Ils visent l’Unesco (2) : De l’Ariège à l’Andorre : onze monuments en réseau candidats

Le château de Foix. Photo : département de l'Ariège.

De Seu d’Urgell, en Catalogne, au château de Foix, en Ariège, mille ans d’histoire et 70 petits kilomètres : onze “biens en série”, neuf églises romanes, une cathédrale et le château moyenâgeux de Foix se contemplent en réseau : c’est le défi de ce classement au patrimoine mondial de l’Unesco espéré. Unique en Europe.

C’est unique en Europe. Directeur du développement économique et du tourisme du département de l’Ariège, Pascal Alard donne les clefs d’une candidature bien placée au patrimoine mondial de l’Unesco. Déjà, son originalité plaide pour elle : c’est un projet en réseau qui réunit onze biens au total, dont les neuf paroisses (et les églises correspondantes) d’Andorre (1), la cathédrale de Seu d’Urgell en Catalogne et le château de Foix en Ariège (2).

Raconter l’histoire de la naissance d’Andorre

Le château de Foix. Photo : Lionel Ruhier.

Entre ces trois pays, le dossier de candidature va raconter l’histoire de la naissance d’Andorre et 800 ans de relations politiques et géopolitiques ininterrompues entre ces trois pays. Andorre a par exemple été un lieu stratégique, pour les passeurs pendant la Seconde Guerre mondiale, et a servi la France de manière assez forte, même si elle a gardé sa neutralité. Ces monuments relatent cette relation forte“.

“Andorre n’a aucun bien classé au Patrimoine mondial” et sera donc davantage susceptible d’être retenu…”

Autre élément positif : il faut que l’Etat français pousse à la roue ; c’est lui qui valide les biens à présenter devant l’Unesco. “Ça ne devrait pas être un problème majeur, confie Pascal Alard. La France a énormément de biens à l’Unesco, c’est vrai. Demander le classement d’un nouveau bien, c’est compliqué.” Par contre, ce sera plus facile avec ce dossier transfrontalier : “Andorre n’a aucun bien classé au patrimoine mondial” et sera donc davantage susceptible d’être retenu… L’Unesco regarde les pays qui n’ont pas encore de biens labellisés. Ce sera plus facile. Cela risque d’accélérer le processus.” Plus vite peut-être que celui de la Maison Carrée de Nîmes, autre prétendant, comme Dis-Leur vous l’a expliqué récemment ICI.

“Une histoire exceptionnelle”

Le château de Foix. Photo : Lionel Ruhier.

Même pour la fameuse valeur exceptionnelle du bien, pas d’angoisse : “C’est l’histoire elle-même qui est exceptionnelle. C’est l’histoire de la création d’Andorre qui devra être classée. Ce serait presque de l’ordre de l’immatériel”, formule Pascal Alard.

8 M€ pour le projet muséographique

Le château de Foix a mille ans d’histoire. “C’est un très beau château du Moyen-Âge, symbole de pouvoir, même si les comtes de Foix l’ont habité. Le département de l’Ariège vient d’y investir 8 M€ pour un projet muséographique d’envergure, avec en bas un musée sur 2 000 m2. Et dans le château, on est sur une volonté d’immersion autour de la vie du château, où les gens participent, comme s’il était toujours habité. Nous y avons créé des reconstitutions de machines de guerre, les seules en Europe de cette taille-là. Il y a aussi un forgeron, un tailleur de pierre pour continuer à raconter l’histoire de ce monument.”

Durée de visite : plus de 4 heures

Le château de Foix. Photo : département de l’Ariège. Photo : Sesta Ariège

A tel point qu’il “sert d’exemple, assure-t-il, pour d’autres projets dans d’autres territoires ayant beaucoup plus de moyens que les nôtres ; certains nous ont dit que nous avions pris plusieurs années de l’avance; Avant ce projet, on avait une visite moyenne de 1h20. Depuis ces aménagements, la durée de la visite moyenne est de 4h30 constatées”. On passe donc à l’évidence la journée au château.

Créer des produits touristiques combinés

Le directeur du service tourisme au département de l’Ariège reprend : “L’enjeu, pour nous et pour Foix, c’est de capter tous les visiteurs, très nombreux, d’Andorre qui, elle, n’a pas énormément de biens à faire visiter. Ce n’est pas une injure que de dire ça. L’idée, c’est de créer des produits touristiques combinés pour attirer un tourisme patrimonial. Dans les premières années de classement, on observe + 30 % de fréquentation touristique ; c’est ce que nous apprend le classement d’Albi qui fête ses dix ans. Pour Albi, ça a été le cas les deux premières années, ensuite, la notoriété n’augmente plus autant. C’est pour cela qu’au-delà du classement, nous voulons trouver des relations plus fortes avec Andorre.”

