Rapaces et autres oiseaux sont de “bons ambassadeurs de la biodiversité” dans des lieux même très minéraux de nos villes. A l’occasion de la réouverture de Notre Dame, la LPO explique que nos monuments sont lieux de vie d’une nombreuse faune ailée. Une richesse.
Les fidèles du monde entier et les touristes ne seront pas les seuls à se réjouir de la restauration de la cathédrale Notre-Dame, à Paris, qu’ils pourront redécouvrir dès ce week-end. Et pour la nombreuse faune ailée, des rapaces notamment, qui nichent volontiers, à Paris : ainsi, une trentaine de couples de faucons crécerelles vivraient dans la capitale et jusqu’à cinq famille se sont retrouvées dans Notre-Dame ! Dont on ne sait, cependant, ce qu’elles sont devenues depuis le lancement des travaux.
À Paris, les animaux sauvages ont logiquement déserté les alentours à la suite de l’incendie de Notre-Dame. Leur réinstallation sera sans doute progressive car le dérangement demeure important en raison des travaux qui se poursuivent. En 2022, un premier couple de faucons a toutefois pu se reproduire dans un pinacle derrière la tour Nord, mais a en revanche échoué l’an dernier.
Sète, Montpellier, Mèze, Toulouse et même sur la centrale nucléaire de Golfech !
Il en est à Paris comme en province dans nos grands édifices, ces falaises modernes qui ont leur préférence. Même dans le plus minéral de nos monuments, y compris historiques, se niche de la biodiversité. Un beau signal. En Occitanie, tour Pasteur, à Sète, la plus haute de la ville ; lycée Joffre ou cathédrale de Montpellier ; à Mèze ; sur les toits de l’église des Jacobins à Toulouse et même sur la centrale nucléaire de Golfech… Il n’en manque pas !
La réouverture officielle de la cathédrale Notre-Dame à Paris, ce week-end du 7 et 8 décembre met en lumière cette cohabitation millénaire. “Cela permet d’espérer le retour de certaines espèces protégées qui y logeaient depuis des siècles, dont le faucon crécerelle”, positive la LPO, la Ligue de protection des oiseaux (lire plus bas). Et, par extension, le retour d’espèces protégées dans nos monuments d’Occitanie.
Programme de sensibilisation à Albi
Valérian Tabard, de la LPO Occitanie, donne de riches exemples : “Sur de très nombreuses églises vivent des faucons crécerelles. Sur la cathédrale d’Albi, par exemple, vit un couple de faucons pèlerins. Il y a eu une action de sensibilisation depuis 2001 parce que ce n’est pas commun : ce rapace, le plus gros des faucons, mange des pigeons et, du coup, il peut y avoir des cadavres qui tombent au sol… Ceci dit, cela permet de réguler de façon naturelle la population de pigeons. Des caméras de surveillance ont été installées en partenariat avec la ville d’Albi. Nos collègues organisent des journées d’observation pour le grand public.”
À Montpellier, énumère encore Valérian Tabard, “un rapace fréquentait le Polygone, le centre commercial ; un couple de faucons crécerelles est aussi présent sur la cathédrale…” À Béziers, plus vieille ville de France, un faucon crécerelle était aussi présent aux Galeries Lafayette comme au Polygone où j’avais fait installé un nichoir. Il y a toujours des rapaces. On voulait aussi placer une caméra pour que les clients les voient.”
Ils font comme les hirondelles (rustiques ou de fenêtres) l’ont fait de siècle en siècle se sont reportées sur le bâti humain, abandonnant le milieu naturel”
Oiseaux en tout genre et le plus souvent des rapaces y élisent volontiers domicile et pour des raisons objectives : ces oiseaux-là nichent naturellement dans la nature dans des falaises. “Ils font comme les hirondelles (rustiques ou de fenêtres) l’ont fait de siècle en siècle se sont reportées sur le bâti humain, abandonnant le milieu naturel, à part l’hirondelle de rocher, détaille Valérian Tabard.
“Et, dit-il encore, même elle, elle va aussi sur des monument, comme à Quillan, où certaines vont sur le clocher de l’église. Pareil pour le faucon qui aime bien le grand bâti qui ressemble à une falaise où ils sont à l’abri des prédateurs, du dérangement. Parfois, on leur donne un coup de pouce ; ce qui a été le cas à Mèze où un couple de faucons crécerelles nichent, chaque année, dès le mois de février, sur l’église Saint-Hilaire. On y d’ailleurs installé un nichoir, utile pour une bonne cohabitation quand on rénove le bâti. Cela permet aussi de sensibiliser les équipes municipales pour ne pas les déranger, notamment en période de reproduction.”
Un faucon pèlerin nordique s’était établi à Sète !
