Montpellier : Comment renforcer les transports collectifs autour du futur “RER métropolitain”

Ébauche de réseau présentée dans le cadre d'un travail tutoré d'étudiants du Master 2 "Transport, mobilités, réseaux".

Pour limiter bouchons et autosolisme, les étudiants du master Transport mobilités réseaux de l’université Paul-Valéry proposent d’améliorer la fréquence des TER – la réalisation de la LGV Montpellier-Perpignan sera déterminante – ; créer 19 lignes d’autocars sur le grand Montpellier ; recourir au transport à la demande avec des mini-bus… Professeur d’université, Laurent Chapelon décrypte ce travail.

Les étudiants de l’université Paul-Valéry de Montpellier à la rescousse de la LGV ! Embouteillages aux abords de la capitale du Languedoc, manque de dessertes entre villes moyennes, bourgs et agglomération… Des étudiants ont planché ces derniers mois dans le cadre d’un atelier tutoré et d’une commande de Kéolis Courrier du Midi pour aboutir à un bouquet de propositions, “complémentaires du réseau ferroviaire existant”. L’ensemble s’inscrit dans le lancement annoncé du Serm de Montpellier validé le 23 mai 2024, surnommé “RER métropolitain”. Ces propositions, dont le coût n’a pas été estimé, ont pour but d’être une  alternative crédible à l’usage de la voiture individuelle pour les déplacements du quotidien. Ce qui n’est pas gagné.

Panel d’offres pour inciter à moins prendre la voiture

TER en gare de Sète. DR

Le 24 mai 2024, tous les acteurs politiques de l’Hérault avaient signé un engagement : candidater au Serm (Services express régionaux métropolitains), comme vous l’a expliqué Dis-Leur ! ICI. Il s’agit de renforcer et de densifier comme jamais tous les moyens de transports existants dans une partie de la région Occitanie : Montpellier, Sète, les Hauts-Cantons de l’Hérault et le Gard en favorisant les intermodalités. Près d’un million de personnes sont concernées. Un panel d’offres alternatives pour aussi inciter les habitants à moins utiliser la voiture. Reste le feu vert de l’État et le financement…

Le gouvernement – la loi a donné corps au futurs Services express régionaux métropolitains (Serm) le 18 décembre 2023 – explique qu’il y aura, grosso modo, un projet validé pour chacune des treize régions françaises. Et ne prévoit de débloquer que roupie de sansonnet : à peine 767 M€ pour l’ensemble des projets alors que chacun se chiffre en milliards d’euros… Il s’agit de densifier le réseau de transports en commun.

“L’enjeu : concilier desserte et performance de l’offre”

Trains, bus, métro, tram, vélo mais aussi par des voies dédiées aux vélos et aux bus. C’est aussi bénéficier de davantage de fréquences de trains (on évoque 10 minutes à 15 minutes aux heures de pointe) ; plus tôt et plus tard dans la journée ; optimiser les intermodalités et surtout investir fortement dans des infrastructures et du matériel roulant… “L’un des enjeux majeurs du SERM de Montpellier va être de concilier desserte : couverture spatiale du réseau de transports en commun et vitesse : performance de l’offre de transports en commun pour, notamment, capter les flux domicile-travail”.

“Système global de transport, c’est-à-dire de porte-à-porte, et non pas uniquement comme une offre express”

Laurent Chapelon. Photo : DR.

Professeur d’université sur les mobilités à Montpellier, Laurent Chapelon théorise : “La desserte appelle plus de points d’arrêts alors que la vitesse en appelle moins. Il va donc falloir associer à l’offre structurante proposée par nos étudiants des solutions de rabattement efficaces (vélo, transport à la demande (TAD), parkings-relais automobiles…) pour permettre aux usagers non directement desservis d’en bénéficier. Il y a donc différents niveaux d’actions qui devront combiner : TER, autocars, transport à la demande, automobile (autopartage, covoiturage, rabattement), vélo et transports urbains. Le Serm doit véritablement être pensé comme un système global de transport, c’est-à-dire de porte-à-porte) et non pas uniquement comme une offre express.”

Six secteurs stratégiques ont été identifiés

Ce travail estudiantin a été encadré par Laurent Chapelon et Olivier Bouhet, coresponsables du master Transport mobilités réseaux de l’université Paul-Valéry et Jean-Yves Durand, des Courriers du Midi (Groupe Keolis). “C’est sur cet enjeu d’urgence de saturation des voies de circulation, du rallongement des temps de déplacement… que, dans le cadre de leur formation universitaire, ces étudiants de Montpellier, après un diagnostic, ont identifié six secteurs stratégiques : le Pic Saint-Loup, Vistre, Coeur d’Hérault, le Vigan-Montpellier, Sète-Montpellier et vers le Grau-du-Roi.”

