Mixité : Stupéfiante réussite du CLJ de Sète à rebours de 40 ans d’échec de la politique de la ville

Ph. CLJ de Sète

Le 24 août, le centre, le plus grand du pays qui propose mille et une activités aux enfants de 9 ans à 17 ans, organise une soirée kitch, animée, en centre-ville, une première nationale. L’idée-maître depuis trois ans : développer mixité et vivre-ensemble pour adoucir les moeurs. De quoi lutter contre la défiance, le repli, les communautarismes. Et redorer l’image de la police.

À chaque fois, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux. Et esbaubit : “C’est soirée mousse demain !” L’adhésion, massive, au CLJ (Centre de loisirs jeunes) casse les codes. C’est un peu la mise en oeuvre d’une mixité simple, sans calcul, qui met en avant le partage sans tenir compte des origines sociales. De multiples activités sont ainsi proposées chaque jour. Qui parfois, à l’instar de la plongée, seraient bien trop onéreuses à envisager, hors les murs de cette colo atypique, posée intelligemment sur le sable de la plage de Sète, encadrée par des policiers et des animateurs (vingt-deux !), qui s’adresse à tous les publics.

Aqualand, plongée, volley ball, escrime, soirées…

Ph. CLJ Sète.

Des activités en nombre, sportives, mais aussi manuelles et culturelles – avec la réalisation de courts métrages ! Tout y est plébiscité, D’Aqualand à la plongée. Du volley ball à l’escrime. Et des soirées inoubliables. Ainsi, plus de 400 enfants – dont certains sont porteurs de handicap, ce qui est rare – s’y sont inscrits cet été pour une somme modique : de 15 € à 25 € la… semaine (30 € pour les non Sétois) et quelques euros de plus pour des “grosses” activités extérieures. Le “bon plan” se transmet de bouche-à-oreille entre parents. Entre enfants. Entre parents et enfants.

Directeur du CLJ, Nicolas Giordano décrypte : Ce que nous développons, c’est un choix véritable dans les activités que nous proposons. Foot, tennis, bouée tractée, plongée, rugby… Et même de la spéléologie ! Systématiquement, nous faisons en sorte qu’il y ait d’autres activités à divers moments de la journée. Une activité manuelle, du sport… On a même réalisé un court métrage sur de la prévention des violences intra-familiales”, un fléau dont Dis-Leur vous a parlé ICI.

Court métrage primé en Grèce et à Bordeaux

Ph. CLJ Sète.

Un vivre-ensemble qui permet aussi de lutter contre le repli, les communautarismes. “On a joué ça avec notre partenaire, DNA (la série TV Demain Nous Appartient, Ndlr).” Autre exemple, “les enfants peuvent participer à un atelier mosaïque, à des cours d’escrime…” Au CLJ, se tournent d’autres court-métrages qui ont la faculté de libérer la parole, de mieux s’exprimer, y compris en public. “On a ainsi fait venir un élève du cours Florent, à Paris, qui a écrit un texte, Au Nom du Père, joué avec une enfant du CLJ et deux acteurs connus, Christian Vadim et Mélanie Maudran, la tête d’affiche d’Un Si Grand Soleil, à Montpellier.” La vocation de ce genre de film primé en Grèce lors d’un festival et à Bordeaux, pas plus tard ce lundi ? Aller dans les collège et parler à la jeunesse. Et alimenter des débats.

“Nous voulons rassembler toutes les jeunesses”

Nicolas Giordano, directeur du CLJ de Sète. Ph. Olivier SCHLAMA

Marque ultime de cette réussite, la fête qui se prépare pour le 24 août en centre-ville, cette fois, de l’île Singulière. Ouverte à tous – et d’abord aux adhérents du CLJ qui arboreront un tee-shirt spécifique -, faisant écho à la sacro-sainte fête de la ville, la vénérée Saint-Louis ! Le directeur du CLJ emploie un joli pluriel : “Nous voulons rassembler toutes les jeunesses. Cet événement est une première en France !”, se délecte Nicolas Giordano dans un grand sourire. Le nom de la fête, là aussi, casse les codes : La Royale Kitch. Événement gratuit, truculent, qui ne pouvait se dérouler que dans cette Île Singulière qui organise, déjà, par ailleurs, un concours de boules carrées ou qui vit sa rue Paul-Valéry jadis transformée en piste de ski. Et qui vénère comme ces demi-dieux de la tintaine.

Tenues kitch, Pig Chenilliste, cheucheu synchro…

Révélation : “Delphine Le Sausse fera une démo de ski nautique et cette soirée, qui se déroulera au Nouveau bassin du quai d’Alger, au Chichois, est aussi parrainée par Youcef Agal, de la série Demain nous appartient.” Là aussi, se développe une notion de partage et de frontières à effacer : “Tout le monde est invité à venir, en paddle ou en canoë, avec un gilet de sauvetage, depuis le Môle.”

