C’est donc à Sète, sur les cimaises du musée Paul-Valéry, que Martial Raysse a accepté de montrer à nouveau ses productions et de présenter ses œuvres les plus récentes. Depuis la rétrospective du Centre Pompidou en 2014 et du Palazzo Grassi en 2015 à Venise, Martial Raysse n’avait plus souhaité exposer dans un musée. Il y revient, pour le plus grand plaisir du public avec un vent de fraîcheur iconoclaste. Car, attention, ce monsieur de 87 ans, dont l’oeuvre traverse plus de 60 ans d’Histoire de l’Art, c’est un punk !
Son travail est porté depuis les années 1960 par une volonté d’expérimentation qui traverse le temps et l’a conduit à pratiquer toutes les techniques de production d’images. L’exposition sétoise reflète cet infatigable esprit d’expérimentation qui en fait l’un des artistes majeurs de l’art contemporain français.
De la “période pop-art” jusqu’au regard sur “Les Maîtres”
“J’ai commencé par la poésie, je suis un poète avant tout”, affirme Martial Raysse, né à Golfe-Juan-Vallauris en 1936. Et c’est à Nice, en 1955 qu’il publie en effet une plaquette de poèmes. Suivie dès 1958 d’une première exposition personnelle… Il côtoie un moment ses amis niçois Yves Klein et Arman, puis démarre sa “joyeuse période pop des années 1960” particulièrement appréciée du marché de l’art.
Là où certains (et non des moindres) se contenteront d’exploiter un filon particulièrement juteux. Lui, conserve cette volonté d’explorer et d’aller “voir ailleurs”. “Le pop-Art c’était trop facile à faire pour moi, commente-t-il. Or, la peinture ce n’est pas un métier, c’est un sacerdoce.”
Pour Martial Raysse “si on veut apprendre la peinture, il faut copier les Maîtres (…) pas faire les Beaux-Arts qui détruisent les artistes. Mais faire des copies de Maîtres, travailler, travailler, travailler (…) Celui qui travaille le plus, c’est le meilleur.”
“L’artiste français vivant le plus cher au monde” en 2011
Ce tournant dans sa carrière, initié vers la fin des années 1960 ne sera ni toujours compris, ni approuvé par le “milieu de l”Art.” Tant pis pour ceux-là. Martial Raysse poursuit son chemin. En 2011, il devient même “l’artiste français vivant le plus cher au monde” avec un portrait des années 1960 (L’année dernière à Capri), 4,85 millions d’euros chez Christie’s. Dépassant à cette occasion le précédent record établi par une oeuvre de… Pierre Soulages.
Mais l’artiste n’en a cure. Il poursuit sa route avec ce credo : « On a la chance de mettre du beau et du bon dans la tête des gens (…) Quand on est un véritable artiste on a envie de donner, de montrer le beau (…) alors il faut le faire, toujours, car je trouve notre monde très méchant et très violent.”
Sans oublier quelques commentaires sans concession : “J’aime beaucoup les Flamands”, avoue-t-il en expliquant un portrait. Par contre “Cézanne est un assez mauvais peintre, comme après lui Picasso ou Braque (…) et on arrive à l’art abstrait, où c’est n’importe quoi !”
Malicieux et provocateur, mais aussi cultivé et particulièrement observateur, l’artiste “se livre à une méditation sur les rapports entre l’art et le monde. Les modèles féminins venus de la grande peinture, empruntés aux magazines ou bien tout simplement anonymes, sont élevés au rang de personnages mythologiques incarnant autant de Dianes ou de Vénus contemporaines. Quant aux grandes compositions, marquées par la violence et la mort, elles empruntent autant à la peinture d’histoire qu’à la peinture allégorique. Sous les dehors d’incarnations différentes, Martial Raysse donne à voir le théâtre éternel des passions humaines, agitées par les tribulations du désir et de la mort.”
Talentueux, séducteur, malicieux, provovateur…
Voilà pour l’analyse officielle. Autour de plusieurs grandes toiles inédites –Le Lever du jour (2020 – 220 x 303 cm), La Tombée de la nuit (2021 – 220 x 303 cm), La Peur (2023 -300 x 400 cm), La Paix (2023 -300 x 500 cm)- se déploie un ensemble de près de cent œuvres, rassemblant peintures, sculptures et dessins réalisés ces quinze dernières années présentées dans l’ordre chronologique. Il faut y aller. Voir… Se laisser séduire et entendre la voix de Raysse commenter le monde.
Car pour que l’exposition soit réellement complète il faudrait que la voix de l’artiste, ses commentaires accompagnent chaque pas du public, la contemplation de chacune des oeuvres exposées. Cette voix qui vous avoue en conclusion : “Je suis très heureux, car c’est sûrement la dernière fois que j’ai l’occasion de voir toutes ces oeuvres réunies en un seul lieu…”
Philippe MOURET
Exposition Martial Raysse – Musée Paul-Valéry, à Sète (Hérault). Jusqu’au 5 novembre 2023. Du mardi au dimanche de 10h à 18h (fermé le lundi) Nocturne le jeudi jusqu’à 22h. Visites commentées du mardi au samedi à 16. tarifs 9,90€; réduit pour jeunes, étudiants, groupes. Gratuit pour les moins de 10 ans, demandeurs d’emploi…
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