Routes : À Pâques, les motards font la chasse aux nids de poule

Les motards portent une colère qui concerne en réalité un fléau que subissent tous les usagers de la route : les chaussées sont de moins en moins entretenues, laissant se former de nombreux et dangereux nids de poule. Le dimanche de Pâques, la FFMC organise un happening humoristique partout en France. Sans oublier un travail de fond considérable sur tous les sujets liés à la sécurité.

Les routes sont de plus en plus dégradées. Pourquoi ? Les villes n’ont plus les moyens de les entretenir…” Cela fait longtemps que les motards marchent sur des oeufs, à l’image de Jean-Michel Sénéchal, coordonateur de la FFMC 34. Cette fois, représentés par la Fédération Française des Motards en Colère et la Mutuelle des Motards, les motards lancent la seconde édition de leur campagne nationale printanière, baptisée Œufs de Pâques pour Nids de Poule, pour alerter du mauvais état des routes. Cela consistera à “reboucher” provisoirement les trous sur des chaussées par de la paille et des oeufs, en en faisant un symbolique… Nid de poule… “J’habite à Vendargues et c’est une catastrophe tellement il y en a !” Dans beaucoup de communes c’est la même supplique. “Il y a urgence et ça concerne tous les usagers de la route…”

Depuis 2013, cyclos et motos représentent 29 % des tués

Ph. O.SC.

Ne revenons pas sur les origines de la Fédération des motards en colère, des combats de ses 10 000 adhérents toujours d’actualité sur la formation, les permis, la vignette, les tarifs autoroutiers et surtout les équipements de sécurité sur les routes. Prenons l’Hérault, l’un des département français les plus accidentogènes. En 2019 – première année avant covid – on y a dénombré 857 accidents, 70 tués et 372 blessés hospitalisés, selon les chiffres de la DDTM. À 59 % ces accidents concernent des personnes ou des véhicules “vulnérables” (21 motards ou scoootéristes sur 70 tués) et représentent 56 % des blessés hospitalisés. L’analyse démontre une “dégradation pour les deux-roues et les piétons. Les premières représentant 21 % des tués et 30 % si l’on ajoute cyclos et motos. Enfin, depuis 2013, cyclos et motos représentent 29 % des tués sur la route. D’où l’importance des infrastructures bien entretenues.

Selon une étude du World Economic Forum, la France est passée de la première à la dix-huitème place mondiale en huit ans pour l’état de ses routes. Il faudrait investir 1,3 milliards d’euros par an jusqu’à 2037 pour ramener les chaussées à leur état initial.

Opération oeufs de Pâques pour Nids de Poule

L’opération Oeufs de Pâques doit se dérouler lors du week-end du même nom. Le nid de poule c’est suffisamment vicieux pour que le motard y plante involontairement sa roue et bloque sa direction. Difficile dans ce cas d’éviter la chute. C’est pour sensibiliser les usagers de la route que la FFMC monte cette opération qui est relayée par toutes ses antennes départementales.

Un site a même été édité pour l’occasion : niddepoule.fr. Au cours de ces opérations (1), les volontaires, motards ou non, pourront déposer symboliquement un œuf de Pâques sur cette chaussée dégradée ; la prendre en photo et poster cette dernière sur les réseaux sociaux. De quoi susciter un élan. “Nous avions fait ce genre d’opération en 2019, pas en 2020 à cause de la pandémie. C’est donc la seconde que nous organisons après que nous avons mesuré l’ampleur suscitée par toutes ces photos postées sur les réseaux sociaux. Dans l’Hérault on a été novateurs. Désormais toutes les délégations participent”, explique le président de la FFMC 34, Jean-Michel Sénéchal.

On propose une chasse aux œufs frais pour les adultes et une chasse aux œufs en chocolat pour les enfants. Une omelette géante sera confectionnée pour le repas de midi !”

Jean-Michel Sénéchal, FFMC 34

Pour participer, très simple : chaque motard participant apportera une boîte d’œufs vide et un sachet, que les organisateurs rempliront avec des œufs et de la paille. La FFMC 34 organise une journée Action Nids de Poule, le dimanche de Pâques  sur l’espace pédagogique de la Cardonille, entre Saint-Martin-de-Londres et Saint-Bauzille-de-Putois le 4 avril à 11 heures. “On propose une chasse aux œufs frais pour les adultes et une chasse aux œufs en chocolat pour les enfants. Une omelette géante sera confectionnée pour le repas de midi !”, confie Jean-Michel Sénéchal.

