Pas de vacances pour l’A 69 : Pour Martial Gerlinger, DG d’Atosca, “tous les feux sont au vert”

A69 Castres, Viaduc Agoût, juin 2024. Ph. Atosca.

Cristallisant un enjeu politique fort, l’autoroute controversée entre Toulouse et Castres (Tarn) avance à grands pas. Un millier d’ouvriers s’affairent sur le chantier. Même l’incertitude politique au sommet de l’État ou la persistance des ZAD ne sèment pas de doute sur la mise en service prévue fin 2025.

Au mitan de l’été et au beau milieu du chantier controversé de cette autoroute, Martial Gerlinger, directeur général d’Atosca, la société en charge de la réalisation de l’autoroute A 69 entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn), prévue fin 2025 dit : “Nous n’avons pas eu d’échanges avec le gouvernement” démissionnaire. Il n’a aucune crainte ni aucun doute sur la poursuite du chantier au regard de l’incertitude politique au sommet de l’État. Un chantier dont il reste 17 mois de travaux.

“Aucun signe officiel pour nous dire le contraire”

A69 Verfeil demi-diffuseur. Juin 2024. Ph Atosca.

Un chantier lancé à marche forcée : “Il reste 518 jours et on ne s’arrêtera pas cet hiver”, a-t-il dit. Toute chose a le bonheur qui lui est propre : la canicule et le beau temps permettent à plus de 1 000 ouvriers de poursuivre ce chantier de 50 km. “Nous n’avons pas de contact avec le gouvernement ; en revanche, nous travaillons avec les services de l’État sur l’avancement des travaux. Nous n’avons aucun signe officiel pour nous dire le contraire. Toutes les décisions de justice sont positives pour nous. Même le dernier référé-suspension sur la durée de la concession que le Conseil d’État a rejeté. Nous avons déjà dépensé 250 M€. Tous les feux sont au vert. C’est un chantier qui avance correctement.”

“Nous ne sommes plus un projet mais un chantier actif. C’est notamment l’analyse de Carole Delga”

Et la gauche – le NFP – qui promet dans son projet de gouvernement de geler toute nouvelle autoroute, de décréter un moratoire… ? “Nous ne sommes plus un projet mais un chantier actif. C’est notamment l’analyse de Carole Delga, la présidente de la région Occitanie”, s’appuie Martial Gerlinger. Sur le terrain, le DG d’Atosca assure qu’il y a “une continuité de l’Etat. J’ai connu, depuis mon arrivée, quatre préfets”. Sous-entendu, les services n’ont cessé de bosser. Et bien que le dernier préfet en poste soit parti, “nous participons à des réunions de travail avec le secrétaire général de la préfecture…”

Même les espèces protégées, comme la loutre, ne posent pas de problème, selon Martial Gerlinger. “L’étude environnementale n’a pas identifié d’impact significatif sur l’environnement. Mais nous faisons bien sûr attention aux espèces et à leurs habitats”. Elle sont “compensées” ou “évitées“.

Trois ZAD actives sur le tracé de l’A69

A69-Bannières-Pont VC La Greze -Juin 2024. Ph Atosca.

Reste, bien évidemment, trois “zones occupées” par les opposants au chantier, des ZAD (zones à défendre) vers Saïx (Tarn) à la Cal’Arbre (du nom de ce petit bois sur la commune, occupé au sol et sur les chênes depuis le 20 février pour empêcher leur abattage) ; Verfeil ou à l’ouest de Castres. Une dizaine installée près de Verfeuil. Une maison qui appartient désormais à Atosca mais dont les locataires refusent de faire leurs valises même pour s’installer dans une autre maison avec l’aide de la compagnie d’autoroute.

Elle incarne un enjeu politique fort

Cette future autoroute incarne un enjeu politique fort. Dernier épisode des tensions extrêmes autour de la construction de cette autoroute, mardi 4 juin à l’Assemblée nationale. Le ministre de l’Intérieur avait dénoncé une manifestation, du 7 au 9 juin, qui s’annonçait “extrêmement violente” de 5 000 personnes où pourraient s’infiltrer plusieurs centaines de blacks blocs. Les collectifs à l’origine de cet événement sur trois jours avaient accusé Gérald Darmanin de prendre “le risque d’engendrer une situation chaotique”.

Troisième rassemblement des opposants en juin

A69 Castres Pont SNCF-Juin 2024. Ph Atosca.

Ce troisième grand rassemblement des opposants, baptisé Roue Libre (après les quelque 10 000 personnes mobilisées pour Ramdam sur le Macadam, en octobre 2023, et les 8 000 participants pour Sortie de Route, en avril 2023) avait finalement eu lieu et avait réuni, à Puylaurens – ville natale de Georges Frêche où il est enterré – moins de monde que les précédents : 6 000 personnes selon les organisateurs, la moitié selon la police. Une mobilisation en baisse que la plupart des observateurs ont mis sud le dos du ministre de l’Intérieur qui avait demandé au préfet du Tarn d’interdire la manif parce qu’elle risquait d’être “extrêmement violente”.

Décision du recours sur le fond en fin d’année

Les opposants réunis en collectif – Les Soulèvements de la Terre, la Voie est Libre, Extinction Rébellion Toulouse, ZAD A69 – mènent aussi un combat en justice ayant déposé un recours sur le fond devant le tribunal administratif. “Les mémoires s’échangent {entre les deux parties, Ndlr}. Nous attendons sa décision fin 2024 ou début 2025″, a sobrement commenté Martial Gerlinger. Le DG d’Atosca a comptabilisé “280 faits, 125 plaintes déposées et donc trois sites où se passent des actes hostiles comme des jets de projectiles sur les ouvriers ; des dégradations de travaux qui peuvent aller jusqu’à des murs démolis…On découvre aussi des bombes factices qui nous empêchent de commencer comme prévu le matin nous obligeant à faire appel aux démineurs…” Et, s’il le faut, Atosca fera appel aux forces de l’ordre pour déloger les ZAD. “S’il faut avoir recours à la force publique, nous le ferons”.

250 machines mobilisées, 1 000 ouvriers à l’oeuvre

A69 Saix, ouvrage et terrassements, Juin 2024. Ph Atosca.

Pendant ce temps, de Puylaurens à Toulouse, fouilles préventives archéologiques, terrassement, ouvrages d’art de toutes sortes avancent sérieusement, comme l’explique Walter Guyonvarch, directeur du groupement conception construction, à Atosca. “250 machines sont actuellement mobilisées et un pic de 1 000 compagnons sont à l’oeuvre sur le chantier. 80 % des ouvrages sont stockés ou sont déjà sur site que nous assemblons facilement façon Légo ; par ailleurs, 91 % des acquisitions ont déjà été réalisées sur 365 hectares d’emprise. Il reste deux acquisitions majeures en cours.”

Un avancement très concret des travaux. Il y a, par exemple, encore peu d’arbres à abattre. “95 % des arbres qui devaient être coupés l’on tété. Il ne reste que quelques hectares de bosquets et de haies isolés. Le viaduc de l’Agout sera, par exemple, réalisé mi-2025 ; les panneaux de signalisation ; les marquages au sol ; la perception de péage ; la montée en puissance des systèmes informatiques, etc., seront eux-aussi réalisé mi-2025”, assure encore Martial Gerlinger. Pour une mise en service fin 2025.

Olivier SCHLAMA

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