Tourisme : Et maintenant capter une clientèle “volatile” et exigeante

Photo CRT.

Le début de la saison estivale a fait craindre le pire mais, au final, l’activité touristique a tiré son épingle du jeu. Pour autant, le Comité régional a lancé toute une série de diagnostics et d’actions pour mieux fidéliser la clientèle et éviter qu’elle ne réponde à d’autres sirènes, comme l’explique sa présidente Virginie Rozière.

Même les certitudes les plus massives foutent le camp. Les incertitudes, elles, s’impatronisent. “C’est une saison touristique en dents de scie, très contrastée”, a entamé ce mardi Virginie Rozière, présidente du Comité régional du tourisme d’Occitanie, lors d’une conférence de presse. Où le mois d’août reste un mois-socle de l’activité touristique autour duquel tout est plutôt mouvant dans un contexte tout aussi imprévisible : mouvement des Gilets jaunes, aléas climatiques, à l’instar de la canicule en juin, et d’un temps maussade au printemps.

Moins de Hollandais et d’Anglais

L’activité touristique se refait la cerise notamment en septembre-octobre et aussi à la campagne. Sans parler de l’évolution des modes de consommation (recours de plus ne plus important à AirBnB au détriment des hôtels ; une demande de services et d’un tourisme plus vert proposant davantage d’expériences de partage, demandes de séjours à la carte…)

Autres enseignements : “Il y a peu de grosses différences entre les territoires même si le littoral, une valeur sûre, s’en sort mieux. Il y a eu moins de Hollandais et de Britanniques.” Pour les premiers, c’est sans doute une question de génération : “C’est une tendance de fond qui correspond à un renouvellement générationnel. Nos offres intéressent moins les jeunes Hollandais…” Pour les Anglais, angoissés par le Brexit et la baisse de leur monnaie, la livre, ils auraient moins envie de faire trempette dans la Méditerranée. Pour couronner le tout, le touriste moyen, français ou étranger, dépense moins qu’avant…

Le touriste est plus exigeant tout en étant plus âpre à la dépense ; il négocie même les tarifs…”

Virginie Rozière, présidente du CRT.
Virginie Rozière. Photo : Olivier SCHLAMA

Mais, volatiles, climato-sensibles, d’humeurs changeantes, peu fidèles de plus en plus de touristes jettent leur dévolu sur les (grandes) villes (15, 8% de l’activité dont les deux-tiers dans les deux métropoles) pour y vivre des city- break lors de week ends prolongés (d’où le regain d’intérêt pour Montpellier et Toulouse comme l’avait fait remarquer l’Insee). “Nous travaillons à des offres de tourisme urbain qui s’adressent toute l’année à de jeunes actifs ou de jeunes retraités”, a ainsi confie Virginie Rozière. Il faudra aussi capter ce touriste qui se laisse également attirer par des destinations certes européennes mais qui, autrefois, apparaissaient baroques : les Balkans, l’Autriche, la Croatie, la République Tchèque, qui, elles, cassent les prix… “Il est plus exigeant tout en étant plus âpre à la dépense ; il négocie même les tarifs…”

De quoi donner des frissons aux professionnels de l’ice cream et aux restaurateurs angoissés agrippés à leur terrasse et à leur tielle sétoise… La présidente du CRT a aussi confié que, pour mieux comprendre le paysage d’un secteur qui rapporte 16 milliards d’euros par an (soit 10 % du PIB régional), on lui administre toute une batteries d’examens. Un sondage classique et habituel auprès des professionnels qui avaient un ressenti plutôt en berne de leur activité ; une enquête très pointue de l’Insee ; une autre, nationale, de la société TNS Kantar. Orange analyse, elle, les flux touristiques…

AirBnB (90 000 offres dans la région) se focalise sur la France et de plus en plus sur nos campagnes. 72 % de nos villages en Occitanie proposent au moins une offre”

Et malgré tout ce charivari, “l’année 2019 est en légère hausse de fréquentation, + 0,2%”, a révélé Virginie Rozière. Le tourisme reste un pan très important de l’économie régionale avec 7,6 millions de nuitées hôtelières, de mai à septembre, à comparer avec les 150 millions de nuitées, tous hébergements confondus, estimés depuis le début de l’année 2019… C’est dire l’importance d’AirBnB et autres plate-formes de location. “AirBnB (90 000 offres dans la région) se focalise que la France et de plus en plus sur nos campagnes. 72 % de nos villages en Occitanie (moins de 2 000 habitants) proposent au moins une offre”, a encore confié Virginie Rozière.

