Sobriété : Toulouse augmente le prix de l’eau l’été pour “déclencher une prise de conscience”

quai de la Daurade, Toulouse. P h. P. Nin.

Économiser l’eau : c’est le leitmotiv de la Métropole de Toulouse, la première en France à se lancer dans la tarification saisonnière imposant une hausse de 42 % du mètre cube du 1er juin jusqu’au 31 octobre. Et une baisse de 30 % le reste de l’année. L’élu chargé du dossier, Robert Médina, explique les raisons qui ont conduit à cette révolution.

La Métropole de Toulouse qui compte 31 communes – est la première en France à expérimenter la tarification saisonnière de l’eau du robinet. Dès le 1er juin, le prix de l’eau sera plus chère de 42 % à partir d’un prix de départ de 3,44 € le mètre cube, soit 4,74 €/m3. Et ce, pendant les cinq  mois où l’eau est la plus rare, jusqu’au 31 octobre, l’eau coûtera plus cher. Mais son prix baissera le reste de l’année, à 2,34 €/m3. Sachant que l’eau du robinet des Toulousains provient de la Garonne à 99 % et de l’Ariège. Le débit de la Garonne se situait à 250 m3/seconde il y a quinze jours, aujourd’hui, on est 110 m3. Ça baisse à vue d’oeil.

“Cette tarification incite à changer ses comportements l’été”

Elu chargé du dossier, Robert Médina justifie : “Sans effort particulier pour réduire sa consommation, un usager qui consomme le même volume d’eau toute l’année paiera la même facture d’eau, tandis qu’un foyer consommant davantage d’eau l’été que le reste de l’année verra sa facture augmenter, l’incitant à plus de sobriété. A contrario, les mètres cubes d’eau économisés l’été permettront d’économiser plus d’argent. Cette tarification incite à changer ses comportements l’été (arrosage de jardins, remplissage de piscines) et a des conséquences très limitées pour les consommations de base des ménages (hygiène, cuisine).”

On a d’abord étudié la tarification progressive puisque Emmanuel Macron l’avait proposée en présentant le Plan Eau, en mars 2022. Et en deux ans, on s’est rendu compte que cette tarification progressive était injuste”

Pont Neuf, à Toulouse. Ph. P. Nin

Qu’est-ce qui a amené la Métropole de Toulouse à cette mesure forte ? “Notre but, ce n’est pas de pénaliser ni d’aller chercher des recettes supplémentaires. Notre but, c’est de faire comprendre conscience à tout le monde que l’eau est un bien précieux. On a d’abord étudié la tarification progressive puisque Emmanuel Macron l’avait proposée en présentant le Plan Eau, en mars 2022. Et en deux ans, on s’est rendu compte que cette tarification progressive était injuste. Pourquoi ? Parce qu’elle ne pouvait s’appliquer qu’aux compteurs individuels. Or, sur Toulouse Métropole (37 communes) 70 % de l’habitat est de l’habitat collectif.” Il y a bien la seconde métropole qui pratique cette tarification progressive : Montpellier. “Mais elle ne pratique seulement sur les compteurs individuels.”

Concrètement, “pour un foyer de trois personnes qui consomment environ 120 m3 par an et sui habitent un appartement sans jardin ni piscine, la hausse serait de seulement 0,60 €, soit 60 centimes d’euros par an, et ce s’ils ne font aucun effort de sobriété. En revanche, la même famille qui a un jardin et une piscine et qui va consommer 250 m3 d’eau par an (dont 150 m3 l’été), elle paiera 84 € de plus par rapport à ce qu’elle payait en 2023, là aussi à condition qu’elle ne fasse aucun effort pour économiser sa consommation”, a calculé Robert Médina.

“J’espère que nous allons déclencher une prise de conscience pour que chacun fasse des économies d’eau.”

Ile du Ramier faune et flore. Ph. Métropole Toulouse.

Quelles économies d’eau et d’argent pense réaliser la collectivité ? “Ça, je vous le dirai au bout d’un exercice. La Métropole de Lyon est en train de mettre en place une tarification  progressive avec les premiers mètres cubes d’eau gratuits et qu’eux prévoient 15 % d’économie. Moi, je suis incapable de dire combien nous ferons d’économies à ce jour, à Toulouse. Je reste les pieds sur terre. J’espère que nous allons déclencher une prise de conscience pour que chacun fasse des économies d’eau.”