Déguisé, si possible en tenue kitch pour danser sur des musiques… kitch des années 1980. Ce n’est pas tout. Avec tout ce décorum, la fête s’organisera autour d’une “maison kitch”. On susurre qu’un hélicoptère participera à la fête et annoncera d’autres surprises… Enfin, la Pig Chenilliste sera présente pour lancer la “cheucheu synchro” – dans une chenille de fête foraine, tout le monde côtoie tout le monde. Le tout se terminera par une macaronade géante, forcément ! (10 € sur inscription). De quoi bien se lancer dans la Saint-Louis !

Le préfet en visite lundi au CLJ de Sète

Étonné de la vitesse à laquelle le CLJ de Sète se développe et à l’adhésion qu’il suscite, le préfet de l’Hérault s’y est rendu ce lundi pour comprendre le “secret”. “Le secret ? C’est la mixité ! Je ne veux pas m’adresser à un seul public. Quand on vit à l’Île de Thau – quartier politique de la ville, Ndlr – eh bien, tu vis toute l’année avec tes voisins ; la carte scolaire est faite de telle manière que tu te retrouves en classe avec ces voisins-là. Et quand tu fais du sport, tu ne vas pas forcément en centre-ville.” Un groupe de choristes a été monté par le ténor sétois Jean-Michel Ballester pour participer aux 500 Choeurs, à Montpellier.” 

L’hiver, ça continue : le centre s’ouvre au centre de vacances du Lazaret, non loin de là, ce qui permet à des familles du centre-ville de venir et même de Saint-Clair, là où habitent les plus riches. “C’est aussi ça qui fait notre richesse, cela permet de ne pas être clivant“, appuie Nicolas Giordano. Et de formuler : “On valorise chaque individu et non un groupe. Au début des soirées mousse, où sont invitées toutes les associations, on développe un thème de prévention. Et quand la soirée se termine on offre une saucisse-merguez.” Plusieurs centaines de jeunes s’y trémoussent, à chaque occasion.

Succès paradoxal face à l’échec de la politique de la ville

Une idée qui défend en arrière-plan de façon plus ou moins subliminale la mixité sociale. “Quand le préfet est venu à Sète il y a quelques jours, il m’a demandé notre secret”, dévoile son directeur et policier depuis trois ans Nicolas Giordano. Une réussite qui détone après 40 ans d’échecs de la politique de la ville, analysée maintes fois par la Cour des comptes. Paradoxale même au regard du nombre de CLJ en France : “Il n’y a qu’une douzaine, analyse Nicolas Giordano. Celui d’Agde a fermé il y a trois ans ; celui de Béziers devrait peut-être rouvrir…” Le centre fonctionne, entre autres, avec des subventions “importantes” de la CAF. “Notre progression est telle que je suis toujours en recherche de trésorerie ; surtout que les aides arrivent au bout de plusieurs mois. On se développe trop vite…”, sourit-il.

Il connaît bien “les jeunesses”

Ph. CLJ Sète

Les CLJ sont peu nombreux en France. On en trouve quatre en région parisienne et quelques-uns dans le Midi, à Hyères et Toulon (Var) ; Marseille (Bouches-du-Rhône) ; une poignée en Bretagne. “Et c’est tout. Chacun est autonome.” Chaque CLJ a plus ou moins la capacité de nouer des partenariats avec notamment des associations oeuvrant justement dans la politique de la ville. L’un des secrets de Nicolas Giordano réside sans doute dans son expérience : il connaît bien “les jeunesses”, comme il dit, en tant qu’ancien directeur de centre de vacances, avant de choisir l’uniforme.

Côté expérience, Nicolas Giordano a, jadis, travaillé à Mayotte où la délinquance flambe – il s’occupait des viols et des missions anti-orpaillages clandestins qui polluaient tout au mercure – ou encore à la Réunion où il y a un brassage de populations très important et où tout se passe bien. Il n’y a donc pas de raison que ce soit différent ici…”, affirme-t-il.

Stups, addictions abordés dans les Nocturnes du Poulpe

“La mixité, c’est une super idée”, énonce-t-il, mais faut arriver à la mettre en oeuvre ; à attirer tous les publics ; à faire de la prévention intelligemment. Comme cela se fait lors des soirées de prévention du mercredi baptisées “Les nocturnes du Poulpe” où l’on aborde sans carcan et avec liberté tous les sujets que des parents aimeraient bien aborder avec leurs enfants : les stups ; les addictions en général ; celle des écrans ; le protoxyde d’azote (ce gaz qui sert à l’origine à pousser la chantilly dans un siphon). Des dangers. “C’est le jour où l’on invite toutes les autres associations à venir chez nous pour notre soirée prévention. C’est interactif. Avec des questions-réponses. Oui, on peut parler de réussite quand les jeunes nous demandent de semaine en semaine quel sera le prochain thème que nous aborderons…”

Accessoirement, ce CLJ redore l’image de la police. “J’en reste convaincu. Cela ne se voit pas forcément aujourd’hui – cette nouvelle formule n’a que trois ans – mais on le verra à moyen terme. Cela participe d’une autre image des policiers chez les jeunes.” Chaque soirée se conclut avec la Marseillaise

Olivier SCHLAMA

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