poussières, urines, cheveux, aliments autoproduits) et de maillage territorial, avec 265 sites répartis dans six régions viticoles.

“Une description détaillée de la contamination de l’environnement…”

Selon les résultats obtenus, il ressort que “les personnes vivant près de vignes sont plus exposées aux produits phytopharmaceutiques que celles vivant loin de toute culture.” C’est le principal enseignement de l’étude PestiRiv, réalisée en 2021-2022 (*), avec 56 substances mesurées dans l’air extérieur, l’air et les poussières à l’intérieur des habitations, et dans l’urine et les cheveux des participants.

Des informations précises sur le logement et les habitudes de vie des participants ont également pu être collectées. Les résultats de PestiRiv permettent ainsi “de disposer pour la première fois à une telle échelle d’une description détaillée de la contamination de l’environnement et de l’imprégnation des riverains de zones viticoles.” Pour limiter les expositions des riverains des cultures, les deux agences incitent à intervenir sur la source même des contaminations : elles recommandent donc de réduire les traitements au strict nécessaire et de minimiser leur dispersion en s’appuyant notamment sur une mise en œuvre de la stratégie Ecophyto 2030.

Des résultats “cohérents” avec ceux réalisés à l’étranger

Les résultats de l’étude montrent que les expositions aux produits phytopharmaceutiques “sont plus importantes en période de traitement. L’augmentation de l’imprégnation biologique en zones viticoles est observée à la fois chez les adultes et les enfants. Ces résultats sont robustes pour les différents échantillons analysés (*) et cohérents avec ceux des quelques études réalisées aux Etats-Unis et aux Pays-Bas.”

Cette exposition plus importante est “due au transfert vers l’environnement des substances appliquées sur les vignes, qui est constaté pour la majorité des substances mesurées” souligne l’étude qui précise que “les substances peuvent se disperser au-delà des zones traitées par des phénomènes de dérive, sous forme de gouttelettes au moment de l’application des produits, ou de réenvol d’une fraction de produits volatilisée après application. Elle s’accompagne d’une redéposition progressive des produits au sol.”

“Il existe d’autres sources d’exposition que les traitements agricoles”

Il est à noter que les faibles pluies et les températures élevées du printemps et de l’été 2022, période de l’étude, ont pu limiter les besoins de traitement. Les niveaux d’exposition en zones viticoles pourraient donc être plus élevés en cas de temps pluvieux. Il faut aussi préciser que “pour certaines substances, aucune différence entre les deux groupes de population ou entre les deux périodes n’est observée”, cela pouvant s’expliquer par le fait qu’il “existe d’autres sources d’exposition que les traitements agricoles.”

PestiRiv montre que les quantités de produits utilisés et la proximité des habitations avec les vignes “sont les deux principaux facteurs d’exposition.” Ce constat confirme selon les agences “la nécessité d’agir sur la source d’émission pour limiter les expositions des personnes vivant le plus près des cultures.” Santé publique France et l’Anses recommandent donc de “réduire au strict nécessaire le recours aux produits phytopharmaceutiques” et “la nécessité d’informer des riverains avant les traitements, les expositions étant également influencées par des comportements individuels.”

Des travaux complémentaires sont envisagés par Santé publique France et l’Anses pour continuer à exploiter les résultats de PestiRiv.

Philippe MOURET

(*) L’étude, menée de 2021 à 2022 dans 265 sites répartis sur six régions viticoles françaises, a concerné 1 946 adultes et 742 enfants, dont une partie vivait à moins de 500 mètres de vignes, et l’autre à plus de 1 000 mètres de toute culture. Pour évaluer les expositions, 56 substances ont été recherchées dans au moins une des matrices suivantes : les urines et les cheveux des participants (imprégnation biologique); les poussières et l’air intérieur des habitations; l’air ambiant. Des mesures ont aussi été menées sur des fruits et légumes des jardins de certains foyers en zones viticoles pour estimer l’exposition via l’autoconsommation. En parallèle, les participants ont répondu à des questionnaires sur leur alimentation et leurs modes de vie (activités à l’extérieur, profession, utilisation de pesticides au domicile) pour identifier l’ensemble des facteurs pouvant expliquer l’exposition aux pesticides.

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