Ouvrir un cursus bilingue ; développer l’enseignement renforcé ; aider à l’ouverture d’une calendreta ; déployer une signalétique bilingue… L’Office public de la langue occitane a élaboré douze fiches-conseil pour les maires. Sur 4 500 communes d’Occitanie, 500 devraient déjà s’en saisir : elles s’étaient prononcées en faveur d’une politique active de vulgarisation dans une grande enquête menée par la Région Occitanie voici un an. Élu régional chargé du dossier, Benjamin Assié en explique la philosophie.
On connait le succès foudroyant du el català de butxaca, catalan de poche ; gratuite, cette boîte à outils inventée il y a quelques mois par l’Office public de la langue catalane s’arrache ! Un phénomène : les 5 000 exemplaires s’étaient écoulés en quelques jours. Un retirage était prévu et même un… tome 2 ! Il existe désormais un “kit occitan”, imaginé par l’Office public de la langue occitane (Oplo). Les deux idées sont “complémentaires“, qualifie Benjamin Assié, conseiller régional. “La philosophie de ce mandat pour le développement et la vulgarisation des langues régionales.”
Ce kit occitan vise à accompagner les collectivités. Ouvrir un cursus bilingue ; développer l’enseignement renforcé ; aider à l’ouverture d’une calendreta ; déployer une signalétique bilingue ; proposer une version occitane d’un site internet, etc. Au total, douze fiches ont été élaborées composant cet outil en direction des collectivités. Quelque 600 unités ont déjà été imprimées. On peut bien évidemment les consulter aisément en allant sur le site de l’Oplo.
“Il y a vraiment une nécessité que les communes nous aident parce qu’elles gèrent l’univers quotidien des gens”
En amont, l’Office de la langue occitane a pu s’appuyer sur une certitude : “Plusieurs centaines de communes et de collectivités locales, près de 500 qui avaient répondu favorablement à notre enquête ayant conduit à notre plan baptisé Cultura Viva en faveur des langues régionales, dont Dis-Leur vous a parlé ICI. Ces collectivités-là avaient déjà signalé un intérêt direct” et devraient être intéressées pour se servir de ce kit en interne qu’elles recevront par la Poste. “La Région agit beaucoup ; certains départements aussi mais au niveau des communes, il y a vraiment une nécessité qu’elles nous aident parce qu’elles gèrent l’univers quotidien des gens.”
Huit personnes sur dix, en Occitanie, favorables à des actions
“Lors de la concertation que nous avions menée l’année dernière avec des maires, des élus locaux, etc., explique Benjamin Assié, on s’est aperçus qu’au niveau des conseils municipaux, il y avait vraiment la volonté de faire des choses mais sans savoir quoi faire.” Au-delà de ces 500 déjà identifiées, le but c’est de “distribuer ce kit aux 4 500 communes auxquelles Carole Delga avait écrit. Beaucoup de choses peuvent se faire et celles-ci ne sont pas coûteuses ! C’est juste une question de volonté. Sachant que “près de huit personnes sondées sur dix, en Occitanie, se disent favorables à des actions publiques. Au total, cela représente environ 542 000 personnes (sans compter les locuteurs qui vivent sur le reste des territoires de langue occitane : Auvergne, Drôme, Ardèche, Provence et vallées occitanes du Piémont italien.
Il y a aussi la possibilité d’ouvrir un cours pour adultes pour que les familles aient ensemble accès à l’occitan et le fasse vivre en famille en pratiquant avec leurs enfants…”
Benjamin Assié prend l’exemple d’enrichir “l’offre d’enseignement occitan dans une commune, les élus ont un rôle à jouer. Peu d’entre-eux savent que l’on peu transformer son école ou y ouvrir un cursus bilingue au primaire. La démarche, dès lors qu’il y a une volonté locale et des parents et des élus, l’Education nationale est censée donner une réponse. Nous, on leur dit : levez le doigt. Il y a aussi la possibilité d’ouvrir un cours pour adultes pour que les familles aient ensemble accès à l’occitan et le fasse vivre en famille en pratiquant avec leurs enfants. Un vrai partenariat avec les collectivités, c’est déterminant”. Benjamin Assié insiste aussi sur les éléments de signalétique dans une commune qui peuvent être en français et en occitan et, là aussi, c’est une action “qui ne coûte pas plus cher qu’elle soit ou non aussi en occitan”.