Quelles leçons tirer de tout ça ? Quand une “économie dépend autant du climat” qui se dérègle, du climat social, quand le touriste fait jouer à fond le rapport qualité/prix ? “Il faut développer une grande réactivité”, soumet Virginie Rozière. Quelles solutions ? Travailler sur des “valeurs” et une identité commune. “Avoir une grande diversité de paysages, c’est super. Mais qu’est-ce que l’on présente à la vente ? La campagne ? Mais la campagne du Gers n’a rien à voir avec celle de l’arrière-pays héraultais… Il y a aussi nos produits régionaux, dont beaucoup sont de grande qualité” qui peuvent être des dénominateurs communs. Comme l’oenotourisme. “Il faut définir une cohérence globale de la “destination Occitanie”. On a commencé à le faire en lançant le terme d’occitalité, terme inventé qui veut résumer autant de valeurs positives que l’authenticité, la bienveillance, respect de la nature, la qualité de l’expérience, etc.

Photo : CRT Occitanie

Une marque autour du littoral

Autre chantier pour 2020 : sans doute créer une marque autour du littoral. Curieux en effet que nos 220 kilomètres de littoral, de la Camargue à la côte Vermeille, n’aient jamais étés baptisés. La même démarche sera organisée autour du Canal du Midi, ce trait d’union entre les deux ex-régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. “Les termes missions Racine et tourisme ne sont pas forcément des termes positifs dans l’inconscient collectif alors que notre nature, nos lagunes et notre arrière-pays sont très préservés.”

Veiller à la sensibilité écologique qui sera de plus un moteur de fierté pour les habitants”

À propos de ceux qui dénoncent le sur-tourisme ou le lien entre tourisme et dérèglement climatique, Virginie Rozière comprend cette “aspiration y compris à une meilleure qualité de nos hébergements, de nos espaces naturels.” L’Occitanie, première région bio de France et en matière de biodiversité, doit veiller à cette sensibilité écologique qui doit être prise en compte. Ce qui serait, d’ailleurs, en plus, un moteur de fierté pour les habitants”. Elle dit aussi  :“Le tourisme, c’est aussi un formidable levier d’aménagement du territoire ; qui fait vivre des villages entiers. Sans le tourisme, on fait comment ?”

Quel impact sur la vie quotidienne des autochtones ?

Enfin, bras armé de la Région Occitanie en matière de tourisme, le comité régional du tourisme va lancer deux enquêtes inédites qui n’ont jamais été réalisées en France. La première sur l’impact du tourisme sur la vie quotidienne des autochtones. “Qu’est-ce que cela apporte aux habitants”, se demande Virginie Rozière. La seconde enquête portera sur “l’impact du tourisme sur les commerces”. C’est aussi pour fidéliser le touriste butineur que le comité régional du tourisme engagera bientôt “une stratégie de marketing de relation clients avec les 13 départements d’Occitanie”.

Olivier SCHLAMA

👉 VIDÉO. Virginie Rozière, présidente du comité régional du tourisme.

Quelque 150 millions de nuitées

Le CRT a comptabilisé 150 millions de nuitées entre janvier et août 2019. Un tiers de ces nuitées s’est réalisé entre le 13 juillet et le 24 août (…) L’augmentation de fréquentation observée en juin est plus importante que ne pouvaient le laisser penser les professionnels. Ces pics de nuitées sur les premiers week-ends de juin sont probablement liés à la canicule, venant après un printemps peu propice aux déplacements. S’en sont suivis des départs de dernière minute, ce dont a bénéficié l’hôtellerie.

Les hôtels, eux, ont comptabilisé 11,5 millions de nuitées (4e rang national), entre janvier et août, stable par rapport à 2018, un peu moins de 8 % des nuitées totales. Enfin, le CRT note une stabilité de l’hôtellerie de plein-air alors que l’on enregistre une baisse au niveau national. “Les mauvais résultats en mai et juillet sont compensés par un excellent mois de juin (entre 25 % et 30 % d’augmentation). Mais avec une baisse de la durée de séjour. Et un regain du camping traditionnel (63 % sur le littoral).”

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