Tourisme : En un an, la Maison Carrée de Nîmes a connu un “effet Unesco” mitigé

La fête autour de la Maison Carrée, il y a un an. Ph. Ville de Nîmes

Selon la ville de Nîmes, le monument labellisé a enregistré “plus 11 % de visiteurs sur un an”. Les professionnels de l’hôtellerie-restauration sont plus mitigés à cause d’un pouvoir d’achat en berne, d’un effet JO “négatif à court terme, même si cela aurait sans doute été moins pire sans l’inscription à l’Unesco”, analyse Frédéric Sanchez, secrétaire de l’UMIH du Gard. Mary Bourgade se dit “heureuse de cette transmission aux générations futures”. Et si dans le futur, la Camargue était aussi labellisée…?

On se rappelle des pleurs d’émotion de Jean-Paul Fournier, maire de Nîmes, le 18 septembre 2023, à Riyad, la Maison Carrée était officiellement inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco après 20 ans d’espoir déçu, comme nous vous l’expliquions ICI. La ville parle d’un “effet inscription” sur le tourisme. D’un “effet inscription, avec plus 11 % de visiteurs sur un an. Sur une année pleine (de septembre 2023 à août 2024), la fréquentation de la Maison Carrée depuis son inscription à l’Unesco est de 171 533 visiteurs, soit une progression de près de 11% sur la période équivalente (septembre 2022-août 2023)”.

“Des retombées économiques importantes”

La ville acte “une hausse constatée notamment sur la période estivale : plus 19 % pour le mois de juillet et plus 15 % pour celui d’août. Au-delà de la Maison Carrée, c’est l’ensemble des trois monuments romains de Nîmes (avec les arènes et la Tour Magne) qui ont vu leur nombre de visiteurs de 8 % depuis un an. Une hausse de la fréquentation touristique qui représente un levier de croissance pour la ville avec des retombées économiques directes et indirectes importantes dans les secteurs de l’hôtellerie ou de la restauration qui rejaillit plus largement sur l’ensemble des commerces de cœur de ville”.

“Une fois les festivités terminées, août a été morose”

La fête autour de la Maison Carrée, il y a un an. Ph. Ville de Nîmes

Les professionnels du tourisme, eux, ne sont pas aussi enthousiastes. Ils ne pleurent ni de joie ni de tristesse. Frédéric Sanchez, gérant du restaurant la Table du 2 du musée de la Romanité et secrétaire de l’UMIH du Gard, dit : “C’est difficile de savoir si cette inscription à l’Unesco, un an après, a eu un effet d’entrainement.” Il ne dispose pas de chiffres mais évoque “un ressenti qui n’est pas extraordinaire. Ce que l’on peut dire c’est que tant qu’il y avait de l’événementiel, des festivités, férias, Jeudis de Nîmes, concerts qui étaient complets, etc., la fréquentation était là ; mais une fois les festivités terminées, août a été morose. Est-ce que cela aurait été pire sans ce label Unesco ? C’est probable.” Il pointe le fait que “la clientèle étrangère, notamment asiatique et Nord-Américaine n’était pas au rendez-vous pour une raison simple : avec les JO, Paris était inaccessible pour cette clientèle qui vient dix jours en France dont trois à Paris et qui va jusqu’en Provence ou au Mont-Saint-Michel. Après, précise-t-il, cette image des JO sera bonne pour le pays à moyen et long terme”.

“Pouvoir d’achat en berne”

Nîmes, ville de la pierre… DR.

Le même professionnel souligne, “comme partout en France”, l’effet récessif  d’un “pouvoir d’achat en berne, qui n’a rien arrangé”. Et de conclure que, finalement, “ce label Unesco nous a peut-être permis de sauver les meubles”. Plus généralement, il se dit “pessimiste au niveau de l’activité économique ; cet hiver, pronostique-t-il, il y aura beaucoup de faillites, notamment parmi les restaurants. Sur l’Unesco, nous restons toujours enthousiastes. C’est magnifique pour l’image, pour l’image de la France. Il y a des raisons d’espérer.”

On est loin des 50 % d’activité en plus qu’avait connue Albi, un an après l’obtention de ce même label Unesco. Peut-être aussi parce que Nîmes, “la petite Rome”, se situait déjà à un important taux de fréquentation. Et que le Pont du Gard, lui aussi labellisé au Patrimoine mondial, est à proximité.

“Il y a de quoi être heureux pour ce label Unesco et la transmission auprès des générations futures…”

Mary Bourgade, élue Unesco Nîmes.

