Davantage de tourisme de proximité, de visiteurs espagnols… Certains sites de Cerdagne et Capcir ont enregistré des pics de fréquentation de + 150 % ! Par ailleurs, le secteur marchand a certes tiré son épingle du jeu malgré la baisse du pouvoir d’achat. Dans les P.-O., 7e département français et deuxième d’Occitanie, on en a pleinement conscience d’un tourisme en mutation. La saison 2025 illustre la nouvelle stratégie départementale. Explications avec Aude Vivès, vice-présidente chargée du tourisme.
Avec ses Pyrénées altières qui plongent dans le bleu de la Méditerranée, le département des Pyrénées-Orientales est un territoire béni pour le tourisme. Touristes et autochtones, pour un séjour ou une simple activité de loisir, ne s’y trompent pas : de Molitg-les-Bains à Perpignan, de Font-Romeu à Céret et le littoral, ce secteur est la “locomotive économique” du département.
65 000 emplois directs, 7,6 millions de visiteurs par an

Cette manne représente chaque année 1,3 milliard d’euros, ce qui en fait la première économie du territoire des P.-O., 7e département français et deuxième d’Occitanie en la matière. Le tourisme y représente enfin 65 000 emplois directs pour 7,6 millions de visiteurs par an (dont 3,5 millions de touristes et 4 millions d’excursionnistes) et 30,6 millions de nuitées. Plus que primordial avec un fort taux de chômage, autour de 12 %, contre 8,8 % pour l’Occitanie et 7,2 % en France. De mai à octobre, le nombre de nuitées dépasse les 23 millions.
“Le tourisme de proximité confirme nos choix, la montée en puissance du tourisme de nature et de patrimoine”
Et, comme le dit Hermeline Malherbe, présidente du département des P.-O., “la complémentarité de nos territoires est résolument une force : littoral, montagne, ville et campagne participent ensemble à l’attractivité de notre département. Le tourisme de proximité – près de 20 % des touristes français viennent d’Occitanie mais 18 % de l’Ile-de France, Ndlr – confirme nos choix et fondements, la montée en puissance du tourisme de nature et de patrimoine, ainsi que la fidélité de nos visiteurs étrangers (+ 6 % d’Espagnols, + 5 % d’Anglais, + 16 % de Marocains, mais une baisse de l’Europe du Nord, Ndlr) sont autant de signaux encourageants pour l’avenir. Pour 2026, notre ambition reste claire : poursuivre la montée en gamme, valoriser la diversité de nos destinations, les savoir-faire locaux, et le faire savoir !” Oui, parce que la saison 2025 apparaît contrastée.
Le secteur non marchand à la peine !

S’agissant de la clientèle française, on observe, grâce à l’étude Fluxvision (via la téléphonie mobile), un léger repli des nuitées : – 15 % en mai (avec une baisse du nombre de jours fériés et de ponts) ; – 2,7 % en juillet ; – 3,4 % en août et – 1,8 % en septembre (mais + 3,9 % en juin, mois privilégié des météosensibles). “C’est principalement le secteur non marchand – en famille, chez des amis – qui a baissé de 4 % à cause justement de la conjoncture économique très délicate et une baisse du pouvoir d’achat.” Il y a ceux qui ne sont pas partis. Et, parmi les gens qui sont venus dans les P.-O., on trouve ceux des départements voisins, en tant qu’excursionnistes, à la journée.
“L’offre marchande a su s’adapter et adapter ses prix”

La présidente de l’ADT complète : “En revanche, l’économie marchande, elle, tire son épingle du jeu. Et notre département par rapport à l’arc méditerranéen a limité la casse. L’offre marchande a su s’adapter et adapter ses prix dans l’hébergement, notamment l’hôtellerie de plein air en hausse de plus de 3 % ; l’hôtellerie, de + 5 % à + 8 % en fonction des lieux. Les Gîtes de France, qui partaient certes de très bas, sont satisfaits. » Aude Vivès évoque aussi “les loisirs avec expérience ou à haute valeur ajoutée, ont réalisé une bonne saison ; les balades en bateaux, par exemple, ont cartonné”.
Dans ce concentré d’Hexagone doté de la mer, la montagne, une frontière, a-t-on vécu la même saison contrasté qu’ailleurs en France ? “Nous sommes sur la même ligne qu’en Occitanie et en France en général. Le pouvoir d’achat, c’est le nerf de la guerre. La restauration, par exemple, a pris cher partout avec des baisses qui vont de – 10% à – 30 %.”
Crise, baisse du pouvoir d’achats, météo, incendie…
Car les raisons de cette saison contrastée mettent en avant d’abord, “une conjoncture défavorable” qui a affecté région Occitanie et Hexagone. À commencer par la crise géopolitique ; la concurrence aiguë entre destinations dont certaines cassèrent les prix. Mais surtout un fait saillant : la baisse du pouvoir d’achat qui se ressent partout. Les touristes font des choix de consommation drastique : davantage de pique-nique que de restaurants ! N’oublions pas les épisodes de canicule et le violent incendie dans l’Aude, voisine, le 6 août qui parachevé le tout. “Tout cela a freiné les intentions de départ en vacances comme les dépenses sur place”, résume Aude Vivès, vice-présidente du département et présidente de l’ADT, l’Agence de développement touristique.
Littoral en baisse, la montagne au… sommet

