Occitanie : 90 % de la population à portée de piqûre du moustique-tigre…

Aedes albopictus, femelle de moustique-tigre (Aedes albopictus) est une espèce originaire d'Asie du Sud-Est et de l'Océan Indien. C'est son corps, noir tigré de blanc, qui lui a donné son nom. En zone tropicale, il peut inoculer une trentaine de virus, propageant le chikungunya, le virus du Nil occidental, le virus zika, l'encéphalite de Saint-Louis, la dengue.

Quelque 5, 5 millions d’habitants sont concernés par aedes albopictus. Le “tigre” a, désormais, colonisé toute l’Occitanie. Et le réchauffement climatique lui permet de conquérir des territoires montagneux. L’ARS en appelle à la “mobilisation de tous” pour limiter les risques, y compris de transmission de dengue, de zika ou de chikungunya.

Le jour de la Fête du Travail, le moustique-tigre décolle. C’est, en tout cas, la date cochée chaque année par les autorités sanitaires pour “renforcer la surveillance sanitaire” – jusqu’à fin novembre – liée à la présence de cet insecte qui est “un problème de santé publique en capacité de transmettre un grand nombre de maladies graves tropicales”, rappelle Didier Jaffre. Le directeur de l’ARS Occitanie (Agence régionale de santé) le dit sans détour : “Il va falloir vivre avec…”

“Le moustique-tigre est implanté partout dans l’ensemble des treize départements de la région Occitanie”

Femelle moustique adulte aedes aegypti.
Photo : Lauren Bishop; Brandon Clifton

Le moustique tigre – il est tout petit (moins grand qu’une pièce d’un centime) , à l’abdomen vraiment rayé, qui pique le matin tôt ou le soir tard, dans un rayon de 150 mètres maximum parce qu’il vole mal – est désormais “implanté partout dans l’ensemble des treize départements de la région Occitanie”.

Il préfère les endroits où la population est importante et les villes denses, Montpellier et Toulouse en tête. Mais on le trouve aussi dans des lieux peu peuplés ou fréquentés : on l’a débusqué avec certitude dans 44 % des communes de la région, soit 90 % de la population (5,5 millions d’habitants). Bref, ce “tueur en série”, comme le nomme Eric Orsenna est redoutable d’adaptation. C’est un champion, comme nous l’expliquions dans Dis-Leur ICI dans la malédiction d’une star de la mondialisation !

Présent jusqu’à 1 500 mètres d’altitude…

Et parfois même où l’on pensait qu’il n’irait pas : jusqu’à 1 500 mètres d’altitude et dans les montagnes, notamment dans les Hautes-Pyrénées où, à Adrest, en août dernier, un seul spécimen (!) sema la pagaille en commettant deux cas autochtones de dengue à Adrest et Rabastens-de-Bigorre. Autochtone signifie que la personne touchée n’a pas contracté la maladie lors d’un voyage mais en étant piquée par un moustique dans son environnement habituel lequel avait auparavant piqué un porteur de cette maladie. Comme les symptômes “ballots” ressemblent à ceux de la grippe – fièvre, douleurs, parfois éruption cutanée – il est évidemment primordial que les médecins traitants soient vigilants et demandent un examen en cas de doute.

Le réchauffement climatique, un accélérateur

Le réchauffement climatique agit comme un accélérateur : le moustique tigre colonise de nouvelles terres chaque année et son cycle de vie se raccourcit ainsi que la réplication du virus s’accélère… Ingénieure coordinatrice régionale de la lutte anti-vectorielle à l’ARS Occitanie, Isabelle Estève-Moussion tient à préciser que ce que véhiculent certains sites n’est pas à prendre pour argent comptant – comme les jardineries qui mettent en avant de soi-disant répulsifs ou des machines soi-disant révolutionnaires pour éloigner le moustique tigre, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI.