Pour qu’il y ait moins de gaspillage ou davantage d’économies d’eau ? “On espère surtout des économies d’eau, surtout au vu les années sèches, que nous venons de passer. La Garonne avait coulé l’été dernier à moins de 37 mètres cubes/seconde et 30 % à 40 % de ce débit qui était du soutien d’étiage, c’est-à-dire qui provenaient de barrages pour soutenir son débit.”

“Plan d’actions ambitieux”

Robert Médina le dit : “Nous sommes la seule Métropole en France a expérimenter la hausse du prix de l’eau quand il y en a le moins. Nous y croyons très fort. Cela fait un an que nous travaillons dessus. L’eau est l’un de nos biens les plus précieux. Avec le réchauffement climatique, ce bien devient plus précieux encore : elle est une ressource qu’il faut préserver et qui demande à chacun d’agir et de s’engager. Cette mobilisation se concrétise par un plan d’actions ambitieux, qui permettra à chacun de de faire d’avantage attention et d’économiser l’eau, particulièrement les mois où la ressource est la plus faible.” (Lire ci-dessous).

“Toulouse, un exemple de plus en plus sobre de l’eau”

Robert Médina ajoute que “la Ville de Toulouse est un exemple de gestion de plus en plus sobre de l’eau. Notamment sur l’arrosage de ses espaces verts ; les jardins publics depuis 2020, ce qui a permis de baisser considérablement les consommation d’eau et nous proposons à toutes les autres communes de la métropole de s’appuyer sur les services de Toulouse pour voir comment la ville a mis en place des outils comme du goutte-à-goutte mieux que des asperseurs… Les efforts de Toulouse sont exemplaires”. (Lire ci-dessous).

Création d’un fonds de compensation

Et les services métropolitains ont pensé à tout. Cette hausse va-t-elle profiter au délégataire de l’eau de la Métropole, Véolia ? “Si vraiment notre mesure amène une sobriété – c’est le sens du contrat que nous avons signé en 2018 sur tout changement, notamment s’il y a moins d’eau à traiter qui ferait baisser les recettes – nous compenserons financièrement”, répond Robert Médina. Et s’il y a une hausse globale de chiffre d’affaires par Veolia parce que les habitants auront payé plus cher leur eau parce qu’ils ne l’auront pas économisée ? “Nous attaquons cette tarification saisonnière au 1er juin 2024.

Il ajoute : “Sur les cinq premiers mois, il va y avoir donc une augmentation ; donc, notre délégataire Véolia va encaisser 12 M€ de plus qu’en 2023. Sauf que ces 12 M€ sont rendus à la Métropole. Ils serviront à compenser, par exemple, le manque à gagner s’il y a des économies d’eau et donc moins d’eau à traiter. Et il ne faut pas oublier que le reste de l’année, Véolia encaissera 12 M€ de moins. Ce que l’on veut c’est qu’au moins de juin 2025, dans un an, on puisse compenser l’effet de sobriété amené par notre tarification saisonnière.”

“Jusqu’en 2018, nous n’avions aucun problème de débit de la Garonne”

La Garonne, durant été 2023… Photo : Adrien Nowak-Cd31

Pourquoi personne n’y a pensé avant si c’est une “excellente idée” ? Robert Médina précise : “Parce que jusqu’en 2018, nous n’avions aucun problème de débit de la Garonne qui approvisionne à 99 % la Métropole de Toulouse. C’est 2022 et 2023 qui ont été des années où la Garonne est descendue en-dessous du débit d’étiage moyen, c’est-à-dire 50 m3/seconde. Le soutien d’étiage, c’est l’eau apportée par les barrages des Pyrénées quand on décide de lâchers d’eau pour répondre à la demande d’eau potable. En 2023, ce soutien d’étiage, on a retiré des barrages des Pyrénées 61 millions de mètres cubes d’eau sur 71 millions de mètres cubes d’eau qui est la contenance totale de ces barrages. L’hiver, la Garonne peut “tourner” à 400 m3/seconde.” D’où l’impérieuse nécessité d’économiser l’eau l’été.