Plus largement, et au-delà de ce happening, la FFMC appelle tous les motards volontaires à garnir les nids de poule sur les routes de leurs communes, de prendre une photo géolocalisée, de la poster sur le site dédié et d’en envoyer une copie à ffmc34@ffmc.fr. Les nids-de-poule sont particulièrement dangereux pour les deux-roues mais évidemment pour l’ensemble des usagers de la route : guidonnage ou perte de contrôle entraînant chutes et accidents pour les motos, vélos, trottinettes et autres nouvelles mobilités ; crevaisons, perte d’enjoliveur ou encore défaut de parallélisme pour les voitures.

Dangereux ralentisseurs

Ce n’est évidemment pas le seul combat. Toujours ne première ligne, les motards viennent de saisir les politiques pour raboter des ralentisseurs dangereux, qui le plus souvent sont trop imposants, trop hauts. “L’ancien président de la Métropole, Philippe Saurel s’était engagé, en 2019, après un audit de tous les ralentisseurs, de les remettre aux normes en 2020, ils ne doivent pas faire plus de 10 centimètres sur quatre mètres de large.” C’est peut-être l’un de ces dangereux “gendarme couché” qui pourrait être mis en cause dans le décès d’un motard il y a quelques jours à Prades-le-Lez (Hérault).

Zones à faibles émissions dans la métropole

“Nous avons, à ce sujet, écrit un courrier au vice-président de la Métropole chargé des voiries, Frédéric Lafforgue. Et à Michaël Delafosse, président de la Métropole qui nous reçoit le 7 avril mais pour discuter dans un premier de la ZFE, Zone à faibles émissions.” Dont les motards veulent retarder l’échéance : “Ce sera une zone où les véhicules âgés (datant de 2004 pour les voitures, 2007 pour les motos) interdite à leur circulation dans les 31 communes de la métropole. Michaël Delafosse veut la créer le plus rapidement possible avant que l’Etat ne les rendent obligatoire en 2025. Or, les motards ne bénéficient pas des mêmes avantages octroyés aux propriétaires de voitures ; il n’y a pas de prime à la conversion par exemple…”

l’État, n’ayant plus les moyens d’entretenir les routes, en a concédé pas mal aux collectivités qui n’en n’ont pas forcément non plus…”

Eric Thiollier, membre du bureau national de la FFMC
Eric Thiollier, membre du bureau national de la FFMC. DR.

Membre du bureau national de la FFMC, Eric Thiollier lance : “La France a dégringolé au classement mondial pour l’entretien de ses routes. Et il faut rappeler que les trous et les ralentisseurs trop hauts peuvent faire tomber les motards et que les glissières peuvent les découper.”

Cette opération est un clin d’oeil à tout le travail de l’ombre de la FFMC, notamment avec les pouvoirs publics (c’est notamment grâce aux motards en colère qu’il y a dans presque toutes les préfectures un Monsieur moto). “Pourquoi les infrastructures ne sont-elles pas entretenues convenablement ? Parce que l’Etat, n’ayant plus les moyens de le faire, a concédé pas mal de routes aux collectivités qui n’en n’ont pas forcément non plus…”

“Le contrôle technique n’est en cause que dans 0,3 % des accidents, c’est infinitésimal”

Eric Thiollier en profite pour confier une bonne nouvelle : le projet de l’Europe d’imposer un contrôle technique aux motos d’ici 2022 devrait caler. “Nous devrions bénéficier d’un régime dérogatoire, comme la France le demande avec nous depuis le début, notamment en mettant en place des mesures alternatives. De toute façons, le contrôle technique n’est en cause que dans 0,3 % des accidents, c’est infinitésimal.”

D’abord, le motard connaît les risques et entretient traditionnellement sa bécane. “Il connaît les sur-risques et ne les veut pas les prendre, en effet. Ensuite, le problème principal à moto, c’est le facteur humain… Par ailleurs, un motard roule en moyenne moins de 5 000 km par an. Sa machine n’a pas forcément besoin du même type de surveillance qu’une voiture qui, elle, en fait beaucoup plus…”

Viendront ensuite ou en même temps, la défense de la circulation interfiles qui est une évidence – pratiquée convenablement – pour un moyen de transport qui a du sens aujourd’hui ou encore le stationnement de plus en plus payant dans les villes…

Olivier SCHLAMA

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