La loi Notre fait de l’action pour les langues régionales l’une des compétences partagées entre l’Etat et les collectivités. Mais c’est une compétence pour laquelle personne n’est jamais formé”
L’élu régional précise : “Ce kit est très pratique. Il explique tout ce que l’on peut faire et comment. Y compris le cadre réglementaire, en France. On est tellement dans l’idée que l’article 2 de la Constitution empêcherait de tout faire en la matière, hors du français, qu’on oublie que la question de la promotion et de l’usage des langues régionales fait l’objet de tout un arsenal de lois et de décrets qui permettent de faire pas mal de choses dont peuvent s’emparer les collectivités.”
Précisant : “La loi les y invite largement. La loi Notre fait de l’action pour les langues régionales l’une des compétences partagées entre l’Etat et les collectivités. Mais c’est une compétence pour laquelle personne n’est jamais formé. Les agents qui veulent être formés soient bien informés. Aujourd’hui, on peut apprendre beaucoup de langues facilement mais pas celle de son territoire…”
Comment on sort de la situation de “langue en danger” pour l’occitan, comme le dit l’Unesco, il faut que tous ceux qui souhaitent apprendre cette langue puisse le faire…”
Quelles actions sont les plus faciles à réaliser ? “Celle, déjà, d’assumer, l’existence de l’occitan sur un territoire, pose l’élu. On sait que les noms de lieux en grande partie sont issus de la langue historique. On peut le faire en plus en expliquant l’histoire, les paysages… C’est intéressant et qui rend facilement visible la langue. Après, évidemment, c’est comment on sort de la situation de “langue en danger” pour l’occitan, comme le dit l’Unesco, il faut que tous ceux qui souhaitent apprendre cette langue puisse le faire. Il y a un duo local à avoir partout sur une offre de services pour les enfants à l’école et pour les adultes qu’ils aient une offre associative, par exemple, sous forme de cours de langue, de café occitan…”
“Le sentiment de perte de la langue est massif”
Il y a urgence. “Le sentiment de perte de la langue est massif”, opine Benjamin Assié. “Cette volonté de reprendre le flambeau, de se reconnecter avec la langue historique, c’est une révolution par par rapport à nos aînés qui en ont été dissuadés parce que, leur disait-on, ça ne vaut pas le coup ; ce n’est pas une vraie langue… Ça s’est complètement retourné. Parce que la société a changé, aussi ; que l’on a une autre approche de ce qui est le progrès et l’avenir. Finalement, notre Région, derrière ses deux langues régionales, détient une culture, c’est aussi une relation à son histoire.”
Et ce genre d’initiative, c’est également bénéfique pour les 42 000 nouveaux arrivants chaque année en Occitanie. “On estime à 7 % le nombre de locuteurs de l’occitan sur ces territoires. Ce taux varie selon les territoires, de 2 % à 22 % dans les régions françaises, et jusqu’à 62 % au Val d’Aran. Et 92 % s’expriment en faveur du maintien ou du développement de la langue occitane”, certifie l’Office de la langue occitane.
Fruit de douze mois de concertation
La Région réfléchit à tous les canaux par lequel on va pouvoir distribuer ce “kit” : les Maisons de la région ; les services où les villes viennent déposer des demdandes de subvention, etc. “De plus en plus de collectivités locales s’engagent en faveur de la langue occitane : demande d’ouverture de cursus bilingues à l’école, soutien aux activités associatives, formation de personnels à la langue, valorisation du patrimoine local, programmation d’artistes en langue occitane, etc.”, explique-t-on à l’Office de la langue occitane.
Au-delà de l’accompagnement des collectivités, le projet vise également à équiper les acteurs de terrain lors de leurs interactions avec celles-ci. Fruit de douze mois de concertation, il a mobilisé neuf partenaires : la Région Nouvelle-Aquitaine et la Région Occitanie, le CIRDOC-Institut occitan de cultura, le Congrès permanent de la langue occitane, l’association Oc-Bi pour l’enseignement bilingue à l’école publique, la con-fédération des Calandretas, l’Institut d’études occitanes et les deux Centres de formation professionnelle en occitan (CFPO) de Béziers et de Pau. Des personnes ressources ont en outre été identifiées pour orienter les demandes d’accompagnement.
Olivier SCHLAMA
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