Propriété de l’Etat et géré par SNCF Réseau, le réseau ferroviaire français compte aujourd’hui 30 000 km de voies ferrées. Victimes d’un désengagement croissant, les lignes de train françaises, parmi les plus vieillissantes d’Europe, se dégradent de façon préoccupante : 4 000 km de “petites lignes” pourraient fermer d’ici 2032, dont près de 1 000 km en Occitanie. La présidente de la Région fait de l’Occitanie la locomotive d’une mobilisation à l’échelle nationale.
Sur le territoire régional, des lignes essentielles sont aujourd’hui menacées de disparition faute d’engagement suffisant de la part de l’Etat (*). “Si on continue comme cela, en Occitanie 70% du réseau ferroviaire est en danger sous moins de 7 ans” révéle Carole Delga qui rappelle que “le rail c’est notre priorité, car notre projet politique c’est que chaque cotoyen ait le choix de son destin (…) Le rail est un pilier de notre souveraineté, de notre cohésion, de notre transition écologique…”

De fait, les régions contribuent au financement d’infrastructures ferroviaires qui ne leur appartiennent pas ! “Depuis 2008, nous avons investi près de 900 M€ pour sauvegarder un réseau appartenant à l’État. Aujourd’hui encore, une ultime enveloppe d’urgence est mobilisée pour préserver des lignes essentielles et empêcher leur dégradation ou leur fermeture” mais, précise Carole Delga : “Cette logique doit être revue.”
Un constat accablant pour l’Etat
En effet, “le gouvernement a fortement baissé ses dotations et le mur d’investissements ferroviaires est, rien que pour l’Occitanie, de 800 M€ d’ici 2032. Il faut désormais changer la donne, comme le proposaient déjà, en octobre 2022, l’ensemble des présidents de Régions, avec un « new deal ferroviaire » prévoyant 100 milliards d’investissements sur dix ans, cofinancés par l’Europe, l’État, la SNCF et les collectivités locales. Proposition restée lettre morte à l’époque.”
Le constat est accablant pour l’Etat, puisque le réseau ferroviaire français, le deuxième plus vaste de l’Union eutopéenne est aussi celui pour lequel l’investissement (par habitant) est le plus bas de l’UE avec 51€, derrière l’Espagne (70€), l’Italie (92€), la Belgique (101€) et tellement loin du trio de tête que constituent l’Autriche (336€), la Suisse (477€) et les Pays-Bas au somment avec 512€.
Pour ne pas priver les habitants de l’Occitanie d’un accès au train, les élus régionaux ont donc accepté dès 2008, et à la demande de l’État n’ayant pas souhaité assumer seul l’entretien de son réseau ferré, de prendre en charge la majorité des financements permettant la sauvegarde et la modernisation du réseau. Pour cela,
la Région a voté deux Plans Rail, le premier en 2008, suivi du second en 2020.
Les Régions proposent des pistes de financement
Entre 2026 et 2032, le besoin d’investissement est évalué à près de 800 M€ pour entretenir et sauver les lignes secondaires en Occitanie. Dans la situation actuelle, la Région Occitanie devrait alors assumer les 2/3 de ce montant, soit 550 M€, et l’État, le tiers restant, soit 250 M€. Malgré les contraintes budgétaires que la collectivité subit, la Région a donc décidé d’engager une ultime enveloppe de 16,5 M€ pour financer les travaux d’urgence des lignes les plus vétustes et empêcher leur fermeture.

