Permettre à des enfants à mobilité réduite d’assouvir ensemble leur passion : c’est la mission que s’est donnée une petite association de Bessan, Fishing Thérapy. Créée à l’origine par un papa pour aider son fils, Tiago, à sortir de l’isolement, elle grandit et a besoin de dons et de sponsors pour donner du plaisir à des gosses malades via la pratique de la pêche.
Ça résonne comme le titre d’un blockbuster américain ; ça claque comme une cure de poissons pédicures… Mais ces mots en anglais sont sans doute juste une façon de mettre le handicap à distance. En tout cas, Fishing Thérapy, basée à Bessan, est une association utile fondée début 2022. Son but ? Simple : permettre à des enfants handicapés d’accomplir leur envie d’un loisir évident dans nos contrées baignées par la Méditerranée, le lac du Salagou et le fleuve Hérault : la pêche. À l’heure du dangereux tout-écran, le défi n’est pas anodin.
Aujourd’hui, je trouve ça super. Grâce à l’association, on peut créer des activités et amener des jeunes comme moi au bord de l’eau… C’est top”
Tiago, 12 ans
Avec une voix posée, Tiago, 12 ans, dit : “C’est mon père qui a eu cette idée d’association. Au départ, j’étais pas chaud ; je ne savais pas où ça allait aller ; où ça allait nous mener. Aujourd’hui, je trouve ça super. Grâce à l’association, on peut créer des activités et amener des jeunes comme moi au bord de l’eau… C’est top.”
La pêche, pour Tiago, c’est une passion qui date de la prime enfance. Il faut dire que son papa est biologiste marin qui travailla sur les tortues marines, les requins… Qui a travaillé à l’aquarium de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) pendant dix ans. Originaire d’Agde, son papa, Florent Keller, est actuellement chargé d’études pour l’Aire marine protégée d’Agde.
“On est des passionnés de pêche et le handicap de Tiago est notre quotidien depuis quatre à cinq ans”
Florent Keller
Il explique : “On est des passionnés de pêche et le handicap de Tiago – une forme de paraplégie due à une dégénérescence musculaire à cause d’un gène qui malfonctionne – est devenu notre quotidien depuis quatre à cinq ans. Cela fait partie de ces maladies orphelines, sans nom bien précis, qui dégradent peu à peu l’état général. Tiago ne peut actuellement que très peu se servir de ses membres inférieurs.”
On a découvert d’autres jeunes dans le cas de Tiago qui galèrent, aux prises avec des difficultés psychologiques et familiales…”
“Cette maladie nous est “tombé dessus” quand nous vivions encore en Nouvelle-Calédonie. Et un jour, le diagnostic est tombé… Sans appel. Cette maladie est incurable. Il n’y a pas de traitement. C’est une vie en fauteuil qui attend notre fils.”
Le papa ajoute : Pendant les premières années, on a cherché, en vain, des traitements auprès de différents services de santé et de spécialistes…” Il ajoute : “On s’est peu à peu rapprochés du monde du handicap que l’on ne peut pas imaginer si l’on n’y est pas directement confrontés. On a ensuite découvert d’autres jeunes dans le cas de Tiago qui galèrent, qui sont aux prises avec des difficultés psychologiques et familiales liées à leur état.”
Cette association sert à faire des sorties, d’acheter du matériel, etc., pour que des jeunes en fauteuil se rencontrent…”
Une fois revenu dans l’Hexagone, la famille Keller “essaie de voir plus loin. On n’avait pas le choix, rapporte Florent. En même temps, on aime la pêche, on aime sortir, on aime le sport. Et la nature en général. On a trouvé des solutions en bricolant un fauteuil pour Tiago, par exemple. On s’est rendu compte que d’autres jeunes malades sont dans des situations encore plus graves. D’où l’idée de cette association. Elle sert à faire des sorties, d’acheter du matériel, etc., pour que des jeunes en fauteuil se rencontrent ; sortent de chez eux…”
Une “dizaine de jeunes” qui pêchent régulièrement avec Tiago
En un an, Fishing Thérapy compte “une soixantaine d’adhésions partenaires, de soutien, avec des adhérents qui nous aident, y compris dans les déplacements. Nous avons à ce jour une dizaine de jeunes qui pêchent régulièrement avec Tiago. Ils ont des handicaps différents, dont un est même malvoyant ; un autre qui a eu un AVC à la naissance…Tiago a aussi, parallèlement, un parcours handisport avec une quinzaine de jeunes handisport.”
