La mer Méditerranée est le creuset de 22 États qui abritent presque 500 millions de personnes réparties sur trois continents. La richesse de sa biodiversité mais aussi son héritage historique et culturel font de cet espace une zone atypique. Elle connaît aujourd’hui une accélération du processus de changement climatique (…) L’alerte est donnée : actuellement l’espace méditerranéen se réchauffe jusqu’à 20 % plus vite que d’autres zones du monde. “Alors que l’on prévoit d’ici la fin du siècle des réchauffements de l’air de +3 à +4 °C dans le monde, les projections pour la zone méditerranéenne sont de l’ordre de +4 à +5 °C.”

Le livre de Robin Degron replace l’urgence d’inscrire les politiques dans une logique de décélération. L’auteur (directeur du Plan Bleu de l’Onu, professeur des universités, magistrat à la cour des Comptes), dresse un bilan exhaustif, parfaitement documenté et propose “des pistes d’actions concrètes sur des problématiques liées au climat, à l’économie de l’eau, à la gestion des forêts, à l’agriculture, à l’alimentation, à la nécessité de rendre plus résilients les espaces urbains” qui concentrent l’essentiel de la population méditerranéenne et à la santé.

Souligner l’urgence qu’il y a à agir pour la “planète bleue”

Car c’est bien de la santé humaine qu’il est question. Pas de “sauver la planète” mais de “préserver le vivant sur la planète”. L’auteur appelle ainsi à repenser notre rapport à l’environnement et à adopter des solutions novatrices qui favorisent la durabilité et l’équité, sans analyse doctrinaire mais avec le constat scientifique de l’urgence à agir, pour nous et les prochaines générations.

Un sujet d’autant plus d’actualité alors que se tient, à Nice, la troisième Conférence de l’Onu sur l’océan (Unoc) organisée conjointement par la France et le Costa-Rica. Avec pour thème principal : “Accélérer l’action et mobiliser tous les acteurs pour conserver et utiliser durablement l’océan.”

Un sujet qui est au coeur des actions de Robin Degron puisqu’il est, depuis janvier 2024, le directeur du Plan Bleu, premier organe de planification écologique et de développement durable, basé à Marseille.

“Le rôle pivot du Plan Bleu au sein du système des Nations Unies, en tant que centre d’expertise clé pour l’ensemble du Bassin méditerranéen, est primordial. En tant que gardiens du Bassin méditerranéen, nous avons la responsabilité de proposer aux Etats et collectivités territoriales méditerranéens une « articulation des temporalités » au service d’un aménagement de l’espace durable”, explique notamment Robin Degron, à ce propos.

C’est donc un expert reconnu qui publie aujourd’hui “Climat, environnement et santé en Méditerranée” (JLE- Tec & Doc) et nous dit que “en Méditerranée, le réchauffement climatique n’est plus une abstraction, une vue de l’esprit scientifique. Le réchauffement climatique est bel et bien à l’oeuvre. Inlassablement il assèche les points d’eau et réduit les récoltes; il brûle les forêts, un été en grèce, un autre en France, souvent en Algérie ou en Turquie. On peine à se nourrir des produits d’une terre devenue infertile faute d’eau…”

L’exemple symbolique du “régime méditerranéen”

 Robin Degron établit que la Méditerranée devient “le laboratoire” du dérèglement climatique mondial, et dresse un état des lieux précis, richement illustré, au carrefour de la science et de la politique. Il propose aussi des mesures concrètes liées aux problématiques, appelant à “une prise de conscience rapide et entière à tous les niveaux de gouvernance et de citoyenneté.”

Le panorama est particulièrement complet, montrant l’imbrication des problématiques liées au climat, à l’économie de l’eau, à la gestion des forêts, à l’agriculture, à l’alimentation, à la nécessité de rendre plus résilients les espaces urbains qui concentrent l’essentiel de la population méditerranéenne et à la santé.

Parmi les exemples concrets qui sont ainsi proposés, celui du “régime méditerranéen” (*), symbolique de l’insécurité alimentaire : “En dépit de l’inscription du régime méditerranéen sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité” par l’Unesco en 2010 et de sa réputation mondiale, on peut se demander si le régime méditerranéen existe toujours en pratique”, écrit l’auteur.

Mais pourquoi ? “Les structures familiales et sociales se sont transformées, passant d’un modèle de famille élargie où la transmission du savoir culinaire était encouragée, à un modèle de famille où ce savoir-faire s’est perdu…”, écrit Robin Degron. “… Dans les villes, les grands distributeurs prennent la relève des commerces locaux et les chaînes de restauration rapide prospèrent…”

Et le pire : “Même la réputation du régime méditerranéenen tant que modèle sain a joué contre lui en encourageant les exportations d’huile d’olive vers des pays riches qui n’en consommaient pas traditionellement (par ex;, Amérique du Nord et Europe du Nord, Jamon, Australie) et en la remplaçant par des huiles végétales bon marché à destination des pays producteurs” !

Résultat : “L’abandon du régime méditerranéen [dans ses territoires d’origine NDLR] a entraîné une perte de durabilité couplée à des impacvts environnementaux et nutritionnels, notamment une pression accrue de la production alimentaire sur l’environnement, une empriente environnementale plus importante, une perte de biodiversité et une augmentation des déchets alimentaires…”

Il y a beaucoup à apprendre au fil de ces 130 pages et une conclusion en forme de morale universelle : “Notre climat change vite, trop vite. Et à force de nous combattre comme des ennemis géopolitiques, de ne pas nous comporter comme des frères et soeurs d’humanité, embarqués sur un même bateau, nous finirons par mourir comme des naufragés ders dunes. Rassemblons nous pendant qu’il est encore temps.”

Philippe MOURET

“Climat, environnement et santé en Méditerranée” de Robin Degron auc éditions Tec & Doc. 24€ – Sortie en librairies le 12 juin 2025.

(*) Le régime méditerranéen se base sur la consommation quotidienne de fruits, légumes, légumineuses, céréales, fruits à coque, herbes aromatiques et huile d’olive; modérée de produits laitiers (chèvre et brebis essentiellement, vache dans une moindre mesure), d’oeufs et de vin; limitée der poisson; occasionnelle de viande.

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