Tourisme : Evazion et Huttopia veulent domestiquer le camping sauvage en le faisant payer

Ph Hun-ter, Pixabay

Idée très maligne que celle d’Olivier Verbeke, patron de Evazion qui recherche en Occitanie des emplacements privés à louer chez des vignerons, producteurs, éleveurs pour louer à la nuit aux touristes un terrain inexploité. Et générer un revenu aux agriculteurs. Grâce à son mariage avec Huttopia, Evazion espère démarrer la saison 2025 avec  500 emplacements en France.

“On donne le temps aux voyageurs de regarder le coucher de soleil et de se reconnecter à la nature” : entrepreneur, docteur en sciences, Olivier Verbeke est un sacré personnage. Celui qui loue des emplacements privés dans la nature pour les touristes et dont la start-up est promise à une croissance exponentielle, pose : “Je voyage beaucoup avec ma fille, Eva, 14 ans, en mode nomade, confie-t-il. D’où le nom de ma start-up, Evazion. Voyager en itinérance, à vélo, en van, j’en ai fait un mode d’éducation ; quand je me déconnecte du temps et de la géographie, je me reconnecte à moi-même et aux autres. À la nature.”

Olivier Verbeke. Ph. DR

Olivier Verbeke confie : “J’ai beaucoup voyagé avec mes parents comme ça quand j’étais jeune, au Congo où je suis né. Je me suis rendu compte il y a un peu plus de trois ans quand je parlais de cela avec des amis, ils avaient tous envie de faire la même chose mais ils avaient beaucoup de mal pour trouver un endroit pour dormir le soir surtout qu’il y a de plus en plus d’interdiction de camper, notamment dans les régions touristiques et le littoral, et c’est normal.”

Ce que l’on aime beaucoup, ce sont des coins de vignes du côté du Gard, de l’Hérault”

Spot Plaquié, Ph.Evazion.

D’où son idée à Olivier Verbeke de passer des accords commerciaux avec des propriétaires de terrains privés pour les destiner à du camping semi-sauvage. Sur des terrains qui ne sont pas spécialement constructibles ; que des propriétaires ne veulent pas exploiter. Le Belge leur propose de gérer ces arpents et de les louer à des voyageurs moyennant une rétribution pour les deux. Les voyageurs signent une charte de respect de l’environnement et s’engagent à ne pas accueillir pas plus de deux voyageurs par nuit et le pré ne pouvant être loué que deux nuits maximum. “Nous faisons aussi en sorte que le taux d’occupation (15 % à 20 %) respecte la nature a le temps de se régénérer.”

On parle là d’un petit bout de terrain de l’ordre de dix mètres sur dix mètres avec un ou deux véhicules maximum. Il peut y avoir par exemple un vigneron qui nous propose une ou trois spots près de ses vignes ; mais pas collés. Pour rester dans le cadre de la loi française, on ne peut pas aller d’un seul tenant au-delà de cinq véhicules et quinze personnes maximum. “Ce que l’on aime beaucoup, ce sont des coins de vignes du côté du Gard, de l’Hérault ; un éleveur de chevaux dans le pays Basque… De quoi faire connaître le terroir et le territoire aux touristes.”

20 € la nuit en basse saison, 30 € en juillet et août

Spot Le Rocher des Fees, DR

Doté d’une application de réservation (une seconde version est attendue pour le printemps 2025), ce dispositif commercial a été testé il y a trois ans en Bretagne. “Soit c’est un novice qui nous demande de lui organiser un voyage en sélectionnant des points d’étape, soit il est en plein voyage et avec l’application il repère un spot pas loin et le réserve et paie pour dormir dessus : 20 € la nuit hors saison et 30 € la nuit en juillet et août. Nous, nous cédons ensuite la moitié du revenu au propriétaire.” Ce qui peut faire un complément de revenu important à l’année. De l’ordre de 1000 €, 2000 € ou 3 000 € par an pour un seul spot. “Et jusqu’à 10 000 € ou 15 000 € sur plusieurs spots”, certifie Olivier Verbeke. “Le vigneron qui loue ces terrains peut aussi vendre son vin auprès de ces touristes ; le producteur d’huile d’olive peut faire de même…”

Spots secrets jusqu’au paiement

Sans sanitaires ni aucune commodité, ni eau ni électricité ce n’est pas donné. “Si ! La nature dans un endroit exceptionnel, avec un magnifique coucher de soleil, vaut bien ce prix-là ! C’est la nature et rien d’autre. En Hollande, par exemple, une nuit sur un simple parking, c’est 70 € la nuit.” Et puis comment être sûr qu’un malin n’occupe pas la place en camping sauvage ? “Les spots sont secrets jusqu’au paiement. Sur le terrain, il y a un panneau indiquant que c’est privé. Sur le panneau, il y a un code barre.”

Après la Bretagne, l’entrepreneur a investi des lieux en Normandie et recherche des spots en Occitanie. “Une start-up comme la nôtre amène une solution. Vous savez, ça fait vraiment mal de se retrouver, avec son van, je l’ai vécu, à 23 heures, mis dehors de deux spots avec sa petite fille qui a du mal à s’endormir… Les parents ne veulent pas vivre ça.”

Philippe Bossanne, le patron d’Huttopia, dit que bientôt nous serons plus connus qu’eux tellement ils croit en notre concept”

Spot Font de Roque, Ph. DR

Et l’idée fait florès. Il y a un an, Evazion s’est rapprochés du groupe de campings éco-touristiques Huttopia, une sacrée réussite, “qui nous a rachetés pour grandir et avec laquelle on ne se cannnibalise pas mais on est complémentaires.” Pourquoi cette association ? “Nos voyageurs nous disent : “Tiens après quatre ou cinq jours dans la nature, on aimerait prendre une douche ; avez vous un endroit à nous conseiller ? De leur côté, Huttopia ont 25 000 “vanlifer” par an qui cherchent pour certains des endroits dans la nature. Philippe Bossanne, le patron d’Huttopia, dit que bientôt nous serons plus connus qu’eux tellement ils croit en notre concept. Il faut dire que les lois se multiplient pour protéger la biodiversité, notamment la loi zéro artificialisation nette qui empêche de créer de nouveaux campings. Huttopia nous a aussi amené quelque chose d’important : nous offrons une assurance à tous les propriétaires de terrains. Si une branche d’arbre tombe sur la tête d’un enfant, si un voyageur se blesse, on est assuré. C’est unique. En avril 2025, nous lancerons la commercialisation avec Huttopia. Notre concept va s’appeler Les Bivouacs Huttopia. Evazion organisera désormais les voyages et nous coordonnerons tout.”

Objectif : 500 spots en France en 2025

Evazion compte déjà cent-cinquante spots en France et quelques uns en Espagne, Portugal et Belgique. “Le but est d’attaquer la saison estivale 2025 avec cinq cents spots à louer. On pourrait ainsi imaginer quelque cinq mille nuits louées l’année prochaine. Nous prenons contact avec des départements comme le Morbihan, communes, etc. qui ont de plus en plus d’intérêt à nous voir arriver pour contre l’occupation sauvage de terrains.” Il ajoute : “Les voyageurs nomades utilisent beaucoup une application spécialisée, Park for Night. On aides ainsi les communes à régler ce problème. Et puis, nous étalons le tourisme. Plutôt que de le concentrer. À chaque fois, nous renseignons sur les produits locaux ; les éleveurs du coin…”

Olivier SCHLAMA

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