Olivier SCHLAMA

Mesures de sobriété engagées à Toulouse

En 2022, 87,1 % de l’eau potable toulousaine arrivait bien au consommateur,  alors que la moyenne française atteignait 81,5 % en moyenne. Toulouse Métropole entend maintenir le cap et se fixe un objectif de 88 % dès 2025. Chaque année, elle consacre 12 M€ à la surveillance et au renouvellement des canalisations. Ainsi, depuis 2020, ce sont 27 km de réseaux qui sont remplacés chaque année, soit un taux de renouvellement  de 0,8 %, quand il est de 0,66 % au niveau national. A cela, s’ajoutent des outils  de détection de fuite performants : ils ont permis d’économiser 1,3 millions de mètres cubes d’eau en 2022, par rapport à l’année précédente. Toulouse veut aussi aider toutes les communes à être sobres en eau où les initiatives se multiplient.

Arrosage intelligent, kits économiseurs d’eau…

Le kit écobox. Ph. DR.

Par exemple : le déploiement à Toulouse de l’arrosage intelligent, pilotable à
distance, qui combine besoin de la plante, météo et temps d’arrosage. Il permet d‘économiser 30 % d’eau. Dès juin 2024, il équipera les jardins historiques et une dizaine de terrains de foot. Il y a aussi la modernisation des fontaines d’ornement : en circuit fermé, elles ne nécessitent plus qu’une à deux vidanges annuelles. Ou encore la mise en œuvre de mesures de sobriété dans les bâtiments publics, comme l’installation de kits économiseurs d’eau “permettant de réduire de 30 % la consommation d’eau”. Les bonnes pratiques de sobriété de chaque commune ont vocation à être partagées.

Distribution gratuite de kits économiseurs d’eau

La Métropole, qui va mettre en place des groupes de travail communs, étudie la mise en place de groupements de commandes pour l’achat de matériel permettant la sobriété en eau. Accompagner les usagers dans les changements de pratiques Pour accompagner les habitants à changer leurs pratiques, Toulouse Métropole accélère la distribution gratuite de kits économiseurs d’eau, les Eco Box 5 000 de ces kits ont été donnés en 2023 et 30 000 Ecobox supplémentaires seront distribuées d’ici cet été. Composés d’un réducteur de débit pour douche, d’un mousseur pour robinet de cuisine d’un mousseur pour robinet de salle de bain et d’un sac économiseur d’eau pour les toilettes, ils permettent de réduire jusqu’à 30% sa consommation d’eau au quotidien.

Autre mesure de préservation du pouvoir d’achat, la mise à disposition des
abonnés d’une application de suivi de leur consommation d’eau. Grâce à la généralisation du télérelevé lancée en 2020, si une fuite apparaît, elle est détectée tout de suite, permettant d’éviter des dépenses inutiles et du gaspillage de la ressource. Enfin, la mise en place d’une tarification saisonnière incitera chacun à faire plus attention et à économiser l’eau quand la ressource est la plus  faible.

Mieux gérer l’eau de pluie

Parce que chaque goutte compte, le stockage de l’eau de pluie permet de répondre à certains usages pour lesquels l’eau potable n’est pas nécessaire. Par exemple, lors de réaménagements de rues, des tranchées de Stockholm (rue de Metz, Grand rue St Michel…) permettant de stocker les eaux pluviales sur le domaine public pour l’arrosage d’espaces verts sont réalisées. Dans les opérations d’aménagement et de voirie, la “priorité est donnée aux revêtements perméables et à la végétation afin de favoriser l’infiltration des eaux de pluie. Proposer des alternatives à l’eau potable Alors que l’eau se raréfie, l’utilisation d’autres types d’eau est étudiée et expérimentée. Par exemple : la récupération de 400 m3 d’eaux pluviales de la ZAC Montaudran grâce à l’installation d’une pompe dans un bassin de rétention pour l’ arrosage des espaces verts”.

Et la Métropole de Toulouse d’ajouter : “Dans le cadre de Val’Réu, une station-service des eaux usées traitées pour le nettoyage de voirie a été créée. Il y aura prochainement la mise en place d’une aide à l’acquisition de récupérateurs d’eau La tarification saisonnière de l’eau Chaque été, l’eau de la Garonne se fait plus rare à Toulouse…”

Olivier SCHLAMA

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