Objets de l’été (1) : Mouton à Soie, vêtements en soie-mérinos qui ne se dérobent pas

Une petite marque, sise dans l’Aude, se démarque dans son approche du vêtement. Lisa Peissak est passée du tableau noir d’instit à la machine à coudre de créatrice de mode. Depuis 2018, son mélange de qualité, bio, de laine mérinos et de soie naturelle trouve son public.

Porter de la laine en été ? Finie la mamie et ses chaussettes épaisses qui grattent ! Avec sa maille aérienne, sa douceur soyeuse, la marque le Mouton à Soie, basée à Sigean (Aude), se démarque dans l’univers du prêt-à-porter. Et ne se dérobe pas face aux promesses. Ici, pas question de fast fashion. On est dans l’intemporel. Le respirant et le doux. Avec des coloris profonds.

Institutrice puis créatrice de mode

Lisa Peissak, le Mouton à soie. DR.

Ses tee-shirts, cardigans, débardeurs, gilets, legging, jupes et autres chèches – une vingtaine de pièces féminines, quatre pour hommes, en plein développement, et une dizaine pour enfants – sont faits d’une laine mérinos mélangée à de la soie naturelle. Une fluidité et un tombant classieux. Les pièces semblent pouvoir durer dans le temps sans bouger (perso, j’en fait l’expérience depuis des mois). D’un indémodable chic. Et d’un confort rare.

Les prix sont justes mais un peu élevés (130 € le cardigan, 78 € le débardeur). “C’est normal : on est en bio avec des matières naturelles nobles et une fabrication 100 % française. Confection et broderie, c’est en Occitanie et tricotage c’est en Rhône-Alpes. Cela a évidemment un coût” : Lisa Peissak fut professeur des écoles avant d’être créatrice de vêtements défend sa marque (dont l’atelier de confection est dans le Tarn), le Mouton à Soie, qui a de beaux arguments.

En 2015, j’ai eu ma fille et je ne trouvais pas de vêtements en laine, j’ai donc choisi de les inventer…”

C’est elle qui a inventé cette collection atypique – 70% de laine mérinos biologique et 30% de soie naturelle – au début avec ses fonds personnels, qui se déploie depuis 2018. Elle déroule : “En 2015, j’ai eu ma fille et je ne trouvais pas de vêtements en laine, j’ai donc choisi de les inventer ; en général c’est davantage du sous-vêtement thermique ; aucun vrai vêtement d’été.” Pourquoi ce mélange soie-laine ? “Ce qui est bien, c’est que la soie a un fil très fin et solide. Je voulais des vêtements qui aient aussi une certaine solidité et un tombé intéressant.” Fluide et élégant. Classique mais qui a toujours une touche d’originalité. Qui ne se dérobent pas face au temps qui passe.

“Je cherche alors des vêtements en laine, fins”

Le Mouton à Soie. DR.

Au printemps 2018, températures estivales approchant, Lisa Peissak est obligée, comme toutes les mamans du Sud, d’habiller sa fille avec des vêtements en coton et non plus ceux d’hiver devenus trop chauds.

“Je trouve, alors, que ce ne lui est pas très agréable ; qu’elle ne sent pas très bon, le soir… Qu’il faut les laver tous les jours ; que je me suis bien habituée à ne laver que lorsqu’il y a des tâches et quand c’est sale et d’aérer le vêtement entre-temps. Je cherche alors des vêtements en laine, fins. En France et en Europe. D’où l’idée de créer cette marque qui, au départ était très axée sur les enfants. Et puis, naturellement, ce sont les vêtements femme qui ont pris le dessus.”

J’ai passé mes nuits, en congé parental, à rechercher des pros sur internet ; à essayer de comprendre comment ça marche…”

Au commencement, hors cahiers et stylos, Lisa Peissak ne connaît rien au monde de la fabrication textile. “Je n’y connaissais vraiment rien. Je n’avais jamais touché une machine à coudre de ma vie. J’ai mis deux ans à comprendre entre la première idée et la sortie de la première collection. J’ai passé mes nuits, en congé parental, à rechercher sur internet des pros ; à essayer de comprendre comment ça marcheAu début, je cherchais des rouleaux de maille – je ne savais pas que ça s’appelait comme cela…-

C’est impossible ne serait-ce que parce que ça coûte beaucoup trop cher. Il y en a très peu et on les trouve principalement en Allemagne. Sans pouvoir choisir les couleurs que l’on veut. Bref… J’ai encore cherché parmi les teinturiers, les tricoteurs… Et un fournisseur de fil.” Et j’ai “aussi eu la chance de tomber sur des gens qui appréciaient mon projet, notamment pour être mise en relation avec le tricoteur avec lequel je travaille actuellement. Qui a eu la gentillesse de faire des tests de maille sur de petites quantités, alors que pour monter un métier, il faut une journée.”