Actuellement, “le château de Foix accueille environ 100 000 visiteurs par an. le Sesta (le service d’exploitation des sites touristiques de l’Ariège) c’est un budget de trois M€ pour 100 salariés et sept sites touristiques. L’Ariege compte cinq millions de nuitées touristiques pour 170 000 lits, 10 millions d’excursionnistes et 2 553 salariés”. Un tiers de plus, ce serait une très bonne nouvelle pour ce département !

Dix ans d’attente

Le château de Foix. Photo : département de l’Ariège.

Le processus est long. Environ dix ans. “Nous avons commencé nos premières réunions en 2014. Officiellement, nous avons déposé la pré-candidature en 2018. L’Etat français s’est intéressé à nous en 2020 avec des réunions à Paris, et avec les représentants espagnols. On est dans le processus de rédaction. Et d’ici deux ans, nous aurons déposé notre candidature officielle.”

Un accord historique en 1278

Il reprend le fil historique : “Les comtes de Foix, jusqu’en 1278, se sont battus sur les vallées d’Andorre avec les Espagnols. Plutôt que de se battre, ils se sont dits : on va se partager ces terres. Du coup, l’Etat d’Andorre est né d’un paréage, un accord entre les comtes de Foix et l’Evèque de la Seu d’Urgel, en 1278, pour la gestion de la principauté d’Andorre. On a une relation commune privilégiée depuis lors.” A l’époque l’évèque de la Seu d’Urgel est coprince d’Andorre avec un compte de Foix. Mais quand l’un de ces derniers va devenir Henri IV, roi de France, c’est le président français qui devient jusqu’à nos jours coprince d’Andorre.

“Témoins d’une histoire et d’une réalité unique qui, au cours du dernier millénaire…”

Le château de Foix. Photo : département de l’Ariège.

Christine Téqui, présidente du département de l’Ariège, pense que d’ici 2026, le classement pourrait couronner ce projet d’envergure. Il y a quelques le département de l’Ariège a reçu le comité scientifique et le comité de rédaction de la candidature. “Ces biens, dit-elle sur son compte Facebook, dont notre château de Foix, sont témoins d’une histoire et d’une réalité unique qui, au cours du dernier millénaire, fut tissée par le peuple d’Andorre, les évêques d’Urgell et les comtes de Foix.”

Un morceau du passé qui écrit l’avenir. “Ils nous racontent une histoire exceptionnelle, poursuit Christine Téqui, sans précédent en Europe et dans le monde : la création politique de l’État andorran, résultat de l’équilibre entre les pouvoirs civils, le pouvoir ecclésiastique et le contrepoids nécessaire de communautés locales modestes mais bien organisées. Un long processus de classement à l’Unesco devrait nous permettre dans les cinq prochaines années de faire mieux connaître cette histoire singulière au monde entier et développer avec l’Andorre des produits touristiques de grand intérêt.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) Les églises andorranes, selon le dossier de présentation :
    “d’un point de vue architectural, le modèle-type qui ex- prime le moment de maturité de l’évolution du style est celui d’un édifice aux petites dimensions, à l’ornementation sobre, qui s’adapte aux principes esthétiques de l’art conceptuel, abstrait et spirituel propres de l’art roman.
    À l’intérieur, on remarque des décorations picturales qui présentent une gamme de couleurs très riche, et des représentations qui convergent vers la représenta- tion de la divinité – développée par des maîtres ano- nymes, disciples de grands peintres du Moyen Âge catalan – qu’accompagnent une imagerie de grande beauté, des objets liturgiques et le mobilier. Ce carac- tère, à la fois fonctionnel et austère des églises, devien- dra une caractéristique qui se prolongera bien au-delà de la période médiévale.
    Deux sites archéologiques et deux constructions ci- viles complètent la série de témoignages en territoire andorran et finissent d’esquisser cette vision d’en- semble de la période médiévale, de l’évolution de la société andorrane et la permanence et la vitalité, sans discontinuités, de l’exceptionnel triangle de relations, de forces, de privilèges et d’intérêts, durant l’époque moderne et contemporaine…”
  • (2) Le château de Foix : 
Le château de Foix. Photo : département de l’Ariège.
Dressé sur un piton calcaire au confluent de l’Arget et de l’Ariège, le château commande vers l’aval de l’Ariège, le débouché sur la plaine de Toulouse tandis qu’en amont, il commande la route du sud- est vers l’Andorre et la Catalogne. Bien avant le IXe siècle, le château a pu être d’abord simple tour de guet ou donjon unique à l’abri de sa muraille, dominant l’abbaye de Saint-Volusien fondée vers le IXe en hommage à Volusien, martyre, évêque de Tours. L’histoire de cette forteresse militaire ne débute dans les textes qu’avec celle des comtes de Foix. C’est en 1002 que Roger le Vieux comte de Carcassonne laisse à Bernard Roger l’un de ses trois fils, la terre et le château de Foix.

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