Patrimoine : La toute première réserve naturelle souterraine va voir le jour en Ariège !

Siech mars 2015

C’est une première en France. Ce mardi, doit être présenté officiellement le projet de réserve naturelle, qui pourrait voir le jour en 2024, reliant 28 sites, principalement des grottes, aux curiosités vernaculaires et abritant des animaux rares. Principalement dans le périmètre du Parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises. Au menu, conservation et valorisation de ces sites uniques.

Un trésor mis au jour. Pas moins de vingt-huit sites. Des grottes, animaux vernaculaires et autres curiosités géologiques et préhistoriques. Un patrimoine naturel réparti sur quelque 2 124 hectares souterrains qui formera la toute première réserve naturelle souterraine de France. Dans le cadre du plan national biodiversité de juillet 2018 et de la stratégie nationale pour les aires protégées, la ministre de la Transition écologique et solidaire a souhaité relancer le projet de création d’une réserve naturelle nationale souterraine en Ariège qui sera définitivement validé en Conseil d’Etat d’ici 2024, selon différents acteurs.

Avis favorable du Conseil national de protection de la nature

L’avant-projet, préparé par la Dreal Occitanie et le Parc naturel régional des Pyrénées ariégeoises, a été présenté à l’ensemble des partenaires, avant sa communication au ministère de la Transition écologique, pour examen par le Conseil national de protection de la nature (CNPN) qui a émis un avis favorable à l’unanimité de ses membres. Pour une création d’ici deux ans, donc.

“L’idée n’est pas d’en interdire l’accès. Mais d’en modifier le milieu”

Aliou, entrée. TC.

Validé par le CNPN, le projet dispose de trois volets liés à la conservation, la gestion et la valorisation de la future réserve. “L’idée n’est pas d’en interdire l’accès. Mais il sera interdit de modifier le milieu et d’avoir des comportements qui dégradent la biodiversité. Il est aussi prévu de mettre en place un suivi des espèces pour savoir comment elles évoluent ; et de prévoir une gestion adaptée si elles devaient péricliter. C’est aussi l’occasion de développer des recherchent complémentaires”, explique Matthieu Cruège, directeur du parc naturel régional des Pyrénées Ariégeoises, l’un des acteurs principaux de ce projet national géré localement pour mieux adhérer aux attentes du territoire.

Conserver et valoriser le patrimoine souterrain

“Pour être précis, ce sera la seule vraie grande réserve souterraine de cette importance en France ; il y a bien une autre mais elle est très petite dans l’Est de la France. Notre idée est de conserver et valoriser le patrimoine souterrain de ce coin exceptionnel de l’Ariège qui comprend beaucoup de cavités du fait de sa composition, principalement du karst.”

Faire des sites déjà ouverts au public une vitrine du monde souterrain

Le calotriton Montels. Ph. Léo Poudré

Enfin, “en terme de valorisation, il s’agit de travailler avec les professionnels du monde souterrain, confie encore Matthieu Cruège, les spéléos pour amener davantage de gens, mais de manière encadrée, à la découverte de ce patrimoine unique ; on peut aussi imaginer organiser une valorisation ex situ – ce n’est pas donné à tout le monde de pénétrer dans ces cavités – via des partenariats avec des sites qui accueillent déjà du public. Avec, par exemple, les gestionnaires de la rivière souterraine de Labouiche [un site préhistorique à 6 km de Foix, Ndlr] ; avec ceux des grottes de Niaux [ornée du paléolithique supérieur] ou celle, protohistorique de Lombrives, à Ussat, etc. Pour en faire des vitrines du monde géologique et biologique souterrain.”

Chauves souris, calotriton, araignées et crustacés rares…

Chauve souris rhinolophus euryale juvénile à la grotte du Mas d’Azil. photo : Boris Baillat.

“Le projet concerne vingt-huit cavités qui sont réparties en l’Ariège avec une forte concentration sur le PNR, Parc naturel régional (ci-dessous). Il y a des grottes, plus ou moins profondes dont certaines n’ont pas encore été complètement explorées ; il y a, à l’intérieur, des espèces rares et remarquables, notamment de chauves-souris ; le calotriton, espèce de triton endémique des Pyrénées, très rare et fragile. Il y a aussi des arachnides, des crustacés qui sont, eux aussi, extrêmement rares, avec des différences importantes d’une cavité à l’autre, du fait qu’ils sont complètement inféodés à leur milieu.”

“Ce projet est une aussi une reconnaissance…”

La grotte de Moulis, en Ariège, et ses concrétions magiques. Ph. Arnaud Goy.

Il ajoute : Et ces milieux différents, à 10 km près, ne sont pas connectés entre eux. Ils ont des trajectoires d’évolution différentes. On y a donc une énorme diversité du monde animal que l’on connaît relativement peu sauf en Ariège : c’est un secteur qui a été beaucoup étudié. Parce qu’il est historiquement riche et qu’il y a la présence d’un laboratoire souterrain, celui du CNRS de Moulis, avec de nombreux chercheurs de niveau international et en pointe dans l’étude de ce patrimoine naturel. Ce projet est aussi une reconnaissance.”

“Cette future réserve souterraine est remarquable et exemplaire…”

Grotte de Moulis, en Ariège. Ph. Cyril Fresillon CNRS.

Expert du milieu souterrain, spécialiste du fameux triton endémique des Pyrénées, membre du comité scientifique et du Conseil national de protection de la nature, Olivier Guillaume suit le dossier “depuis bien longtemps. Un projet avait déjà été initié en 1995, dit-il, par les services de l’Etat”. Vu la richesse du sous-sol de l’Ariège, cela s’imposait. “Avec ce projet, nous allons vers une gestion globale concertée en prenant en compte tous les enjeux des sites associés. C’est en effet la première fois que l’on prend en considération sous un même label la biodiversité, les aspects géologique, archéologique, spéléologique…Cette future réserve souterraine est remarquable et exemplaire…”

“Un enjeu énorme pour les chauves-souris…”

Pour l’expert Thomas Cuypers, de l’association des naturalistes de l’Ariège, “l’enjeu est énorme pour nous : quinze des vingt-huit grottes abritent entre 10 % et 20 % de la population nationale de certaines espèces de chauves-souris. Pourquoi ? L’environnement est préservé en Ariège ; il y a une reconquête des forêts ; il y a un climat doux. Les chauves-souris y trouvent donc facilement le gîte et le couvert.” Sur le projet lui-même, il dit à l’unisson : “Après avoir été lancé une première fois en 2016, ce projet refait surface. Il intègre au mieux plusieurs pans comme la spéléologie ou les pratiques sportives associées et encadrées…”

Olivier SCHLAMA

Les vingt-huit grottes et cavités concernées

  • Système aval du Baget, grotte de l’Estélas, grotte de l’Espiougue, grotte de l’Herm, grotte du Ker de Massat, grotte du Sendé
  • Grotte de SiechMSS 100 Ravin de la Tire, grotte de la Petite Caougno, grotte de SabaratTrapech d’en Haut, grotte de Malarnaud
  • Grotte de Payssa, grotte de TourtouseRésurgence de Neuf FontainesSystème de référence de MoulisHyporhéique ruisseau Nert, grotte d’Aliou
  • Grotte de Mérigon, grotte de PeyronnardPerte du Portel, grotte BernardRivière souterraine du Vicdessos, grotte de Lasmors
  • La grotte de la mine d’Unjat, grotte de Labouiche, grotte du Mas d’AzilSystème de la Cigalère.

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