Neuf artistes de disciplines différentes y ont vécu quatorze jours et quatorze nuits. Le but : observer l’émergence de la créativité artistique coupé de toutes les contraintes temporelles. Selon l’explorateur-organisateur Christian Clot, “l’expérience a été véritablement fabuleuse”. À tel point qu’il envisage d’exposer les oeuvres dans la grotte ! Pour initier un tourisme à la fraiche ?
Dans une grotte pendant quatorze jours et quatorze nuits à 400 mètres sous terre et à une température de 10 degrés. Sans aucun repère du temps qui passe. Une parenthèse surréaliste dans une société qui court ; qui s’agite ; qui va toujours plus vite… Les “deeptimers”, le nom donné à ces volontaires à l’isolement provisoire, n’ont évidemment pas entendu parler des guerres, notamment Iran-Israël, mais ils ont dû sans nul doute affronter quelques démons intérieurs. C’est l’expérience vécue par dix-sept personnes dans la grotte de Lombrives, à Ussat (Ariège) qui s’est terminée ce vendredi 27 juin. Les disciplines représentées ? Les arts plastiques, la scénarisation, la photographie, la danse ou encore la performance.
Observer l’émergence de la créativité artistique

L’expérience était placée sous l’égide de l’Institut de recherche Human Adaptation Institute. La mission, Deep Time II-Art, réunissait un groupe mixte et paritaire composé de neuf artistes et huit membres d’équipe et soutiens techniques — sont sortis après deux semaines passées dans cette cavité, sans accès à la lumière du soleil ni à aucun repère temporel. Leur objectif : étudier scientifiquement les rythmes humains en l’absence du temps, repère fondamental de nos sociétés modernes, et observer l’émergence de la créativité artistique lorsque l’on est coupé de toutes les contraintes temporelles et informationnelles du monde contemporain.
Conçue et dirigée par l’explorateur-chercheur Christian Clot, et co-dirigée par l’exploratrice, chercheuse et réalisatrice Mélusine Mallender, cette résidence artistique et scientifique hors du commun constitue une première mondiale. Elle fait suite à l’expérience Deep Time : 40 jours en dehors du temps menée dans la même grotte en 2021 par Christian Clot et 14 autres participants, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.
“Personne ne s’est désynchronisé, une situation unique”
Christian Clot a commenté l’expérience artistico-scientifique : “D’abord, il faut dire que l’expérience a été véritablement fabuleuse. Chaque artiste a trouvé une source d’inspiration dans cette grotte. Il y a eu une grande cohésion et beaucoup de coopération, ce qui a généré une créativité remarquable. Le fait d’avoir du temps, sans aucune contrainte temporelle, a énormément stimulé l’élan créatif. Il y a eu une synchronicité dans le groupe que nous n’avions jamais observée lors de précédentes expériences “hors du temps”. Les 17 participants, aux profils et personnalités très variés, se réveillaient et se couchaient plus ou moins à la même heure. Personne ne s’est désynchronisé. Je pense que c’était une situation unique. Nous sommes sortis lors de notre 15e cycle, après 15 jours dans la grotte.”
“Nous envisageons d’exposer les œuvres conçues dans la grotte”
Il complète : “C’est absolument incroyable. Selon moi, cela s’explique par plusieurs facteurs, même si cette analyse reste très empirique, car nous n’avons pas encore étudié les données scientifiques : d’abord, la mission comportait un véritable objectif collectif, avec une production artistique à la clé. Ensuite, il y eut le fort désir du groupe de vivre cette expérience ensemble, de créer une communauté soudée. La coopération a été évidente et a sans doute largement contribué à cette harmonie. Bien que cela soit encore prématuré, nous envisageons d’exposer les œuvres conçues dans la grotte, dans un lieu adapté à la présentation des créations matérielles, tout en prenant en compte que certaines sont immatérielles, conceptuelles. Nous allons maintenant nous atteler à ce travail, ainsi qu’à l’analyse scientifique des données collectées.”

Trois objectifs principaux avaient guidé cette mission : comparer les données scientifiques de la mission 2021, afin de mieux comprendre certains phénomènes liés aux cycles du sommeil, à la régulation de la température centrale et à l’organisation sociale hors du temps. Deuxièmement, mener la première résidence artistique hors du temps, sur le thème du temps, avec neuf artistes professionnels sélectionnés sur dossier et audition. Cela a aussi permis d’étudier les fonctions créatives dans un contexte coupé de toutes les injonctions temporelles propres à nos sociétés actuelles.
Olivier SCHLAMA
Les artistes sélectionnés :
La sélection a été réalisée par un jury piloté par le conseiller artistique de la
résidence, Maxime Fleuriot. Les artistes participants :
• Elsa DELMAS (France) — Actrice et metteuse en scène
• Suzanne HENRY (France) — Danseuse-chorégraphe
• Aurianne KIDA (France) — Plasticienne et paléoartiste
• Sébastien LANGLOŸS (France) — Sculpteur
• Marie LECOCQ (France) — Actrice et metteuse en scène
• Louise NOËL (France) — Plasticienne et photographe
• Laurence PIAGET-DUPUIS (Suisse) — Peintre et plasticienne
• James TRUDEL (Angleterre) — Sculpteur
• Pierre CORBINAIS (France) — Auteur de jeux vidéo
Équipes du Human Adaptation Institute (HAI) :
• Mélusine MALLENDER (France/Royaume-Uni) — Réalisatrice et
directrice artistique des équipes HAI.
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