Ce n’est pas tout. “À Toulouse, c’est là aussi un couple de faucons crécerelles qui est présent au couvent des Jacobins dans les murs de l’église. On a aussi sur la centrale nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne, du faucon pèlerin ! À Sète, un faucon pèlerin nordique, de Sibérie, avait élu domicile l’hiver, pendant sept ans. Avant d’en repartir en avril. Il est mort de vieillesse. Il avait choisi le balcon d’adhérents de la LPO ; ils éteignaient les lumières pour ne pas le déranger ; ils l’ont habitué à leur présence jusqu’à arriver à sortir sur leur balcon en présence du rapace.” Dans la foulée, un autre pèlerin avait élu domicile à Sète. Mais n’y est pas resté.
Notre-Dame, l’exemple d’un écosystème
Notre-Dame remet en lumière ces actions de la LPO. “Bien plus qu’une cathédrale, Notre-Dame de Paris est un écosystème. La taille imposante de cette falaise urbaine et ses innombrables cachettes sont une bénédiction pour certaines espèces qui ont su s’adapter à l’environnement de nos villes. Dans le reportage Les Animaux de Notre-Dame, diffusé sur TF1 en 1976, Allain Bougrain Dubourg, l’actuel président de la LPO, décrivait déjà la richesse écologique du joyau de l’Île de la Cité. En 1986, l’édifice a ainsi accueilli jusqu’à cinq familles de faucons crécerelles, dont les effectifs de la capitale s’élèvent aujourd’hui à moins de 30 couples. Des moineaux domestiques, dont la population parisienne a décliné de 75 % en à peine 20 ans, et des chauves-souris de la famille des pipistrelles gravitent également à proximité.”
“Les jeunes qui naissent dans ces édifices connaissent un fort taux de mortalité”
Pour autant, cette biodiversité ailée n’est pas “forcément quelque chose de totalement positif pour les populations d’oiseaux”, nuance Valérian Tabard, de la LPO Occitanie. Les jeunes qui naissent dans ces édifices connaissent un fort taux de mortalité. En ville, il y a des polluants, des métaux lourds, notamment ; il y a aussi des collisions avec des véhicules qui circulent en bas, avec des baies vitrées. Il existe ce que l’on appelle des cavités-pièges également à l’instar de poteaux creux, de signalisation par exemple, dans lesquels les oiseaux, les chouettes, notamment, peuvent tomber.”
Ce n’est pas la seule avanie. “Les chats en ville attaquent les oiseaux. Malgré tout, ces espèces continuent à vivre sur ces monuments. Un couple de grands ducs s’était, par exemple, installé sur le toit du lycée Joffre, à Montpellier, au-dessus du plateau sportif, l’an dernier.” Malgré le bruit. Mais avec la proximité des allées arborées de l’Esplanade. Le gîte et le couvert avec de nombreux rats. Des pigeons. Même une espèce imposante comme celle-là – 1,80 mètre d’envergure peut élire domicile dans des endroits atypiques et s’y adapter.
Intégrer la biodiversité dans les travaux de restauration
Depuis 2022, la LPO accompagne l’Etablissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris dans une démarche visant à intégrer la biodiversité dans les travaux de restauration. Dans le cadre de ce partenariat, des visites techniques ont permis d’identifier et d’évaluer les emplacements potentiels pour l’accueil des nids et de proposer des mesures d’amélioration. Les compagnons et entreprises du chantier pourront être formés à repérer et préserver la faune tandis que les naturalistes de la LPO Ile-de-France effectuent un inventaire régulier des espèces présentes sur le site. La mairie de Paris a de son côté émis le souhait que les squares entourant Notre-Dame rejoignent les Refuges LPO, premier réseau de jardins écologiques en France. Valérian Tabard, de la LPO Occitanie, explique d’ailleurs, que la LPO a publié un guide spécial à destination des collectivités et des entreprises qui travaillent sur les Monuments historiques.
Programmes de connaissance et de protection de la biodiversité dans les parcs et jardins
La LPO collabore depuis plusieurs années avec d’autres grands bâtiments religieux. En Paca, elle a, par exemple, posé en 2022 des nichoirs à hirondelles et martinets sur la Cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Arnoux de Gap (Hautes-Alpes) et a été missionnée par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) pour réaliser les diagnostics écologiques de sept cathédrales de la région.
En parallèle, la LPO travaille depuis plus de dix ans avec le Centre des monuments nationaux (CMN) pour développer des programmes de connaissance et de protection de la biodiversité dans leurs parcs et jardins. Neuf sites sont actuellement engagés dans la démarche Refuges LPO : le château d’Angers, le château d’Assier, le château d’Aulteribe, le site archéologique de Glanum, le domaine national de Saint-Cloud, le site gallo-romain de Sanxay, l’Oppidum d’Ensérune, l’Abbaye de Beaulieu-en Rouergue, la colonne de la grande Armée à Wimille.
Olivier SCHLAMA