Maire adjointe chargée de la Maison Carrée, Mary Bourgade ajoute que “ces chiffres émanant de la vente de billets ne tiennent pas compte des touristes qui viennent simplement admirer le monument de l’extérieur où l’on n’a pas besoin de payer”. Elle ajoute que “beaucoup de choses ont été déjà faite pour améliorer les “cônes de vision” ; la Maison Carrée, “complémentaire du Pont du Gard, a été restaurée à l’intérieur et à l’extérieur, etc”. L’élue consent a partager la même vision que l’UMIH du Gard : “L’effet JO a en effet perturbé le tourisme et sur le pouvoir d’achat, les gens font attention aux dépenses. Sans oublier la situation politique en France qui a un vrai impact. Mais il y a de quoi être heureux pour ce label Unesco et la transmission auprès des générations futures…”

La Maison Carrée de Nîmes est, en tout cas, “l’aboutissement d’un long parcours pour faire reconnaître la valeur exceptionnelle universelle du temple romain parmi les mieux conservés au monde”, rappelle la ville. Les premiers travaux vers une inscription de Nîmes à l’Unesco remontent en effet à 2001. En 2012, la ville est inscrite sur la liste indicative des biens français, une première étape importante. Mais le périmètre, une partie du centre-ville n’était pas idoine. Et le dossier a été revu ne comprenant au final que la Maison Carrée.

Une fête avec 3 000 personnes il y a un an

Il y eut il y a un an une grande fête populaire au pied du monument. Avec plus de 3 000 personnes qui s’étaient retrouvées le 29 septembre pour une soirée festive et populaire au pied du monument pour célébrer cet événement “historique”. Discours, projections, concerts, déambulation et vin d’honneur offert chez les commerçants de la place avaient ponctué ce grand moment de joie collective et de fierté partagée.
“Une fête mémorable et chaleureuse autour de notre Maison Carrée, se souvient le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier. Un moment de partage. Nous étions rassemblés autour du monument, dans le cadre d’une communion populaire au cœur de notre ville.”

Pour autant, “l’inscription à l’Unesco, ce n’est pas une fin en soi”, souligne Mary Bourgade, adjointe au maire chargée de ce patrimoine. “C’est partager avec le monde entier un bien dont la valeur universelle est exceptionnelle. C’est aussi prendre conscience de l’importance de la préservation et de la valorisation de ce patrimoine que nous avons reçu en héritage et de le transmettre à notre tour aux générations futures.”

“Des mesures pour la gestion des flux touristiques”

La Maison Carrée de Nîmes, ph. Nîmes-tourisme – Spl Agate.

La ville de Nîmes a suivi un plan de gestion établi en amont de l’inscription, en collaboration avec l’Etat français, comprenant “des actions pour la connaissance, la conservation, la valorisation et la transmission du bien, avec notamment des mesures pour la gestion des flux touristiques”. Et ce, jusqu’en 2026. Certaines d’entre-elles ont d’ores et déjà été réalisées : la requalification de la Cella (l’intérieur de la Maison Carrée), la piétonnisation de la rue Auguste, la restauration des arènes en cours depuis 2009 ou, entre autres, le travail de sensibilisation mené auprès des scolaires et des publics.

Quant au Gard, se peut-il que, demain, un troisième site d’envergure soit récompensé par l’Unesco ? “J’ai été contactée par une association, confie Mary Bourgade qui voudrait obtenir ce label pour la Camargue.” 

Et demain la Camargue à l’Unesco ?

La Camargue vue du ciel avec ses flamants roses. Photo : Jean Jalbert

Sur son site, on peut lire : “Plusieurs bureaux d’études de l’Unesco ont régulièrement sollicité le Parc naturel régional de Camargue pour envisager une démarche de classement au titre des biens du patrimoine mondial. De plus, le territoire Camarguais s’appuie sur un réseau actif d’éco-acteurs-ambassadeurs de la réserve de biosphère et le Comité français du Patrimoine mondial s’est déjà prononcé sur l’importance de cette candidature. Ainsi l’association engage cette démarche de classement au titre des biens du patrimoine mondial auprès de l’Unesco en mobilisant les acteurs du territoire autour de cette opportunité.”

Et : “La Camargue – plus vaste zone humide française et deuxième européenne – est déjà concernée par l’existence d’une Réserve de Biosphère reconnue par l’Unesco depuis 1977, support de réflexion pour un classement au patrimoine mondial du delta du Rhône. Seuls deux deltas dans le monde sont inscrits à ce jour au Patrimoine mondial en tant que deltas : ceux du Danube en Roumanie et de l’Okavango au Botswana.” Un joli pari.

Olivier SCHLAMA

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