Méditerranée : Jusqu’à 500 éoliennes géantes en mer d’ici 2035, qu’en pensez-vous ?

Eoliennes flottantes en mer. Photo : Commission nationale du débat public.

C’est l’intention de l’Etat français. Les deux premiers parcs, au large de Fos-sur-Mer et de Port-la-Nouvelle, qui sont déjà validés, seraient in fine multipliés par cinq. La Commission nationale de débat public organise une nouvelle concertation jusqu’en avril à laquelle chacun peut participer et peser. Avec webinaire ce mercredi. Etienne Ballan, délégué régional du débat public pour la façade Méditerranéenne, en décrit les enjeux.

Oubliez la version romantique de tranquilles moulins à vent qui s’ébrouent dans le vent du nord dominant. Le gouvernement veut aller vite, très vite. Déjà, les premières puissances ont été décidées pour les éoliennes flottantes en Méditerrannée, comme Dis-Leur vous l’a expliqué ICI. Et qui a suscité beaucoup de réticences. Et la Commission nationale du débat public, instance totalement indépendante, a été saisie une nouvelle fois, conformément à la loi, pour organiser une nouvelle concertation sur l’agrandissement des deux parcs avant que ceux-ci n’aient vu le jour. La raison ? Devenir de plus en plus indépendants en énergie. Vite.

“Pourquoi et jusqu’où développer l’éolien en mer Méditerranée ?”

Etienne Ballan. Photo CNDP.

Ces quelques dizaines d’éoliennes flottantes doivent être réparties en deux parcs, l’un en face de Fos-sur-Mer, le second au large de Port-la-Nouvelle. Leur puissance sera de deux fois 250 mégawatts chacune à l’horizon 2031 ; puis, de deux fois 500 mégawatts en 2035. Et il est donc désormais question de passer de 4 gigawatts à 7,5 gigawatts de puissance à l’horizon 2050 pour une emprise en mer de 400 km2 à 1 5 00 km2. 

C’est-à-dire concrètement de voir flotter plusieurs centaines de mâts culminant à plus de 250 mètres de hauteur, peut-être cinq cents, au final. Ce passage à l’industrialisation massive et à la création d’une filière industrielle est l’objet d’un webinaire public ce mercredi 24 janvier de 18 heures à 20 heures : Pourquoi et jusqu’où développer l’éolien en mer Méditerranée ? Si vous vous sentez concernés, vous pouvez peser en participant et en donnant votre avis. Attention, inscription obligatoire ICI. Il est aussi prévu un atelier public à Perpignan le 8 février (ci-dessous).

“Les populations, notamment côtières, ne semblent pas complètement mobilisées sur ces questions-là”

Il s’agit ni plus ni moins que de peser de votre voix sur les choix qui s’annoncent de planification maritime, de protection des écosystèmes ; de biodiversité et de cohabitation avec la pêche, etc. Ce seront les seules occasions de s’informer sur ces projets-phares de parcs éoliens sur toute la façade du Golfe du Lion en amont des décisions que le gouvernement actera dans les prochains mois.

La consommation électrique de 13 millions d’habitants

Directeur du projet éoliennes en mer à la Dreal Occitanie, service déconcentré de l’Etat, Frédéric Autric souligne que “7,5 GW cela représente 50 % de la consommation électrique annuelle des deux régions (Paca et Occitanie, Ndlr) ou la consommation électrique résidentielle annuelle de plus de 13 millions d’habitants”. Le coût ? “Le coût total d’un projet éolien s’élève à environ deux milliards d’euros pour un gigawatt installé et financé par le développeur. Auquel il faut ajouter le coût du raccordement financé par RTE.” Le raccordement, selon les estimations, est évalué entre 10 % et 15 % du coût total.

Etienne Ballan, délégué régional du débat public pour la façade Méditerranéenne et membre de la Commission particulière du débat public, “neutre et indépendante”, en décrit les enjeux. Il ne donne pas d’avis sur le fond du sujet. “Je suis ni pour ni contre. Je suis là pour que le public se fasse une idée et s’exprime”, explique-t-il, précisant, qu’à l’heure actuelle, “les populations, notamment côtières, ne semblent pas complètement mobilisées sur ces questions-là”.

La concertation porte-t-elle sur l’extension future de ces deux parcs éoliens qui n’ont pas encore vu le jour ?

