Portrait : La Leçon de vie de Sandrine, nounou en… fauteuil, hyper-sportive et fan de voyages !

Sandrine Lourdet à la sortie du Beluga, le bateau du club de plongée "pour tous", L'Odyssée. Photo : Olivier SCHLAMA

“Seule nounou en France en situation de handicap”, Sandrine Lourdet est un exemple de résilience, d’énergie et de volonté. Les parents des enfants qu’elle aide à grandir depuis Montpellier lui témoignent régulièrement une vraie reconnaissance. Mais elle a en eu des “bâtons dans les roues”...

Ce jour-là, le soleil joue à cache-cache. Pas Sandrine Lourdet qui envoie ses rais de bonne humeur droit devant, malgré les yeux qui plissent à cause d’une luminosité trop forte pour elle. En fauteuil roulant, elle sort du Beluga, bateau du club de plongée “pour tous” L’Odyssée, qui vient d’accoster au port des Quilles.

“C’est un club bien équipé pour les handiplongées”, dit cette Montpelliéraine de 42 ans qui, samedi, a plongé au pied du Théâtre de la Mer en compagnie d’autres personnes souffrant de handicap. Comme Jules, 25 ans, autiste, dont la maman, Jeanne, ex-conseillère bancaire, qui s’en occupe “full time”, n’a pas de mots assez forts pour dire que “c’est génial de permettre ce genre d’activités à tous et pour une cotisation de seulement 110 € par an, assurance comprise”. Tous les participants ont pu s’émerveiller au tombant de la maigre côte rocheuse sétoise, de la présence au fond de l’eau calme d’une mitraillette allemande de la Seconde Guerre mondiale et même d’un canon… napoléonien !

Sandrine plonge avec le club Odyssée de Sète. Ph. Olivier SCHLAMA

“Méconnaissance du handicap, peur…”

Née à Charville-Mézières (Ardennes), Sandrine Lourdet en est arrivée à préparer même son premier niveau de plongée. Elle connaît le prix de l’effort : ses “médailles” personnelles et professionnelles, elle les a remportées de haute lutte. “Je suis sans doute la seule nounou de France en situation de handicap”, dit-elle sans tabou mais sans aucune once d’exhibitionnisme. Elle sort du bateau puis remonte le quai en pente, avec la seule aide de ses bras.

Certes, elle dispose d’un fauteuil très mobile. Mais son chemin perso, personne ne le lui a tracé à sa place. “Des bâtons dans les roues”, elle en a subis, notamment, dit-elle, de la hiérarchie administrative qui doute régulièrement de ses capacités… “Par méconnaissance du handicap, peur…” Et d’ajouter : “Maintenant, je me bats pour ma vie et si la façon dont je conduis ma vie peut donner des ailes à d’autres personnes handicapées, tant mieux !” 

J’ai commencé par faire des petits boulots dans une association de prévention routière, notamment. Mon job était de faire de la prévention en racontant mon accident” 

Sandrine Lourdet Photo : Olivier SCHLAMA

Tout commence avec son départ de son département d’origine. “À 7 ans, en 1989, j’ai suivi ma mère, greffière. Mon père, routier, est resté dans les Ardennes…” Dans les Bouches-du-Rhône, elle passe le bac. Je voulais bosser dans l’univers de la petite enfance. J’ai suivi des études en médico-social, eu un CAP, en vue de travailler en service de néonatalité comme auxiliaire de puériculture.” Mais, un jour, en 2003, elle est victime d’un accident de voiture. “J’étais passagère…” Un an d’hôpital a été nécessaire. Mais elle perd l’usage de ses jambes. Et part s’installer à Montpellier en 2012, il y a dix ans. “J’ai commencé par faire des petits boulots dans une association de prévention routière, notamment. Mon job était de faire de la prévention en racontant mon accident.” 

“Par souci d’honnêteté, j’ai parlé de mon handicap et on n’a pas voulu me donner les dates de formation…”

Elle garde, chevillée au corps, l’envie de travailler avec des enfants. “Mais ma réorientation était obligatoire : le fauteuil ne respecte pas les conditions d’hygiène et sécurité en milieu hospitalier.” Du coup, Sandrine Lourdet vise le diplôme d’assistante maternelle (nounou) à domicile. “La première fois que j’ai appelé le conseil départemental, par souci d’honnêteté, j’ai parlé de mon handicap et on n’a pas voulu me donner les dates de formation… Quand j’ai demandé pour quelle raison parce que mon avocat en avait soi-disant besoin – c’est le seul subterfuge que j’ai trouvé sur le moment – là, j’ai obtenu ce qu’il fallait.” C’était en 2005.

