Calices, retables, statues, peintures, etc… Le ministère de la Culture a lancé une opération de recensement participatif auprès des communes propriétaires de ces objets classés du patrimoine. Pas moins de 280 000 trésors ont ce statut de protection mais sont souvent oubliés – comme leur histoire – dans une cave, une armoire… Quand ils n’ont pas disparu ou ont été volés. C’est aussi une occasion de lancer des restaurations – subventionnées – et d’imaginer, parfois, des mises en valeur. L’Ariège, les Hautes-Pyrénées ont déjà fait un travail formidable dans la région. C’est bientôt au tour du Gers et de la Haute-Garonne.
Quand le numérique remet en lumière des chefs d’oeuvre oubliés. Du lit dit d’Henri IV, au château de Pailhès, aux calices et statues de Vierge à l’Enfant disséminés dans les églises rurales, les communes de l’Ariège abritent plus de 4 800 objets protégés au titre des monuments historiques (inscrits ou dans une moindre mesure classés).
“Belles surprises” dans l’Ariège
“Notre recensement d’objets – avec photo et fiche à remplir – a commencé il y a un mois et nous amènera d’ici le 6 décembre à inventorier quelque 5 000 objets, principalement religieux ; et, déjà, nous avons de belles surprises parmi les objets conservés dans les 300 communes qui en possède en Ariège, l’un des départements les plus grands de France… Parmi lesquelles le retable de Cérisols, par exemple du XVIIIe siècle”, confie Pauline Chaboussou, conservatrice délégué aux antiquités et objets d’art du département de l’Ariège.
Collectif objets, plate-forme nationale de collecte
Oubliés au fond d’une armoire, remisés dans une cave, archivés, ignoré parce qu’on en a perdu la trace historique ou carrément perdus, voire volé…, Tous ces objets sont en train de ressortir de l’oubli et reprennent vie, via une plate-forme numérique nationale de collecte baptisée Collectif Objet. “Le plus souvent ce sont des objets religieux catholiques. C’est colossal. Parfois, cela permet de répondre à une urgence de conservation ; je me souviens d’objets qui étaient attaqués par des insectes…” Ce recensement permet aussi d’imaginer des valorisations intéressantes, comme la création, temporaire ou non, de parcours muséaux.
Les Hautes-Pyrénées, précurseures
“Cela donne en effet des idées pour des projets ultérieurs…” En plus d’être participatif, ce recensement met aussi involontairement les départements en relation. “Nous avions, en amont, beaucoup échangé avec nos homologues des Hautes-Pyrénées, à l’occasion d’une journée de formation…” Le département des Hautes-Pyrénées a d’ailleurs été le troisième des quinze départements à se lancer dans cette aventure avec 78 communes participantes sur 221, soit un taux de participation de 35 % avec 452 objets recensés. “Leur taux de réponse de leurs communes nous a encouragés”, précise Pauline Chaboussou.
Retable remarquable de l’église de Cérisols
Enthousiaste comme si elle les découvrait pour la première fois, Pauline Chaboussou, conservatrice déléguée aux antiquités et objets d’art du département de l’Ariège, évoque sans se faire prier un retable remarquable, celui de l’église de Cérisols, un secteur qui ne possède pourtant pas beaucoup de patrimoine baroque. À l’image de cette oeuvre d’art, les 36 000 communes françaises sont appelées, peu à peu, à travers leurs conseils départementaux volontaires à faire l’inventaire de leurs objets.
Cette initiative portée par le ministère de la Culture va permettre à chaque collectivité de prendre la mesure de son patrimoine, son état et pourquoi pas, de découvrir de nouvelles richesses historiques et culturelles ! Au-delà du recensement, Collectif Objets c’est aussi l’opportunité pour les communes de signaler des situations urgentes qui nécessitent une intervention de restauration.
“Signaler les urgences, rafraichir la mémoire…”
Les communes sont dans la quasi-totalité des cas propriétaires et responsables de la plupart de ces objets qui sont partie intégrante de ce patrimoine et qui forgent l’identité culturelle des départements. Malheureusement, faute de temps, de moyens ou par simple méconnaissance, ils sont trop souvent menacés par l’oubli, les dégradations ou encore dérobés… Catherine Saint-Martin est la responsable du patrimoine au département de l’Ariège. Elle dit : “Ce recensement a, pour nous, deux objectifs : cela permet de signaler et traiter les urgences rapidement. Et cela rafraîchit la mémoire des communes : ce sont elles qui sont propriétaires des objets protégés quand ceux-ci datent d’avant 1905 {date de la loi de séparation de l’église et de l’Etat} et non pas l’évêché.”
Imaginer la mise en place de circuits
C’est aussi l’occasion d’amorcer des projets de mises en place de parcours, circuits culturels. Une pratique déjà dans l’air du temps en Ariège qui recense ses objets en réalité “depuis 2014″, reprend Pauline Chaboussou, conservatrice délégué aux antiquités et objets d’art du département de l’Ariège. Mais, avant cela, il faut sécuriser les édifices religieux et établir la bonne connexion avec tous les propriétaires. Et de citer un exemple vertueux, celui de l’association les Trois-Arches qui a réussi, à Mijanes, à créer un circuit d’art contemporain en créant justement un circuit.
