Viol, violence… : Un collège dénonce les “effets délétères du manque de moyens”

Collège de la Croix d'Argent, à Montpellier. Ph. JBV

Le collège de la Croix d’Argent, à Montpellier, déjà en difficulté depuis des années, accumule les faits graves dont un viol en réunion. Parents, enseignants et syndicats interpellent le rectorat pour avoir davantage de moyens humains. En vain. En France, selon l’Insee, une écrasante majorité des enseignants déclarent qu’il y a de la violence dans leur collège.

De Clarybde en Scylla. Intrusions de personnes de l’extérieur dans les classes ; introduction d’armes blanches (cutter, couteaux…) et, parfois l’usage avec une agression d’un élève devant la cantine en décembre dernier hospitalisé avec 14 points de suture à la cuisse ; trafic de sheet  – un élève a même été exclu pour du deal – ; des profs victimes de coups… Une CPE qui gère la vie scolaire arrêt de travail suite à une agression en fin d’année dernière… Et surtout une affaire de viol collectif – à l’extérieur – “mal géré par l’institution impliquant des élèves du collège. La gestion qui en a été faite par le rectorat a conduit la victime et ses trois agresseurs à rester scolarisés dans le même établissement pendant plus de trois mois. Au collège de la Croix-d’Argent, à Montpellier, il y a une accumulation de faits graves”, résume Jean-Baptiste Vincensini, secrétaire de section syndicale SNES-FSU. Et ce, après des années de lutte pour déjà obtenir des moyens.

Une délégation reçue au rectorat

Ce qui a conduit personnels, syndicats et parents d’élèves à rendre la chose publique, notamment lors d’une conférence de presse après un communiqué éloquent, titré Le rectorat doit prendre la mesure de la situation très inquiétante du collège de la Croix d’Argent. Dans ce texte, on y apprend qu’une “délégation de représentants de parents d’élèves et de personnels du collège de la Croix d’Argent a été reçue au rectorat de Montpellier, jeudi 5 janvier, suite à la dégradation rapide et inquiétante du climat scolaire au sein de l’établissement”.

Déjà onze conseils d discipline depuis la rentrée

Avant de déplorer : “Depuis maintenant plusieurs années, les personnels et les parents d’élèves ont tenté d’alerter les autorités académiques sur cette dégradation du climat scolaire et sur les effets délétères du manque de moyens humains et matériels. Depuis la rentrée de septembre, les faits graves se multiplient avec déjà onze conseils de discipline (…)” “Ce que nous voulons c’est expliquer à l’opinion publique comment sont gérés les collèges…”, ajoute Jean-Baptiste Vincensini, par ailleurs, prof d’histoire-géo.

Pas de moyens supplémentaires

Collège de la Croix d’Argent, à Montpellier. Ph. JBV

Implanté dans un quartier classé politique de la ville, le collège n’est pas (encore ?) classé REP. Parents et syndicats montent au créneau. “La délégation a demandé aux autorités académiques un renforcement en urgence des moyens humains, notamment en personnels de vie scolaire. Mais également en moyens d’enseignement afin de faire baisser les effectifs des classes. Monsieur Raymond, Dasen de l’Hérault, M. Alili, directeur de cabinet de Sophie Béjean, rectrice de l’académie de Montpellier, monsieur Combet, directeur de cabinet de M Mauny, Dasen de l’Hérault, ont refusé de répondre à cette demande légitime par des moyens supplémentaires. Ils portent donc l’entière responsabilité des risques d’un nouvel incident grave. Les représentants des parents et des personnels déplorent l’absence de réaction du rectorat et alertent sur les risques qu’ils font courir pour la sécurité et la sérénité des élèves et des personnels.”

Le rectorat : “On est à leur écoute”…

Également par voie de communiqué, le rectorat répond : “Les parents et les représentants des enseignants ont été reçus en audience en présence du Directeur académique adjoint de l’Hérault, du directeur de cabinet du DASEN de l’Hérault, du directeur de cabinet adjoint de la rectrice le jeudi 5 janvier dernier. Ces derniers ont été à leur écoute et connaissent parfaitement le contexte de l’établissement.”