“Aucun souci avec les parents et aucun arrêt maladie…”

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Depuis, elle explique subir “beaucoup de discriminations concernant mes capacités à faire ce métier mais je n’ai aucun souci avec les parents employeurs et presqu’aucun arrêt maladie en dix-huit ans… Mon logement est équipé ; tout est à ma hauteur, j’ai placé des bloque-portes, etc.” Les discriminations qu’elle a subies, c’est, souvent, “par méconnaissance des situations de handicap et par peur”.  Sandrine Lourdet est aussi “instructrice en massage bébé AFMB ; j’ai aussi été micro-entrepreneur pour animer des ateliers TribuZen mais la crise sanitaire du covid a anéanti ma progression.” Ce n’est pas tout !

Hockey sur glace, équitation, danse, yoga, parapente… !

“Je fais du hockey sur glace à Marseille et je galère pour que le comité de Montpellier nous accorde un créneau et forme une section handicap”, détaille celle qui pratique l’équitation où elle rencontre “les mêmes soucis”. Celle qui a fait aussi de la danse inclusive pendant quatre ans, ajoute : “Je cherche à faire du yoga sur chaise mais là aussi il n’y aucun cours sauf un à Montpellier avec peu d’horaires…”

“J’ai besoin de me sentir vivante”

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Elle poursuit : “Mon handicap m’emprisonne (…) J’ai besoin de me sentir vivante dans le sport et mon métier : saut en parachute, parapente, saut à l’élastique, ULM sont mes plaisirs occasionnels. Je pratique aussi le ski chaque année depuis cinq ans avec l’association Planète Handi Sport et du fauteuil tout-terrain (FFT) avec l’association Roule Nature.”

Elle a le temps de programmer des voyages un peu partout sur la planète, y compris en Afrique “pour m’imprégner du reste d’humanité dans le monde qui se perd en France et découvrir la Vraie vie”… Et même “s’il y a encore des efforts à faire en France pour une meilleure accessibilité des personnes en situation de handicap, ce qui existe en France est déjà bien au regard de ce que j’ai constaté dans de nombreux pays étrangers”.

“Pour notre fille, Sandrine est de la famille”

La reconnaissance, elle l’a naturellement des parents des enfants qu’elle aide à grandir. Ancien gendarme, en fauteuil lui-même depuis quatre ans, Victor Husson dit : “Au départ, on a cherché avec ma femme infirmière une nounou pas loin de chez nous ; on est allés chez Sandrine et qu’elle soit en fauteuil ne nous a pas marqués plus que ça. C’est une passion pour elle : ce n’est pas une garderie comme cela peut être le cas chez d’autres nounous.”

Et :“Elle est très pédagogue et essaie même d’aider dans une démarche de parentalité. Pour notre fille, Kalypso, qui est entrée à l’école il y a un an, elle est de la famille ; nous avons gardé le contact : elle va chez Sandrine le mercredi. Pour nous, c’est une amie. Sandrine croque la vie à pleines dents ; elle a une énergie incroyable et il faut bien ça : parfois, elle garde jusqu’à quatre enfants de trois mois à trois ans, en même temps, comme son agrément le lui autorise.”

D’autres parents lui ont même écrit une lettre de recommandation, comme celle-là contenant des expressions parlantes : “Très douce” ; “Elle entretient un lien privilégié avec eux et démontre une vraie vocation, voire passion, à travailler auprès d’eux.” ;  Sandrine a “de réelles capacités pédagogiques”… etc.

“Quand on a un rêve en tête, on peut le réaliser”

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Celle qui aurait pu rester cloîtrer chez elle comme beaucoup d’autres personnes handicapées, a soif d’activités, de rencontres. Une leçon de vie. “Tout est possible. Quand on a un rêve en tête, on peut le réaliser”, dit-elle sans arrogance. Sandrine milite pour d’avantage d’information auprès des jeunes sur la vie d’un handicapé. “Il faut leur montrer ce que cela représente, dès le lit d’hôpital. Quand j’étais dans le mien, pendant un an, des jeunes sont venus me voir : ils ont compris d’où part une blessée comme moi et où on peut arriver…”, dit celle qui est un exemple de résilience.

“Le monde aquatique, on a envie de le protéger : il est comme un nouveau-né…”

Elle fait presque seule le lien entre son métier d’ass’mat et la plongée. “J’aime m’occuper des enfants ; c’est un univers insouciant, celui de la naïveté et de la pureté. La plongée, c’est un peu pareil et en plus on est en apesanteur, sans contraintes musculaires fortes ; c’est une situation relaxante et libératrice d’un corps épuisé par le handicap. Et puis, le monde aquatique est beau ; on a envie de le protéger : il est comme un nouveau-né. La plongée, c’est comme un retour aux sources…”

Olivier SCHLAMA

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