Eolienne flottante. Ph. CNDP.

Etienne Ballan : Oui, c’est cela. Sur ce qui a après les 1,5 gigawatts qui sont déjà décidés, en quelque sorte. Ils ne sont pas installés, certes, mais qui ont déjà fait l’objet d’un débat public et qui sont l’objet d’une concertation post-débat public et dont les zones un peu plus précises ont été décidées l’année dernière. Leur cahier des charges va sortir prochainement.

Déjà qu’il y avait de grandes réticences lors de la première concertation…

Etienne Ballan : Il y a deux ans, je présidais le débat public. Effectivement, il y avait des réticences mais pas forcément des oppositions de principe très fortes. Quelques-unes étaient très fortes {à l’instar de la communauté des pêcheurs, Ndlr}. Il y avait surtout une demande d’attendre le retour d’expérience des éoliennes pilotes, trois fermes de trois éoliennes et puis les travaux de recherche, notamment sur les oiseaux, Migralion. L’Etat n’a pas souhaité attendre. Il a clairement répondu qu’il est pressé. Expliquant qu’il acquerrait des retours d’expériences tout au long du processus.

Mais les deux premiers projets, en effet, sont lancés, faisant l’objet de plusieurs décisions des pouvoirs publics. Et sous réserve des impacts environnementaux, qui seront mieux mesurés au fil des études, l’Etat a bien l’intention d’aboutir sur ces deux premiers projets et leurs extensions. Les extensions des deux premiers projets sont déjà dans les tuyaux. Le débat public qui s’est ouvert en novembre et court jusqu’en avril, porte sur au-delà de cette limite, c’est-à-dire ce que l’on appelle la planification, au-delà des 1,5 gigawatts. Maintenant on doit débattre de cette planification : comment doit-on faire pour 2033 puis 2050 ?

Cela va faire combien d’éoliennes ?

Etienne Ballan : Ce que l’on sait c’est que si le projet est validé, elles seront cinq fois plus nombreuses à terme. Si l’on prend l’hypothèse de 15 mégawatt l’unité, 7,5 gigawatts, cela représenterait quelque 500 éoliennes en mer.

Mais on ne va voir que cela, des éoliennes ?!

Ph. CNDP.

Etienne Ballan : C’est vous qui le dîtes. Je ne prends pas partie. Il y a effectivement un changement d’échelle. Il peut y avoir non pas deux sites mais huit à dix sites au total pour accueillir ces machines. Surtout que ces éoliennes flottantes doivent se retrouver dans le même secteur, sur le plateau du golfe du Lion, et aux large des côtes de Fos-sur-Mer. Il s’agit de densifier les deux zones. Car il n’y en aura ni en Corse ni en Paca. Les fonds ne sont pas compatibles. À ce stade, ce que l’Etat envisage, c’est “fois cinq” ou fourchette basse “fois quatre”.

Cette extension et cette planification sont-elles déjà décidées ?

Etienne Ballan : Non. L’une des choses pour laquelle le débat public de 2021 a servi, c’est bien de répondre favorablement notamment à une demande publique très forte d’avoir une image globale des intentions de l’Etat et de pouvoir débattre sur l’ensemble des projets éoliens en Méditerranéen de l’Etat. Sur le long terme. Ça a été entendu. L’État a dit : ok, j’arrête de faire un débat projet par projet. Je vous annonce la couleur et l’image globale à long terme.

L’État a d’ailleurs annoncé 45 gigawatts pour l’ensemble des façades maritimes métropolitaines dont une fourchette de 4 gigawatts à 7,5 gigawatts au total, y compris ce qui est en cours, pour la Méditerranée. C’est ce qui est en jeu demain soir : que l’on saisisse bien les enjeux et les conséquences d’une éventuelle multiplication de ces parcs et du nombre d’éoliennes. De ce changement d’échelle.  Et ce n’est pas décidé. C’est très important de le dire.

S’il y a une forte opposition, avec pétition d’élus, grosse manifestation, se peut-il que le projet soit stoppé ?

Etienne Ballan : Il est possible que la fourchette du nombre d’éoliennes soit réduite, tout à fait. Les 1,5 gigawatts, eux, sont décidés. Mais l’État peut toujours revenir en arrière. Si les études environnementales démontrent, in fine, que les impacts sont trop importants, les projets ne seront pas autorisés. On est dans un État de droit. Le projet devra passer en enquête publique et faire la preuve que son impact environnemental n’est pas trop important.