“Cette année, l’établissement a bénéficié d’une augmentation de moyens”

Et d’enchaîner : “Cette année, l’établissement a bénéficié d’une augmentation de moyens. Le collège a été doté de moyens supplémentaires en AED (assistant d’éducation). Un APS (agent de prévention et de sécurité) est également affecté à temps plein sur le collège, un effort notable pour un collège comptant moins de 700 élèves, tout comme la présence de deux conseillers principaux d’éducation. La DSDEN 34 sera vigilante à la future dotation en assistance éducative pour la rentrée prochaine, dotation connue au mois de juin. Il n’y aura pas d’augmentation d’élèves à la rentrée. Au contraire, une baisse est attendue. La DSDEN 34 va se concerter avec les inspecteurs académiques de vie scolaire pour déployer une enquête de climat scolaire afin d’analyser et objectiver la situation.”

Un surveillant pour 120 élèves ! S’il y avait davantage de surveillants, pas mal de faits seraient empêchés”

Pour Jean-Baptiste Vincensini, ce qui se passe à la Croix d’Argent d’autres établissements pourraient le vivre sans mot dire. “C’est fort possible. Le manque de moyens est partout. Chez nous, on compte, un surveillant pour 120 élèves ! S’il y avait davantage de surveillants, pas mal de faits seraient empêchés.” Et puis les bâtiments ne sont plus adaptés. “Notre bahut accueillait 500 élèves en 2010. Aujourd’hui, il en accueille plus de 700. Ce collège a connu une forte hausse de la démographie scolaire ; les moyens n’ont pas suivi… On manque d’encadrement notamment pour gérer les flux d’élèves très importants ; de personnels médico-sociaux : on n’a qu’une infirmière à temps partiel (certains jours, elle n’est pas là) ; idem pour l’assistante sociale ; normalement, on devrait avoir deux postes de conseillers d’éducation : après un grave souci de santé, l’une est en poste adapté n’est qu’à 75 %, etc.”

Ces faits graves, ajoutés à “une non réponse du rectorat”, précise le syndicaliste, a fait déborder le vase. “Face à cet énième événement, l’agression au cutter, nous avons encore demandé audience aux services départementaux de l’Education nationale, le Dasen, qui a répondu que, de toute façon, il n’avait pas de moyens et que s’il en avait, notamment de surveillance comme on le demande, on ne nous en donnerait pas…!”

Nous ne transmettons pas de chiffres sur les faits dans les collèges”

La situation dénoncée par la communauté éducative et les syndicats est-elle un cas isolé ? Tous les faits remarquables sont scrupuleusement notés dans établissement et remontent jusqu’à l’Education nationale. Quels sont ceux du collège la Croix d’Argent et, plus largement, ceux des autres collèges de l’académie ? Le rectorat de Montpellier refuse d’en dire davantage : “Nous ne transmettons pas de chiffres sur les faits dans les établissements”… Contactée, la rectrice d’académie n’était pas joignable.

En France, 62,8 % des enseignants (80,4 % en ZEP) déclarent qu’il y a de la violence dans leur collège

En 2021, l’Insee a consacré une étude sur les phénomènes de délinquance et leur traitement par la justice, notamment sur les violences et infractions dans les collèges, où l’on apprend que “globalement”, les élèves (93,9 %) et les enseignants (82,5 %) s’y “sentent bien”. Pourtant, 62,8 % de ceux-ci déclarent qu’il y a de la violence dans leur collège (80,4 % dans des collèges zones d’éducation prioritaire), un quart déclarant même “éprouver de l’appréhension avant de se rendre au travail”.

Un quart des élèves éprouvent un sentiment d’insécurité

Chez les élèves, le sentiment d’insécurité est moins largement éprouvé. Mais il l’est toutefois par un quart d’entre eux. Et 6,1 % des collégiens se déclarent même “ne pas s’être rendus au collège au moins une fois dans l’année par peur des violences”. Ils sont également presque un quart (24,8 %) à déclarer avoir été victimes d’au moins une cyber-violence lors de l’année scolaire 2016-17, et 7,1 % du cyber-harcèlement. Enfin, 3 % des enseignants déclarent avoir été victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles. En 2018-2019, l’étude fait ressortir une moyenne de 12,2 incidents graves pour 1 000 élèves déclarés par les principaux et proviseurs des collèges et lycées, près des quatre cinquièmes étant des atteintes aux personnes.

Olivier SCHLAMA

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