Station de pêche individuelle, véhicule adapté, float-tube…
Parmi les projets de l’association héraultaise qui pour l’instant vit de dons, de l’argent versé lors de manifestations comme un vide-grenier ; de partenariats et de bonnes volontés (son budget riquiqui ne dépasse pas 3 000 € l’an), celui de la station de pêche a pu se réaliser l’an dernier.
“C’est le projet initial qui a lancé notre association. C’est un outil de pêche vendu traditionnellement pour valides mais qui s’adapte bien aux contraintes de nos enfants à mobilité réduite et qui permet de sécuriser l’approche du rivage. C’est le premier élément de découverte permettant de sortir du fauteuil”. En 2023, il est prévu d’organiser, c’est le souhait, des week-ends de pêche. Pour cela, il faut un véhicule adapté ; il en coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros. D’où l’importance de trouver des sponsors… Et fait appel aux dons en ligne ICI.
Et même le projet d’un simulateur !
L’association fourmille d’idées. Comme acquérir un Float-tube électrique adapté, embarcation individuelle autonome dédiée à la pêche, d’un coût élevé : 2 000 €. En principe destiné à être propulsé avec des palmes, il pourrait être doté d’une motorisation électrique pour le rendre accessible en toute autonomie pour des publics à mobilité réduite.
Il est destiné aux pêcheurs confirmés en itinérance en eau calme. Les utilisateurs se servent de leurs membres inférieurs avec des palmes adaptées pour assurer la propulsion et la direction du dispositif.
Il y a aussi donc la basique station de pêche d’un coût moins important (500 €). Sans oublier le projet d’acquisition d’un… simulateur de pêche ! D’un coût de 4 000 €, il “retranscrit, via un ordinateur et un moteur d’enroulement de la ligne, toutes les sensations lors de la capture d’un poisson. En fonction du niveau du pratiquant, un niveau de poisson et de traction de la ligne est choisi”.
“Découverte des sensations et du matériel pour tous les publics sans la contrainte de l’environnement”
L’objectif est l’acquisition d’un simulateur de pêche afin de proposer des animations au sein de structures type IME (Institut médico-éducatif), structures d’accueil enfant ou soins et lors d’événements caritatifs (Téléthon, Dys mille pas, courses caritatives…), sportifs (compétition handisport, rassemblement handi…) et de promotion (Fête de la Pêche, Fête locale…)
“Les simulateurs peuvent facilement être mis en œuvre sans contrainte météorologique, avec un déploiement rapide et facile. Ils permettent une première approche sécuritaire, une découverte des sensations et du matériel pour tous les publics sans la contrainte de l’environnement.”
“On essaie de trouver des sponsors, des partenariats…”
“On essaie de trouver des sponsors. Notre commune, Bessan, nous aide et avec laquelle on cherche à créer justement des zones aménagées pour les jeunes à mobilité réduites. Ainsi, avec Bessan, on va créer un poste de pêche et de découverte pour les population à mobilité réduite au bord du fleuve Hérault dans le périmètre de la commune qui s’est engagée à mener une étude de faisabilité pour cela.”
Florent Keller confie aussi avoir noué un partenariat avec Décathlon. Et il cherche évidemment d’autres partenaires et sponsors. Pour créer du lien et du lien avec les familles de ces enfants. “Car, parfois, les parents de ces enfants ne peuvent plus travailler. C’est en allant vers les autres que l’on se trouve vraiment soi.” D’user de notre humanité.
Olivier SCHLAMA
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