Avez-vous connaissance d’un recours en justice ?

Eolienne en mer. Ph. CNDP.

Etienne Ballan : Il n’y en a pas devant les tribunaux, à ce jour. Mais pour un projet de ce type, cela arrive plutôt en fin de course, une fois le projet autorisé. C’est l’acte d’autorisation qui est attaquable. Ce qui est vraiment important, c’est que ce débat sur le long terme est un progrès. Pour la CNDP et la Mer en Débat, c’est de pouvoir intégrer cette question des effets cumulés d’un tel projet, plus vaste, à long terme.

On débat de tout et l’éolien est une activité parmi d’autres. C’est l’objet du webinaire de ce mercredi à 18 heures. Tout y sera explicité. On essaiera aussi de faire réfléchir les gens sur ce que eux voudraient. Quelle place doit-on donner aux parcs éoliens en Méditerranée ? Quelle dimension doivent-ils avoir ? Que le public s’approprie les enjeux et qu’il se fasse une idée lui-même de ce qu’il faudrait en quantité.

Y a-t-il eu un appel d’offres pour construire ces premières éoliennes ?

Etienne Ballan : Pour le moment, c’est l’État qui est à la manoeuvre. Y compris sur la planification à long terme. Sur les deux premiers projets et leurs extensions (jusqu’à 1,5 gigawatts), on attend le cahier des charges de l’État qui a déjà sélectionné treize équipes, treize consortiums qui pourront répondre à ce cahier des charges dans le courant de 2024. Dès lors, l’opérateur, privé, prendra la main sur ce projet.

En Europe du Nord, la filière se casse la gueule. De quoi être inquiet…?

Ph. CNDP.

Etienne Ballan : Il y a une crise de la filière, un peu classique, avec croissance, d’endettement et de concentration et rachats des uns par les autres, etc. C’est une filière qui connaît pas mal de mouvements. Après, je ne suis pas expert économiste. Est-ce que cela veut dire que cette filière qui va se casser la gueule ou pas, je n’ai pas d’avis personnel.

La politique publique qui est annoncée est assez ambitieuse. Donc il peut y avoir des risques. Il y a aussi la question de la rentabilité. Mais une politique publique ambitieuse de transition énergétique est financée par la puissance publique. Il y a le souhait de l’État de planter une filière industrielle. Et de lui garantir des carnets de commandes mais aussi des moyens pour passer des crises de croissance.

Il y a deux ans, 13 millions de personnes étaient au courant du projet d’éoliennes en Méditerranée. Et aujourd’hui ?

Etienne Ballan : Nous n’avons pas d’information précise. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a deux ans, le débat public avait contribué à faire largement connaître ce sujet qui fait régulièrement l’actualité. Après, sur la seconde partie, sur les intentions de l’État après les deux premiers projets que tout le monde connaît à peu près, je pense que le niveau d’information est assez faible. C’est l’un des enjeux du débat public.

Olivier SCHLAMA

Atelier public le 8 février à Perpignan

Projets d’éoliennes en mer, environnement et protection de la biodiversité marine, tourisme et plaisance, etc., la mer et les littoraux de Méditerranée sont confrontés à de nombreux défis.

Afin de débattre de ces sujets, l’équipe du débat public « La Mer en débat » est heureuse de vous inviter à participer à un atelier public qui se tiendra à Perpignan le jeudi 8 févier de 17h45 à 20h, au Palais des Congrès. 

Pour nous permettre de vous accueillir dans les meilleurs conditions, vous devez vous inscrire, ICI, préalablement à cette rencontre sur le site du débat public.

“Cette rencontre se veut un espace de dialogue et d’exploration des enjeux et des solutions entre citoyennes et citoyens, universitaires, élus et associations, pour s’informer et contribuer activement à la conception des politiques publiques de l’échelle locale à l’échelle nationale. Elle sera organisée en format “café du monde”, au cours duquel vous serez invité à débattre successivement dans trois ateliers thématiques :

  • Quel avenir pour l’éolien en mer en Occitanie, en particulier les Pyrénées-Orientales ?
  • Protéger la mer : quels enjeux pour la protection de la biodiversité marine et quelle coopération internationale ?
  • Plaisance : quelle durabilité sur la côte Occitane ?

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