Mais elle appelle aussi l’État à prendre ses responsabilités : “Il a le devoir et la charge d’entretenir les lignes de train dont il est propriétaire et dont la gestion est confiée à SNCF Réseau. L’État doit donc aujourd’hui trouver de nouvelles sources de financements pérennes. Pleinement conscientes de la situation budgétaire du pays,
les Régions font pour cela des propositions…”
Notamment “revisiter le système des concessions autoroutières pour allouer une partie des recettes au financement des infrastructures de mobilités décarbonées” et “mettre en place une écotaxe nationale sur les véhicules (poids-lours, NDLR) en transit international pour financer les grands projets d’infrastructures. Le mode de transport routier représente plus de 85% du transport de marchandises en France, entraînant une saturation des axes routiers, des émissions de CO2 et des nuisances sonores” ou encore “consacrer une part des recettes des quotas carbone au réseau ferré.”
“Petites lignes, grande cause” une pétition est en ligne
Loin des fastes des grandes messes internationales qu’affectionne tant le président de la République, il s’agit là d’agir au plus près des besoins immédiats de la population. La présidence de l’Occitanie en a tiré un mot d’ordre parfaitement adapté : ” Petites lignes, grande cause.”
Alors que se tient la conférence de financements des mobilités, la Région appelle toutes et tous à se mobiliser pour sauvegarder les lignes de train d’Occitanie et lance une “mobilisation générale” des citoyens, usagers, responsables politiques, économiques, syndicaux, associatifs, acteurs de la société civile, “pour défendre chaque kilomètre de voies ferrées sans distinction.”
Une pétition est en ligne depuis le mercredi 11 juin sur laregion.fr/petitiontrain. Dans le cadre de la tournée de mi-mandat, les élus régionaux sensibiliseront également les citoyens rencontrés à cet enjeu majeur pour les “territoires”. D’autres initiatives de ce type sont en train d’être prises dans d’autres régions de France, comme en Bourgogne Franche-Comté ou en Bretagne…
Philippe MOURET
(*) Toulouse – Auch; Perpignan – Latour-de-Carol; Tessonnière – Figeac; Tessonnière – Albi – Rodez; Béziers – Neussargues; Le Monastier – Mende – La Bastide; Nîmes – Le Grau-du-Roi; Nîmes – Clermont-Ferrand.
L’Occitanie, une locomotive pour le rail
Avec une hausse de 68% du trafic, l’Occitanie affiche la plus forte progression de fréquentation ferroviaire en France depuis 2019. Chaque jour, ce sont en moyenne près de 100 000 voyageurs qui choisissent les trains liO.

Dès 2020, la Région avait déjà augmenté l’offre de 11 %, en densifiant les fréquences aux heures de pointe et sur l’ensemble de la journée. 230 trains supplémentaires par semaine ont été mis en place en 2025 permettant d’ajouter 12 000 places quotidiennes sur les axes les plus fréquentés comme Toulouse-Narbonne, Quart Nord-Est Toulousain, Nîmes-Alès…
La Région inaugurera la ligne entre Montréjeau et Luchon (Haute-Garonne) le 22 juin prochain, après la Rive Droite du Rhône en 2022. Ces dernières années, sur trois lignes de train réouvertes en France, deux sont situées en Occitanie. Une réouverture de la ligne Alès -Bessèges et des six points d’arrêts restants sur la Rive Droite du Rhône sera envisagée à partir de 2028, “à condition que l’État n’impose pas de nouvelles économies budgétaires.”
Il est également prévu l’acquisition de 18 nouvelles rames de train électriques
Regio2N pour renforcer et verdir le parc de matériel roulant. Dès leur mise en service à horizon 2027, celles-ci permettront d’offrir 9 000 places supplémentaires par jour aux usagers du réseau liO. Ces acquisitions accompagnent également la rénovation de 83 rames Autorails Grande Capacité existantes.
Les LGV aussi
Les lignes à grande vitesse (LGV) ne sont pas oubliées : les travaux d’aménagements ferroviaires au nord de Toulouse, maillons essentiels de la Ligne Nouvelle du Sud-Ouest (LNSO), sont menés depuis un an. Les interventions préparatoires (études techniques, environnementales et maîtrise foncière) aux travaux de la phase 1 de la Ligne Nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) sont lancées en lien avec les citoyens et acteurs locaux.