Les propositions se structurent sur trois niveaux : le premier, l’axe TER dont le cadencement doit être renforcé à tous les quarts d’heure en horaires de pointe et toutes les demi-heure en heures creuses. Cela sera rendu possible grâce à la future ligne nouvelle LGV Montpellier-Perpignan qui libèrera des sillons. Si elle se réalise, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI (1).

Créer 19 lignes d’autocars sur le grand Montpellier

Éviter les bouchons. Photo : DR.

Deuxième étage de la fusée : l’autocar. “Comme Montpellier n’a pas “d’étoile” ferroviaire, on est obligés de s’appuyer ensuite sur un réseau d’autocars. Nos étudiants ont identifié 19 lignes de “rabattement” sur Montpellier” en plus de celles existantes. Elles pourraient être améliorées en terme de tracés, plus directs ; de fréquences, de vitesses améliorées… Les étudiants prévoient, notamment sur l’ouest montpelliérain, de déplacer les voies de circulation de la nationale vers la partie centrale inoccupée pour dégager une voie (l’actuelle bande d’arrêt d’urgence) qui serait réservée aux bus. Ceux-ci rouleraient donc en site propre comme cela se fait à Marseille, Grenoble, etc. Ce qui leur donnerait pour entrer dans Montpellier un avantage relatif par rapport à la voiture. Il y a un chiffre important : si le trajet en car est 1,5 fois plus élevé que celui en voiture (une heure trente au lieu d’une heure), cela n’intéresse pas les autosolistes. Il faut donc améliorer la vitesse de déplacement de ces cars. Cela peut se faire grâce à ces sites propres mais aussi en créant des parkings-relais sur certains stations d’autocars.”

En veillant à ce que l’ensemble soit plus compétitif que la voiture, y compris en temps de trajet. L’offre d’autocars avait été bâtie principalement pour les scolaires. Il faut redéfinir une offre en capacité en terme de vitesse et de temps de parcours de concurrencer la voiture : non pas avec des parcours qui serpentent partout mais suivant une offre davantage rapide. Il faut des lignes très directes. De quoi faire réfléchir l’automobiliste seul dans voiture au point qu’il se demande s’il ne serait pas moins fatigué et stressé de prendre le bus”, décrypte Laurent Chapelon.

Des mini-bus pour du transport sur réservation

Troisième étage de la fusée : le recours au “transport à la demande avec mini-bus sur réservation : quand l’offre n’est pas suffisante, la collectivité peut faire ce choix pour rabattre les usagers sur une ligne régulière soit pour les amener à leur destination. Cela permet, quand la demande est insuffisante, d’éviter de financer une ligne régulière avec des autocars à vide.” Il ajoute : “On se sert d’algorithmes pour prendre en compte les demandes formulées sur un territoire et qui vont optimiser le tracé du mini-bus pour ramasser plusieurs personnes dans une même boucle. Le but n’est pas une inflation de lignes mais des lignes plus efficaces.”

Covoiturage, mise à disposition de voitures par des collectivités…

Covoiturage. Ph. Mobicoop

Laurent Chapelon ajoute : “On pourrait envisager un 4e niveau : le renforcement du covoiturage. Et même un 5e niveau : la possibilité pour certaines collectivités de mettre à disposition des voitures, notamment électriques. Mais on est moins dans la philosophie de “rabattement” Serm. Voire un 6e niveau d’équipement : un réseau express de vélos électriques pour les territoires péri-urbains sur des pistes cyclables sécurisées pour les habitants de Grabels, Saint-Gély, voire au-delà. Aujourd’hui, il n’y a pas de solution unique pour résoudre les problèmes de mobilités mais un bouquet de solutions.” 

L’idée centrale de tout ce travail des étudiants reste qu’il faut “renforcer l’axe ferroviaire pour que le TER puisse encore gagner en fréquences, cadencement et en performance. Sans doute que la future ligne nouvelle LGV Montpellier-Perpignan libèrera des sillons sur le TER pour que l’on ait un train du quotidien à “hautes performances”. Il y a la question de la remise à niveau de certaines haltes ferroviaires (Saint-Aunès, Uchau…). Les étudiants ont, dans leurs hypothèses, maintenu le même niveau de service entre Nîmes et Sète, que ce soit des express, semi-express, omnibus, etc., sachant qu’il y a un potentiel de “rabattement” important à chaque halte.”

Olivier SCHLAMA

  • (1) Pour la seconde fois en quelques mois, les maires du Bassin de Thau, emmenés par Sète, demandent une révision du projet de ligne nouvelle. Sauf ceux de Mèze et Frontignan qui n’ont pas signé ce second courrier ! La présidente de la Région s’est battue depuis des années pour que ce serpent de mer soit remis en selle et financé. Le préfet de région devrait être amené à organiser une réunion-vérité en mars. Vice-président de la Région, Jean-Luc Gibelin défend ce projet “vital“.

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