Biodiversité : La Convention de Berne approuve la modification du statut de protection du loup

Après avoir protégé le loup pendant des années, l'Union européenne change d'avis et limite sa protection... Photo DR

La Convention de Berne, officiellement appelée Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe vient d’adopter une proposition de l’Union européenne visant à modifier le statut de protection du loup de “espèces de faune strictement protégées” à “espèces de faune protégées.” Une décision considérée comme “un recul majeur” par de nombreux scientifiques et les ONG.

Ce n’est sans doute qu’un détail pour vous, mais pour lui ça veut dire beaucoup… Ainsi, le Comité français de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) rappelle que “selon la liste rouge des espèces menacées de l’UICN, 6 des 9 populations de loups présentes dans l’Union européenne sont classées vulnérables ou quasi-menacées. L’espèce est également classée vulnérable en France.”

Perte du statut d’espèce “strictement protégée”

Pourtant, le Comité permanent de la Convention de Berne du Conseil de l’Europe a adopté une proposition de l’Union européenne visant à modifier le statut de protection du loup (Canis lupus) de “espèces de faune strictement protégées” (Annexe II) à “espèces de faune protégées” (Annexe III).

La modification entrera en vigueur dans trois mois, sauf si au moins un tiers des Parties à la Convention de Berne (17) s’y oppose, auquel cas elle ne prendra pas effet. Si moins d’un tiers des parties s’y oppose, la décision entrera en vigueur uniquement pour les parties qui n’ont pas formulé d’objections.

La Convention de Berne, officiellement appelée Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, est un traité international du Conseil de l’Europe dans le domaine de la conservation de la nature. Elle couvre la majeure partie du patrimoine naturel du continent européen et s’étend à certains États d’Afrique.

La proposition de l’UE n’est pas la première concernant la protection du loup en Europe. En 2022, la Suisse avait présenté une proposition similaire, qui a été rejetée. D’autres propositions concernant d’autres espèces ont également été formulées auparavant. En 2019, la Norvège avait proposé de modifier le statut de protection de la Bernache nonnette (Branta leucopsis) de l’Annexe II à l’Annexe III, ce qui avait également été rejeté.

De nombreux agriculteurs français dénoncent depuis début novembre des attaques sur leurs bêtes ainsi qu’une inaction de l’État concernant l’autorisation de tirs de défense. Photo DR

Le souhait d’une “cohabitation apaisée et durable”

Pour le groupe de spécialistes de la “Large Carnivore Initiative for Europe” de l’UICN (autorité scientifique reconnue qui éclaire habituellement les décisions européennes), qui a publié en novembre dernier une position détaillée dans laquelle il recommande de ne pas rétrograder le classement du loup, cette décision est “prématurée et erronée.”

Dans un communiqué, le Comité français de l’UICN rappelle sa position : “Face à la difficulté du travail des éleveurs et des bergers et à la fragilité de leur modèle économique, s’ajoutent la pression et le désarroi qu’ils peuvent rencontrer face aux événements de prédation. L’exigence d’un accompagnement de la profession agricole est incontournable, parallèlement à l’exigence d’assurer la préservation du loup dans un bon état de conservation en France.”

Ainsi, “en poursuivant la recherche déterminée d’une approche équilibrée”, le Comité français de l’UICN soutient “la mise en œuvre d’une cohabitation apaisée et durable entre le loup, comme toute autre espèce de la faune sauvage, et les activités humaines.”

Le terme biodiversité “a disparu du gouvernement français”

Le déclassement du loup en Europe va permettre de généraliser dans d’autres pays ce qu’on fait déjà en France par dérogation, c’est-à-dire autoriser plus de tirs que ce qui est véritablement autorisé (depuis 2004, les préfets bénéficient de dérogations, autorisant à abattre 19% de la population chaque année, NDLR).

Dans un communiqué, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) “déplore que cette décision soit prise sous pression politique et sans véritable fondement scientifique, en dépit de l’appel de plus de 300 organisations européennes et une pétition signée par plus de 300 000 citoyens. Les attaques de loups sur le bétail, bien que réelles, restent gérables grâce à des solutions de cohabitation éprouvées et déjà en place…”

Et son président, Alain Bougrain-Dubourg souligne : “Alors que le terme biodiversité a disparu du gouvernement français, l’Europe envoie à son tour un très mauvais signal au reste de la planète avec ce nouveau recul écologique. Au-delà du cas emblématique du loup, l’enjeu est de réapprendre à coexister avec la faune sauvage afin de préserver notre patrimoine naturel commun et enrayer l’effondrement du vivant.”

Satisfaction chez les agriculteurs

Du côté des éleveurs, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a salué “un signal fort pour enfin permettre de réguler les populations lupines”, dans une déclaration.

La Coordination rurale, quant à elle, prend acte de la décision de la Convention de Berne et s’en réjouit. “Une cohabitation rapprochée telle qu’elle nous est imposée n’est plus tenable au risque de voir disparaître l’élevage plein air pourtant reconnu pour ses nombreuses vertus environnementales” souligne le syndicat agricole, qui estime que “cette décision marque une étape importante, mais le chemin reste encore long avant de retrouver un climat apaisé dans nos zones d’élevage plein air (…) [elle] devrait permettre de généraliser les possibilités de tirs selon des règles qui devront être déterminées nationalement.”

Philippe MOURET

Selon les études de l’Union européenne, le nombre de loups sur son territoire serait évalué à 20.300 individus en 2023. Un chiffre en nette augmentation sur une décennie. Pour la plupart, ils se trouvent dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne. En France, ce chiffre est estimé à 1003, en baisse de 9% sur un an.

Pour un poney ? Certains voient dans cette évolution de la réglementation une pure vengeance. En effet, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen avait été très affectée lorsque son poney préféré, Dolly, avait été tué par un loup sur sa propriété familiale en Basse-Saxe, en septembre 2022. Du côté de l’UE, on nie bien sur toute rapport de cause à effet…

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