L’analyse par grands espaces fait apparaître là aussi son lot de contrastes. Le littoral, au coeur de l’été en juillet-août, accuse une baisse de 4,8 % des nuitées françaises, sans doute par la moindre utilisation des résidences secondaires ; une baisse des séjours chez un parent et amis et un léger “ralentissement des locations saisonnières”.
C’est un peu la revanche des hébergements marchands ! (gîtes, campings, résidences de tourisme, villages de vacances, etc. “stables voire en légère hausse“. Et la grande gagnante, c’est la montagne ! Avec une hausse de 8,2 % des nuitées en haute saison ! La période du 4 au 16 août a même atteint des… sommets jamais atteints ; la recherche d’un tourisme plus nature et apaisé, sans doute. avec des nuits moins caniculaires. Mais avec des comportements de plus en plus à risques. D’ailleurs, Aude Vivès et les services de secours tirent la sonnette d’alarme (lire ci-dessous).
Ce bilan confirme nos orientations. Nous sommes à un tournant ; majoritairement il est pris ; il y a une prise de conscience face aux changements sociaux, environnementaux et économiques”
Et même si les Pyrénées-Orientales restent les Pyrénées-Orientales avec des chiffres certes éloquents (2), il faut repenser les tenants et les aboutissants d’un secteur qui se doit d’évoluer, comme le redit Aude Vivès, pour laquelle le dernier bilan saisonnier va dans le sens d’une nouvelle stratégie dont elle avait jeté les bases il y a quelques mois.

“Ce bilan confirme nos orientations. Nous sommes à un tournant ; majoritairement il est pris ; il y a une prise de conscience face aux changements sociaux, environnementaux et économiques. On n’a pas d’autre choix que de s’adapter. D’ailleurs, on a eu des sites qui ont adapté leurs horaires pour faire face aux canicules répétées. Les gens cherchent des vacances “à la fraîche”. Ce n’est pas pour rien que la montagne a connu + 10 % de fréquentation. Cela va aussi dans le sens de vacances plus économiques. Le PGHM qui le souligne : la randonnée, c’est une journée d’immersion avec seulement une paire de baskets, un sac à dos et un sandwich.”
La crise de l’eau démontrait, déjà, que l’équilibre reste fragile. D’où cette volonté de la part de l’exécutif du département ds P.-O. de choisir la direction du “tourisme responsable”, plus équilibré dans les territoires et dans le temps. C’est la feuille de route qu’avait présentée Aude Vivès. Une stratégie qui s’articule autour de trois ambitions et “46 propositions” validées par les élus départementaux. Et de considérer la sécheresse historique comme une “opportunité pour réfléchir à une adaptation. Autant maîtriser et ne pas subir. Positivement”, positivait Aude Vivès. avec un enjeu d’animer ce territoire tout au long de l’année.
Olivier SCHLAMA
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(1) 86 % des nuitées sont françaises, 14 % sont des nuitées étrangères. 94 % viennent en voiture, 4 % en train, 2 % en avion. Les P.-O, ce sont en outre 10 stations balnéaires ; 6 stations de ski ; 5 stations thermales et 3 centres de thalassothérapie.
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(2) Le tourisme dans ce département entre mer et montagne ce sont 55 000 emplois salariés et non-salariés liés au tourisme soit près de 15 % de l’emploi salarié marchand du département ; 29,1 millions de nuitées marchandes et non marchandes.
Montagne : + 150 % de fréquentation sur certains sites et des interventions plus graves touchant davantage de non-initiés
La fréquentation des Pyrénées Catalanes est en forte hausse. Et les accidents aussi. “Il faut répéter les messages de prévention sur les comportements à risques pour soi-même et les autres, argue Aude Vivès. On ne peut plus maintenir une offre qui ne serait plus adaptée et une offre de services qui ne le seraient plus. Il faut renforcer la prévention. Il n’y a pas de hausse exponentielle du PGHM (peloton de gendarmerie de haute montagne) mais les typologies d’intervention sont plus graves, plus difficiles et concernent des personnes qui connaissent mal la montagne. Il faut des conditions physiques, matérielles, de météo à respecter.”
Il y a des visiteurs pas acculturés à la montagne et qui vont faire des selfies avec des vaches et qui s’étonnent après de se faire encorner…”

Et de confier : “Le 10 août, nous avons eu à déplorer un décès par hypothermie, par exemple. Il y a aussi des visiteurs pas acculturés à la montagne et qui vont faire des selfies avec des vaches et qui s’étonnent après de se faire encorner… Il faut faire passer des messages de prévention et de responsabilisation et aller peut-être vers le non référencement de certains chemins parce qu’ils sont par exemple dans une zone d’estive. Et comme on le fait pour le grand tétras ou d’autres espèces menacées, on pourrait affirmer que certaines parties de la montagne qui peuvent aussi être réservées au pastoralisme. Il y travaille des éleveurs, par ailleurs en grande difficulté avec la dermatose, et qui doivent aussi voir leur mode de travail respecté. C’est un partage de l’espace important à faire comprendre à nos visiteurs. Ce n’est pas un terrain de jeu sans limites. Il faut faire de l’éducation à l’environnement.” De la même manière que ce qui se fait à Banyuls dont le sentier sous-marin, en lisière de la réserve marine, a accueilli plus de 35 000 personnes cet été !
Sur certains sites de montagne, on a même atteint + 150 % de fréquentation ! Aux Bouillouses ; le lac du Lanoux, à la frontière avec l’Aude ; la vallée d’Elne. Capcir et Cerdagne ont connu une hausse de fréquentation notable. Les stations de montagne ont d’ailleurs proposé des activités de vélo, bien-être. Que ce soit Trio ou les Neiges Catalanes.
Du 1er juin au 30 septembre, les secours ont reçu 67 588 appels ; ils ont comptabilisé 280 feux de végétation pour 57 hectares brûlés. Sur les plages, il y a eu 69 interventions aquatiques et 805 terrestres et, enfin, 38 recherches de personnes.
O.SC.
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