Surveillance entomologiste et médicale renforcée

Moustique tigre. Femelle Aedes albopictus prenant son repas de sang sur la peau d’un homme.  DR

“Il n’existe pas de vigilance orange ou rouge en métropole, comme l’avance un site connu qui en réalité profite de la situation pour vendre des appareils de lutte. Pour une bonne raison : “Le moustique-tigre ne survit d’un été à l’autre que sous forme d’oeuf et donc ne peut pas garder de maladies tropicales. On repart chaque printemps avec un stock de moustiques qui n’ont pas (encore) rencontré de maladies tropicales. S’il transmet la dengue, le zika ou le chikungunya c’est quand il les rencontrera en piquant une personne déjà contaminée”, a-t-elle éclairé.

56 cas importés en Occitanie en 2022

Évidemment, l’ARS Occitanie va renforcer les surveillances entomologiste et médicale. Et également la sensibilisation pour éviter au du moins limiter les chaînes de contamination. Les chiffres de 2022 sont parlants. Même s’ils sont “plus faibles qu’en 2019 et 2020”, a surligné Isabelle Estève-Moussion, ils démontrent que cet insecte ne pourra pas être éradiqué : l’an dernier (sans doute parce qu’il n’y a pas eu de grosses épidémies dans les pays tropicaux), l’ARS a comptabilisé 56 cas importés mais aussi cinq foyers de dengue autochtone.

“Pour la 1er fois, des foyers dans les Hautes-Pyrénées ; les P.-O. ; la Haute-Garonne et le Tarn-et-Garonne”

Un filtre de capture de moustiques… Ph Olivier SCHLAMA

Ce qui donna lieu à 161 enquêtes de terrain et 150 traitements. “Pour la première fois, on a eu des foyers dans les Hautes-Pyrénées ; les P.-O. ; la Haute-Garonne et le Tarn-et-Garonne. C’était inattendu parce que l’on pensait ces territoires moins colonisés…” En cas de suspicion de cas de contamination, “on attend entre sept et dix jours, le temps d’incubation de la maladie, et on mène une enquête.”

Au téléphone auprès des personnes concernées. Sur le terrain avec un opérateur qui va vérifier la présence de “tigre” et on les “tue le plus tôt possible pour éviter d’autres contaminations”, précise encore Isabelle Estève-Moussion. Qui a préconisé, quand on revient de vacances d’une région infestée de moustique-tigres, de continuer à se protéger pendant au moins sept jours avec du répulsif, le temps d’une possible incubation. Pour éviter qu’un moustique d’Occitanie ne pique et ne transmettre la maladie dont vous pourriez être porteur…

Du sable dans les cimetières

La lutte se fait pas à pas… Dans les Hautes-Pyrénées comme ailleurs, l’ARS recommande même auprès des collectivités d’assécher avec du sable les petites collections d’eau qui y sont nombreuses qui sont autant de gîtes larvaires potentiels du moustique tigre. Car, évidemment, parmi les bonnes pratiques, il faut, rappelons-le éviter de laisser le moindre contenant d’eau stagnante à portée de ponte. Du côté de l’ARS, on explique que la sensibilisation va être intensifiée auprès des particuliers, des jardineries, des collèges, dans les festivals…

Un jouet, une coupelle, même un bouchon ou une coupe de bambou suffisent ! Et on l’oublie souvent mais une gouttière ; un tuyau mal réparé, un avaloir ou encore un récupérateur d’eau (pour y pallier on peut le recouvrir d’une moustiquaire lestée par exemple) servent à l’envi. Même si, a priori, la sécheresse précoce et exceptionnelle et la limitation de l’arrosage devraient désavantager la prolifération du “tigre”, il en “va de la mobilisation de tous pour limiter les risques”, conclut Didier Jaffre.

Olivier SCHLAMA

À lire également sur Dis-Leur !

Moustique : Malédiction d’une star de la mondialisation

Face à la fièvre de l’été : L’efficacité des pièges à moustiques en question…