Notre Jersey n’est pas plus chaud qu’un autre ou qu’un coton de même épaisseur. En revanche, il est beaucoup plus respirant et sèche quatre fois plus vite qu’un coton. Et ne garde pas la transpiration…”

Le Mouton à Soie. DR

Pourquoi cette marque marche-t-elle ? “C’est un ensemble de choses. C’est un autre rapport au vêtement. Notre Jersey n’est pas plus chaud qu’un autre ou qu’un coton de même épaisseur. En revanche, il est beaucoup plus respirant et sèche quatre fois plus vite qu’un coton. Et ne garde pas imprégné l’acide acétique de la transpiration. Ça a été testé en laboratoire et les résultats sont probants. Ça veut dire que l’on peut partir en rando une semaine avec deux tee-shirts en laine et soie et alterner, sur deux jours. Pas besoin de les laver à la fin d’une journée.”

“Au départ, il y a eu aussi une vraie sympathie. Nous avons, d’ailleurs, une communauté Facebook très soudée et fidèle depuis nos débuts. Elle est composée à 90 % de clientes mais les hommes y viennent aussi ! Et on est remarqués pour la qualité du produit : notre maille est vraiment d’une qualité exceptionnelle. Nous avons travaillé précisément sur une maille qui ait des qualités de résistance et qui soit la plus fine possible.”

Fan de couleurs et de matières

Quelles sont ses sources d’inspiration ? Spontanément Lisa Peissak répond : “Je suis, aussi, une fan de couleurs ; je suis intéressée par les mosaïques marocaines, par exemple. Dans l’art, aussi, j’aime ceux qui travaillent la couleur, comme Van Gogh. Au départ, c’est la matière qui m’intéresse. Je ne cesse pas de m’émerveiller des propriétés de cette laine qui vient d’Amérique du Sud. En avoir en local, avec du fil aussi fin, ce n’est pas possible. Et nous n’avons plus le parc industriel de filatures en France. Même si c’est en train de revenir, quand même.”

Labels sur l’absence de pesticides, conditions d’élevage et de traitement humain

Le Mouton à Soie. DR

La créatrice poursuit :“J’achète du fil déjà tout fait, tout mélangé. Avec une certification GOTS (Global Organic Textile Standard), une norme biologique la plus exigeante dans le textile. Non seulement ce label tient compte l’absence de pesticides mais aussi les conditions d’élevage et de traitement humain. Et des conditions de travail. C’est fondamental, pour moi. C’est le mieux que je puisse trouver.”

La soie naturelle, elle, provient de Chine et elle est certifiée de la même manière, y compris Naturtextil IVN BEST. Enfin, le mérinos est garanti sans mulesing (ablation d’une partie de la peau de mouton pour éviter des parasites) et le fil a reçu un traitement anti-feutrage, Naturtexx Plasma, de quoi être lavé en gardant toutes ses propriétés.

“Il faudrait que les volumes augmentent…”

Lisa Peissak a aussi eu l’idée pour financer son projet de vendre ses vêtements en pré-commande sur la plate-forme Ulule. “Pour produire en fonction des besoins et de la demande.” Et ça marche. Le chiffre d’affaires de la première année se monte à 60 000 € ; 90 000 € la deuxième ; puis, 190 000 €… La marque, qui emploie deux personnes, prévoit 210 000 € pour 2023. Mais ce n’est pas suffisant. “Nous vendons entre 3 000 et 4 000 pièces chaque année”, confie-t-elle encore. Mais on ne fait pas beaucoup de marge. À chaque étape, cela nous coûte très cher. Fabrication en France ; matériaux nobles et écolos ; certifiés… Et je ne pourrais pas appliquer des marges classiques sur nos produits, ce serait trop cher à la vente. Il faudrait que les volumes augmentent…”

Souci d’approvisionnement l’an dernier

Son prochain projet ? “Déjà réussir le challenge : d’avoir la matière régulièrement à l’heure. Cette année, nous avons eu un gros souci d’approvisionnement en matières premières. Ce qui nous a fait rater la collection de l’hiver dernier. Et on a même été livrés tard cette année. C’est aussi d’arriver à tout mener de front, à deux. Même si on ne tisse pas nous-mêmes avec nos petites mains ; il faut suivre la fabrication ; chaque pièce, il faut la regarder, faire le contrôle qualité, la plier, la ranger, envoyer les commandes, préparer les salons à venir, mettre en ligne…!” Et aussi : “Trouver le temps de créer de nouvelle pièces.”

Retisser le lien familial…

Le Mouton à Soie c’est aussi un Mouton à… soi. Le papa de Lisa Peissak, Edmond,  de la communauté juive de Belleville, à Paris, était couturier. “Il était tailleur pour dames pendant des années, de 14 ans à 28 ans, avant de changer de voie et de devenir éducateur spécialisé”, dit encore Lisa Peissak, de retour du salon Écobio de Colmar. Ce n’était pas un bon souvenir, cette période : “Il était, en effet, ouvrier à la chaîne…” C’est peut-être inconsciemment une façon de reprendre le fil de l’histoire familiale ? “En tout cas j’y ai pensé ; j’ai pensé à mon père, décédé depuis, quand on a créé la marque. Je m’étais dit que ça l’aurait amusé de voir ça. On n’a pas été imprégnés par la couture… Quoi que j’ai toujours une veille machine à coudre industrielle, la même qui trônait dans la salle à manger…”

Olivier SCHLAMA

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