“Nouvelle manière de faire le tour des 280 000 objets protégés au titre des Monuments historiques”
Leur particularité ? Tous ces objets anciens classés aux monuments historiques – trois communes sur quatre en détiennent -, “comme chefs d’oeuvre classés ou seulement inscrits, ils sont au nombre de 280 000 pour la France entière”, souligne Romuald Goudeseune, conservateur du patrimoine. Depuis la Drac du Grand Est où il officie habituellement, l’homme de l’art pilote ce beau projet appelé Collectif objets, lancé conjointement par le ministère de la Culture et la direction interministérielle du numérique.
“C’est une nouvelle manière de faire le tour des quelque 280 000 objets protégés au titre des Monuments historiques sur le territoire national, la protection juridique la plus forte dans notre droit. Ce sont des trésors nationaux. Inaliénables que l’on ne peut pas les restaurer sans contrôle. Et pour lesquels on peut bénéficier de subventions du ministère de la Culture pour le faire. La plupart du temps, ce sont les communes qui en sont propriétaires. Il y a aussi des propriétaires privés mais c’est marginal.”
L’histoire de ces objets, c’est l’inverse de celle de musées : les communes veulent à tout prix par tous les moyens les laisser là où ils sont nés, à l’endroit où ils ont été fabriqués”
Romuald Goudeseune, en charge du projet Collectif objets
Ce sont principalement des objets de culte catholiques qui sont ainsi classés et la propriété de leur commune. “On en parle peu mais il y aussi des objets civils comme des tas de Mariannes en mairie ; de peintures ; des statues… L’histoire de ces objets, c’st l’inverse de celle de musées : les communes veulent à tout prix par tous les moyens les laisser là où ils sont nés, à l’endroit où ils ont été fabriqués.”
“La démarche est simple : on se rappelle aux communes pour leur dire : “Vous savez que vous avez a priori tels objets chez vous ?” L’idée est de mieux conserver, restaurer, mettre en valeur. Et éviter les vols ? “Les élus nous disent sont ravis de l’apprendre car trois fois sur quatre l’info concernant ces objets s’est perdue. On protège ainsi des objets depuis la fin du 19e siècle et au fil des mandatures, les municipalités ont pu l’oublier. La loi nous oblige à faire le tour de cette question tous les cinq ans. Ce qui est compliqué, c’est d’aller dans chacune des 36 000 communes pour inspecter ces objets.”
Déjà 10 000 objets inventoriés dans 15 départements
Ce projet rencontre un engouement. Sur 15 départements déjà volontaires, déjà 10 000 objets ont été inventoriés en citant le lieu et l’état de conservation de leurs objets protégés. Ces infos sont ensuite transmises au conservateur du patrimoine de leur département qui donne des préconisations à la commune concernée, voire des conseils pour une mise en valeur, une restauration, une sécurisation. Dans l’Ariège, où trois conservatrices travaillent d’arrache-pied, on a recensé 253 communes qui abritent au total près de 5 000 objets protégés.”
À la recherche de pièces qui semblent avoir disparu
Quant au trafic d’objets d’art, ce recensement apporte, certes, sa pierre à l’édifice, même si ce sont d’autres services spécialisés qui s’en occupent. “Si on a des signalements de disparition, on va les en informer. Nous avons déjà des bases interconnectées avec Interpol car il s’agit souvent de trafics internationaux.” Sur les quinze départements participants, parfois, on peut remettre la main sur des trésors patrimoniaux. C’est le cas de lampes de sanctuaire qui sont peu nombreuses en France. “Récemment, nous avons remis la main sur l’une de ces lampes, dans l’Aube. Elle va être restaurée. On est en train de rechercher dans d’autres départements des pièces qui semblent disparues. D’où l’importance de terminer le recensement en France. Il y a aussi des communes qui veulent restaurer des objets. On a ainsi retrouvé une statue cassée en trois morceaux, un trésor national, qui va être restaurée là aussi.”
Quinze campagnes en cours en France
Ainsi, une quinzaine de campagnes de recensement participatif sont déjà en cours dans toute la France. Depuis le lancement de Collectif Objets, ce sont une quinzaine de campagnes de recensement participatif qui ont été menées dans toute la France – soit plus de 10 000 objets protégés recensés et plusieurs centaines de communes participantes ! En Occitanie, les Hautes-Pyrénées ont déjà participé à ce recensement, et les départements du Gers et de la Haute-Garonne seront les prochains à s’y engager.
Programme d’incubateurs de services publics
Une initiative portée par le programme d’incubateurs de services publics numériques et l’Atelier numérique, l’incubateur du ministère de la Culture dans le cadre du programme beta.gouv. En région, elle est relayée et suivie par les conservateurs des monuments historiques chargés de coordonner les missions des conservateurs des antiquités des objets d’art. L’objectif est de répondre à des problèmes pratiques identifiés par des agents de terrain et de les accompagner dans la construction de services numériques susceptibles d’apporter des solutions.
Olivier SCHLAMA
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